Détection incendie. Un marché ponctuellement en baisse
Habitué à une faible variation de ses ventes, le marché de la détection incendie a subi un coup de frein brutal en 2020, en raison du ralentissement économique lié à la pandémie. Un regain est espéré pour cette année.
Une chute historique
La crise sanitaire n’en finit pas d’avoir des conséquences néfastes sur l’économie tout entière, sur la profession de la sécurité en général et sur la sécurité incendie en particulier. Dans ce domaine, la détection incendie ne fait pas exception à la règle : pour la première fois depuis plusieurs décennies, les ventes de détecteurs sont descendues en-dessous de la barre symbolique du million d’exemplaires en 2020 pour s’établir autour de 900 000 unités, selon une étude d’En Toute Sécurité.
Le marché se trouve donc aux antipodes du record de deux millions de détecteurs vendus en 2003.
« L’impact négatif de la pandémie a été significatif, puisque différentes catégories de sites utilisateurs de détecteurs incendie ont été fermés pendant de longs mois, comme les hôtels ou les sites culturels. Ils n’ont d’ailleurs en général pas profité de cette période pour remettre à niveau leurs dispositifs de sécurité incendie », nous explique Franck Lorgery, président du Gesi (Groupement français des industries électroniques de sécurité incendie), affilié à la FFMI.
Au total, en 2020, le marché s’est inscrit autour de 500 M€, en baisse d’environ 10 %, ce qui constitue une première historique, puisqu’il connaissait habituellement une progression de 1 à 2 % par an et même jusqu’à +5 % en 2017, selon les statistiques d’En Toute Sécurité.
« En 2020, le marché s’est inscrit autour de 500 M€, en baisse d’environ 10 %, ce qui constitue une première historique. »
Objectif prioritaire : satisfaire le client
Pour les professionnels du secteur, il a fallu s’organiser pour s’adapter à cette période particulière. Dans la construction neuve, qui représente plus d’un quart de la clientèle totale, contre trois quarts pour la rénovation, il a ainsi été nécessaire de former les intervenants qui devaient accéder aux chantiers.
« Quand la vitesse de croisière de l’activité est habituellement de 100, il est particulièrement compliqué de passer de 0 à 200 en quelques jours. Certaines entreprises ont réagi trop tard, alors que le maître-mot était l’anticipation. D’autres, au contraire, ont profité des opportunités qui se présentaient, si bien que les performances des entreprises n’ont pas du tout été homogènes », analyse le président du Gesi.
Rappelons en effet que la réglementation impose deux visites annuelles des systèmes de détection incendie : il a donc été nécessaire de rattraper le retard accumulé pendant les mois de confinement suivis par une certaine désorganisation chez des donneurs d’ordres.
« Dans ce contexte, le premier objectif consiste à donner satisfaction aux clients et lui montrer qu’il ne faut pas baisser la garde sur les questions de sécurité », ajoute-t-il en faisant par exemple remarquer que l’incendie du data center d’OVH à Strasbourg en mars 2021 n’a pas provoqué de regain de la demande de détection incendie dans d’autres sites de ce type.
Pénurie de matières premières
En raison de la multiplication des menaces (attentats terroristes, cyberattaques, pandémie, atteintes à la réputation de l’entreprise, etc.), certains observateurs craignent que le risque incendie se banalise et donc que les investissements dans ce domaine ne soient pas à la hauteur des risques.
Pour compliquer les choses, les fabricants de détecteurs ont dû faire face à la crise internationale des matières premières, à des mouvements de spéculation sur certains produits et à une pénurie de composants électroniques, aggravée par la boulimie des constructeurs automobiles qui se sont rués sur ce type de matériels depuis deux ans.
Heureusement, durant la pandémie, on n’a pas recensé de cyberattaques de systèmes de sécurité incendie, à la différence de ce qui s’est produit dans le contrôle d’accès électronique ou la vidéosurveillance. C’est d’ailleurs une conséquence du modèle français : l’architecture des systèmes de sécurité incendie et de sûreté électronique ne sont pas construits de la même manière et ne communiquent pas entre eux.
Pour 2021, les professionnels se trouvent dans la plus grande expectative : « Nous sommes dans le flou, tout simplement parce qu’on ne sait pas combien de vagues d’épidémies de coronavirus vont encore se produire. Mais même quand nous reviendrons à une situation normale, on ne sait pas si la reprise sera immédiate ou progressive », affirme Franck Lorgery.
Des espoirs de croissance
Néanmoins, le millésime 2021 devrait être marqué par un retour à la croissance, de même que l’année suivante, mais personne ne s’aventure à fournir une prévision.
Quelques segments de clientèle sont restés porteurs, principalement les data centers et les centres logistiques. Le développement du télétravail et des visioconférences nécessitent en effet beaucoup de ressources informatiques, tandis que le développement accéléré des ventes en ligne a favorisé l’éclosion de nouveaux entrepôts.
En revanche, les tunnels et les parkings ne sont plus du tout un créneau dynamique, car la rénovation des systèmes incendie a été réalisé depuis plusieurs années après l’instauration de nouvelles réglementations à la suite d’incendies spectaculaires.
Retard dans le remplacement des détecteurs ioniques
Parallèlement, la profession se heurte à une certaine inertie de la part de clients qui rechignent à retirer les détecteurs ioniques (dits DFCI) implantés sur leurs sites, considérés comme présentant des risques pour l’environnement. Or, l’échéance arrive à grands pas : en décembre prochain, ils devront être tous retirés. Ils seront devenus illégaux, leur détention ou leur utilisation étant alors interdite
On est loin du compte, puisque selon l’ASN, organisme qui réglemente le retrait de ces détecteurs, il en restait encore 1,7 million en fonctionnement fin 2020. Tout le monde s’accorde sur le fait que les remplacements n’ont pas été massifs en 2021, notamment en raison de la crise sanitaire. « C’est un problème de coût pour certains utilisateurs », relève le président du Gesi.
La situation se révèle parfois très inconfortable pour la société de maintenance incendie : elle doit convaincre son client de respecter la loi mais en évitant une détérioration de ses relations commerciales avec lui. Il va sans dire que la fermeture des sites durant le confinement et les changements de priorités qui ont suivi n’ont pas facilité le remplacement des DFCI.
À son maximum, le parc de détecteurs ioniques se montait à sept millions d’exemplaires répartis sur 300 000 sites en France. Permettant d’obtenir une alerte précoce, ils étaient largement plébiscités depuis les années quarante, en grande majorité dans les bâtiments publics.
Des discussions ont lieu avec l’ASN pour retarder l’échéance de décembre 2021, mais l’agence maintient cet objectif, faisant valoir que cette date était connue depuis 2008. Si les sites privés ont plutôt joué le jeu pour retirer leurs détecteurs ioniques, cela n’est pas franchement le cas pour le secteur public : le parc qui reste à remplacer se trouve à 70 % dans des bâtiments publics.
En 2020, le marché s’est inscrit autour de 500 M€, en baisse d’environ 10%, ce qui constitue une première historique.
L’innovation comme alternative
Les entreprises de sécurité incendie doivent donc faire preuve d’innovation pour stimuler la croissance. Ce qui n’est guère aisé en ces temps de restrictions budgétaires généralisées.
La priorité de base consiste à mettre l’accent sur la maintenance, car certains s’affranchissent encore des obligations légales en la matière. Cette activité représente environ 30 % des ventes totales et ce pourcentage devrait logiquement encore grimper dans les années futures.
Les professionnels peuvent également inciter leurs clients à se porter vers des détecteurs plus sophistiqués, comme les modèles multi-technologies, qui représentent actuellement moins du quart des ventes.
La demande pourrait aussi s’orienter vers des matériels respectant davantage l’environnement. Ils peuvent aussi préconiser une simplification de l’architecture de sécurité incendie, car certaines configurations datent et ne bénéficient pas des performances de systèmes plus récents.
L’un des grands chantiers pour les prochaines années est la détection incendie par caméras ou Video Smoke Detection (VSD). « On en est aux balbutiements et le marché est encore en apprentissage sur ce sujet délicat. Il faut par exemple éviter les dérives ou les erreurs comme l’utilisation d’une même caméra pour détecter un départ de feu ou pour surveiller une issue de secours ou empêcher un vol en magasin », explique Franck Lorgery.
Le stade des expériences est désormais dépassé et l’on recense déjà des systèmes opérationnels à grande échelle utilisant la détection incendie par analyse d’image comme complémentarité de la détection incendie classique. C’est par exemple le cas dans l’industrie, une activité où des sites ayant une surface importante utilisent de gros volumes de détecteurs.
Des entreprises françaises compétitives
La France n’apparaît pas en retard dans ce domaine d’avenir, se trouvant au même niveau d’avancement que l’Allemagne, par exemple.
L’innovation est aussi un moyen de se distinguer de la concurrence. À signaler que la sécurité incendie – et tout particulièrement la détection – bénéficie d’entreprises françaises fortes et compétitives qui tiennent le haut du pavé face à des groupes asiatiques ou d’Europe de l’Est. « La France s’en tire plutôt bien », résume le président du Gesi.
Article extrait du n° 576 de Face au Risque : « Sûreté des chantiers » (octobre 2021).
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