Installations classées. Le droit d’antériorité dans la réglementation ICPE
La réglementation ICPE est en mutation quasi permanente. Les modifications réglementaires, par le biais de la nomenclature ICPE ou des arrêtés de prescriptions générales applicables aux rubriques de cette nomenclature, peuvent entraîner des changements pour les installations existantes. Face à ces situations, ces dernières bénéficient d’un droit d’antériorité dont les contours sont encadrés par le code de l’environnement et les textes pris pour son application.
Nouveau règlement et rétroactivité
Aucun exploitant d’ICPE ne peut prétendre au maintien ad vitam aeternam de la réglementation existante dans l’état où elle se trouve au moment du démarrage de son activité. En ce qui concerne les évolutions de la réglementation, le principe en droit français est celui d’une application immédiate de la loi nouvelle, sans toutefois d’effet rétroactif (article 2 du code civil). Il en est de même pour le règlement.
Concernant le droit des ICPE, ces principes sont inscrits dans le code de l’environnement aux articles L.512-5, L.512-7 et L.512-9 consacrés respectivement aux installations soumises à autorisation, à enregistrement et à déclaration. Ces dispositions prévoient que les nouveaux arrêtés ministériels de prescriptions générales « s’imposent de plein droit aux installations nouvelles. Ils précisent, après avis des organisations professionnelles intéressées, les délais et les conditions dans lesquels ils s’appliquent aux installations existantes. »
À noter que la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 pour l’accélération et la simplification de l’action publique, dite « Asap », a étendu aux projets en cours d’autorisation environnementale le bénéfice de ces dispositions en modifiant l’article L.512-5 du code de l’environnement pour préciser que « ces mêmes délais et conditions s’appliquent aux projets ayant fait l’objet d’une demande d’autorisation complète à la date de publication de l’arrêté ».
Droits acquis, droit d’antériorité
Face à ces principes, la théorie des droits acquis ou « droit d’antériorité » permet de prendre en compte des situations existantes, à condition qu’elles aient été légalement constituées. Et de garantir une sécurité à l’exploitant en ce qui concerne la non-rétroactivité des lois afin qu’il puisse continuer à exploiter son site sous son ancien régime.
À cet égard, l’article L.513-1 du code de l’environnement prévoit que « les installations qui, après avoir été régulièrement mises en service, sont soumises, en vertu d’un décret relatif à la nomenclature des installations classées, à autorisation, à enregistrement ou à déclaration peuvent continuer à fonctionner sans cette autorisation, cet enregistrement ou cette déclaration, à la seule condition que l’exploitant se soit déjà fait connaître du préfet ou se fasse connaître de lui dans l’année suivant l’entrée en vigueur du décret. »
Une condition sine qua none pour permettre aux industriels d’exercer leur droit d’antériorité est de rester à l’affût de ces modifications, en réalisant une veille réglementaire constante. En effet, l’Administration n’informe pas les exploitants d’installations classées des modifications réglementaires touchant les rubriques au titre desquelles ils sont classés. C’est aux exploitants d’en faire la démarche de manière proactive.
« Une condition sine qua none pour permettre aux industriels d’exercer leur droit d’antériorité est de rester à l’affût de ces modifications, en réalisant une veille réglementaire constante. »
ICPE et principe d’antériorité
Il convient en premier lieu d’évoquer le cas des installations non classées qui deviennent des installations classées du fait d’une modification de la nomenclature, par la création d’une rubrique nouvelle ou la modification d’un seuil au sein d’une rubrique existante. Ces installations déjà en exploitation conservent le bénéfice de leurs droits acquis, à la condition pour l’exploitant d’effectuer, dans l’année qui suit l’entrée en vigueur du décret modificatif de la nomenclature, une déclaration simplifiée d’existence auprès de l’autorité préfectorale.
Sont également éligibles à l’exercice de leur droit d’antériorité les installations qui étaient originellement soumises à un régime ICPE et qui se retrouvent soumises à un régime plus sévère à la suite d’une modification de la nomenclature, à savoir :
- une installation soumise originellement à déclaration qui se retrouve soumise à enregistrement ou autorisation ;
- une installation soumise originellement à enregistrement qui se retrouve soumise à autorisation.
Cette situation courante peut résulter d’un abaissement des seuils ou de leur refonte dans le cadre d’une réforme de la nomenclature. L’origine du changement de classement peut également relever d’un changement de classification de dangerosité d’une substance, d’un mélange ou d’un produit utilisé ou stocké dans l’installation.
Le délai d’un an est, dans ce cas, calculé à partir de la date d’entrée en vigueur de ce changement de classification. À condition que l’installation existante ait été régulièrement déclarée ou enregistrée, elle bénéficie du droit d’antériorité.
Enfin, pour les installations passant de l’autorisation à l’enregistrement ou à la déclaration, ou les installations passant de l’enregistrement à la déclaration, l’exploitant peut également demander à ce que ses installations soient gérées conformément au nouveau régime.
L’exercice du droit d’antériorité
En ce qui concerne le volet administratif, dans les cas où l’exploitant ou son site n’est pas connu de l’administration, il convient de fournir au préfet de département une déclaration d’existence dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur de la modification réglementaire.
Dans les autres cas, il appartient aux exploitants concernés de réaliser, dans le même délai, une déclaration d’antériorité en fournissant au préfet les informations visées à l’article R.513-1 du code de l’environnement. Celles-ci portent sur l’identification de l’exploitant, l’emplacement de l’installation, la nature et le volume des activités exercées ainsi que la ou les rubriques concernées.
À noter que pour les installations soumises à déclaration, un modèle de formulaire est disponible. Il s’agit du Cerfa n° 15274*03.
Le préfet peut demander à l’exploitant tous renseignements complémentaires et, en particulier, la production d’une étude d’impact et d’une étude de dangers. Il peut également renforcer les prescriptions techniques applicables à l’installation au moyen d’arrêtés complémentaires s’il l’estime nécessaire.
Depuis la loi Asap, il est prévu explicitement que les prescriptions nouvelles relatives aux dispositions constructives concernant le gros œuvre ne peuvent faire l’objet d’une application aux installations existantes ou aux projets ayant fait l’objet d’une demande d’autorisation complète à la date de publication de l’arrêté. Sauf pour des motifs tirés de la sécurité, de la santé ou de la salubrité publiques ou du respect des engagements internationaux de la France notamment au plan européen.
La sortie du champ réglementaire des ICPE
Les installations originellement classées qui se trouvent exclues, par une modification réglementaire, du champ de la réglementation des installations classées ou qui cessent d’exercer une activité classée, ou qui viennent à tomber en dessous des seuils de classement, ne deviennent pas des installations non classées tant qu’elles n’ont pas fait la démarche d’en informer l’administration avec l’ensemble des éléments permettant de justifier le changement de leur situation.
Ce n’est que lorsqu’elles se sont fait connaître du préfet et que celui-ci en a pris acte qu’elles cessent d’être juridiquement des installations classées.
Toutefois, même dans cette hypothèse, du point de vue administratif, elles peuvent se trouver soumises à certaines prescriptions, en particulier :
- celles du règlement sanitaire départemental ;
- en cas de dangers ou d’inconvénients graves pour les intérêts protégés par la loi générés par l’installation et dûment constatés, aux mesures que le préfet est en droit d’imposer à l’exploitant pour les faire cesser (article 514-4 du code de l’environnement) ;
- le cas échéant, les mesures prises par le maire dans le cadre de ses pouvoirs de police générale portant sur la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques (articles L.2212-1 et L.2212-2 du code général des collectivités territoriales).
Parallèlement, du point de vue civil, l’exploitant demeure responsable des éventuels dommages subis par les tiers, au titre des troubles anormaux du voisinage et de la responsabilité extracontractuelle prévue à l’article 1240 du code civil.
Article extrait du n° 576 de Face au Risque : « Sûreté des chantiers » (octobre 2021).
Morgane Darmon
Consultante experte au service Assistance réglementaire de CNPP Conseil & Formation
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