Incendie. Milan : une tour récente s’embrase par l’extérieur
Le dimanche 29 août 2021 la Torre dei moro, immeuble élégant du sud-milanais, est partie en fumée en moins de 40 minutes. Le revêtement du parement extérieur du bâtiment ainsi que la lame d’air auraient joué un rôle déterminant dans la propagation de l’incendie. Si le feu n’a pas fait de victime, son scénario rappelle celui de la sinistre tour Grenfell.
C’était une tour moderne et futuriste de 60 mètres de hauteur. Construite il y a une dizaine d’années dans le sud de Milan, sa forme rappelait les voiles d’un bateau et faisait la fierté habitants du quartier Vigentino.
Après l’incendie qui a ravagé l’édifice avec une rapidité et une violence rares le dernier dimanche d’août, la Torre dei moro ne ressemble plus qu’à un squelette noir et calciné. Des images qui rappellent le fantôme de la tour Grenfell, qui a hanté le ciel du nord de Londres pendant de long mois après la tragédie du 14 juin 2017.
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Une propagation par l’extérieur
Il est 17h30 en ce dimanche après-midi lorsque des témoins repèrent de la fumée s’échappant d’un appartement du 15ème étage de la tour. L’édifice de 18 étages comprend des commerces en rez-de-chaussée, deux unités immobilières sur les niveaux 2 et 3, et 16 niveaux d’habitation. Bientôt la fumée fait place à des flammes, qui gagnent le balcon. Elles grossissent rapidement avant de commencer à s’attaquer au revêtement extérieur de la tour. Lors des premières minutes le feu progresse « normalement », en gagnant le haut du bâtiment.
Mais bientôt, des morceaux de bardage enflammés se décrochent de la façade et viennent propager les flammes au revêtement des étages inférieurs. Selon un scénario à présent connu, l’incendie progresse alors de haut en bas. Avivé par un vent soutenu, le feu prend de l’ampleur. Il faudra moins de 40 minutes pour que le fleuron de l’architecture moderne se transforme intégralement en torche incandescente, dégageant une épaisse et intense fumée noire.
Une des vidéos amateures provenant de voisins immédiats de la Torre dei moro ayant capturé le début de l’incendie.
Par chance, aucune victime
L’immeuble est habité en temps normal par une soixantaine de familles, environ 150 résidents. Ils ne sont qu’une trentaine à être présents lors de l’incendie : beaucoup sont toujours en vacances, ou absents de leur domicile en cette fin de week-end. Pour l’alerte et l’évacuation, la solidarité et le temps de réaction des habitants a joué à plein. Les escaliers ont permis une évacuation rapide et en sécurité, le compartimentage et système de désenfumage s’étant révélés efficaces. On ne dénombrera aucune victime, seulement 15 intoxications légères.
Rétrospectivement, on peut imaginer les conséquences d’un tel scénario se déroulant en pleine nuit. Marqués eux-aussi par la rapidité de la propagation du feu, les pompiers italiens iront même plus loin : « Si les flammes étaient parties des étages inférieurs, les victimes auraient toutes été piégées ».
Un lourd bilan matériel
Très intense, le feu ne s’est pas cantonné de ravager la façade. Il a pénétré à l’intérieur de l’édifice. Le bilan matériel est important : 14 appartements sur 58 sont détruits, 20 autres endommagés, 24 étant restés en bon état. Mais la chaleur et les flammes n’ont pas porté atteinte à la structure porteuse de la tour.
Les pompiers ont été engagés pendant plus de 12 heures. Ils ont progressé de l’intérieur pour éteindre les dernières flammes. Selon la presse italienne, l’intervention a été gênée par les colonnes d’eau internes, qui ne fonctionnaient pas ou mal dans les étages supérieurs. Le réseau de gaz domestique, courant dans les planchers, aurait aussi favorisé la propagation à l’intérieur de la tour.
Les projections de morceaux de revêtement enflammés ont aussi mobilisé les pompiers, occupés à protéger les véhicules garés aux abords, ainsi que deux stations de carburant situées à proximité.
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Un mégot, un balcon encombré
Au départ, les enquêteurs soupçonnaient un court-circuit électrique à l’intérieur de l’appartement du 15e étage, où les flammes sont apparues. Mais les habitants étaient absents de l’appartement, et avaient coupé l’électricité durant leurs vacances.
Une autre piste a alors été envisagée : celle de l’effet loupe sur des éléments en verre entreposés sur le balcon de cet appartement, qui aurait concentré les rayons du soleil sur un élément combustible.
Les investigations conduisent à présent à privilégier l’hypothèse d’un mégot jeté par négligence d’une fenêtre, et qui serait tombé sur un balcon encombré de sacs et d’ordures.
Un bardage ignifuge, ou combustible ?
Après l’incendie, la stupéfaction a envahi les autorités : comment un immeuble récent peut-il partir en flammes aussi rapidement ? « Ce n’est pas acceptable ». Le maire de Milan, Beppe Sala, ne mâche pas ses mots au lendemain d’un incendie qui n’a échappé au drame que par miracle. « La Torre dei Moro a été construite il y a un peu plus de 10 ans et il n’est pas acceptable qu’un bâtiment aussi moderne se soit avéré complètement vulnérable », a indiqué l’édile.
Très vite, les panneaux de revêtement et la lame d’air ont été visés par les observateurs. Si la lame d’air a pu favoriser la propagation des flammes au travers de l’effet cheminée, la question de la qualité du système de façade (bardage décoratif et panneaux isolants) de la tour reste entière. Selon les médias italiens juste après le sinistre, les panneaux de revêtement semblaient identiques à ceux de la tour Grenfell, à savoir deux feuilles d’aluminium enserrant une âme en polyéthylène.
La réglementation incendie transalpine s’est durcie après la catastrophe de Grenfell, imposant un revêtement ignifuge sur les immeubles de grande hauteur à partir de 2018. Les panneaux montés sur la Torre dei moro en 2011 étaient-ils incombustibles ?
Comme le révèle un article de la Repubblica, les enquêteurs poursuivent leurs investigations pour vérifier si ce sont les bons panneaux qui ont été montés sur la construction. Ils examinent également s’il n’existerait pas d’incohérence de classification quant à la réaction au feu des panneaux. Ces derniers ont été fabriqués en Espagne, et ils ont été certifiés par un laboratoire d’essai italien qui les avaient qualifiés comme non-inflammables en 2009.
Le parquet de Milan a ouvert une enquête.
Bernard Jaguenaud – Rédacteur en chef
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