Risque industriel. Accidentologie dans le domaine des déchets
En 2020, près d’un quart des accidents se produisant dans les installations industrielles françaises le sont dans le secteur des déchets. Conscient que le retour d’expérience permet d’éviter une large part des événements, le Barpi (Bureau d’analyse des risques et des pollutions industriels) présente sur plusieurs numéros de Face au Risque ses analyses relatives à l’accidentologie de ce secteur.
Les différents types d’activités
Selon les chiffres-clés 2020 de l’Ademe, en 2017, chaque habitant français a produit 4,9 tonnes de déchets dans l’année liées aux activités des ménages mais aussi aux activités économiques (et particulièrement celles du bâtiment et des travaux publics). Enjeux de notre société, ces déchets ne représentent pas que des biens meubles dont leur détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire. Il s’agit d’un gisement de matériaux et d’énergie qu’il faut savoir réutiliser ou recycler ou, à défaut, traiter. Pour ce faire, des installations industrielles en font leur quotidien, le cœur de leur process, et particulièrement celles qui sont regroupées par le Barpi (Bureau d’analyse des risques et des pollutions industriels) dans la base de données Aria sous le groupe métier « Déchets ».
Ce groupe métier comprend les installations ayant un des numéros de code NAF suivants :
- 37 : « Collecte et traitement des eaux usées » ;
- 38 : « Collecte, traitement et élimination des déchets, récupération » ;
- 39 : « Dépollution et autres services de gestion de déchets » ;
- 45.2 : « Entretien et réparation de véhicules automobiles ».
Il est varié tant par la nature des déchets gérés et leur potentiel de dangerosité que par le type d’installations et de process mis en œuvre. Il regroupe en effet des activités simples de transit, des activités de tri plus ou moins complexes ou mécanisées mais aussi des activités de traitement, que ce soit mécanique, biologique, thermique ou même de stockage. Malgré cette diversité, l’accidentologie présente quelques spécificités.
Il est tout d’abord important de souligner que ce groupe métier a été au premier plan de l’accidentologie durant 9 ans sur la période 2010-2020 avec un total de 2 177 événements enregistrés dans la base de données Aria (données au 5 mars 2021). Représentant de l’ordre de 14 % de l’accidentologie des installations industrielles françaises en 2010, ce groupe métier approche les 24 % en 2020.
Une gravité moins importante
Bien que ce secteur d’activité soit le plus accidentogène, les événements sont souvent moins importants en ce qui concerne la gravité, comparés aux événements se produisant dans les autres types d’activités industrielles. Ainsi, sur la période 2010-2020, 37,4 % des événements du groupe métier « Déchets » sont des accidents[1] contre 44 % dans les autres activités industrielles. Un seul événement majeur, selon la directive Seveso 3, est d’ailleurs recensé (voir Aria n° 44662) dans ce groupe métier alors que sur les autres activités industrielles, une moyenne de 1,6 % des accidents est enregistrée comme accident majeur dans la base de données Aria.
[1] Les accidents sont les événements qui ont porté atteinte aux intérêts protégés visés à l’article L.511-1 du code de l’environnement.
78,8 %
C’est le taux d’incendie dans les événements du groupe métier « Déchets », contre 54,7 % dans les autres installations industrielles.
Un phénomène majoritaire : l’incendie
Le phénomène majoritaire rencontré dans les événements du groupe métier « Déchets » est l’incendie (78,8 %), en proportion bien plus élevée que dans les autres installations industrielles (54,7 %). Si on exclut les événements se produisant dans les installations relevant du NAF 37, la proportion s’élève à 83 %.
Certains scénarios d’incendie sont caractéristiques :
- l’auto-échauffement de déchets en attente de traitement (par exemple dans les centres de tri, transit, regroupement de déchets) ou déjà « traités » (comme dans les installations de stockage de déchets non dangereux) ;
- la présence d’une matière présentant un potentiel d’inflammation ou de substances incompatibles ;
- des travaux par point chaud mal gérés ;
- des actes de malveillance.
Ainsi, pour l’incendie, les perturbations (ou causes directes) avérées ou supposées sont liées principalement à des pertes de contrôle de procédés, des interventions humaines qui ont mal été effectuées ou qui n’ont pas été effectuées, ou des agressions naturelles (en particulier les fortes chaleurs et le vent). Ces dernières peuvent d’ailleurs être un facteur aggravant.
On remarquera que ces événements se produisent principalement durant les mois de l’année les plus chauds avec près de 50 % des événements s’étant produits durant les mois de mai, juin, juillet ou août (lire Aria n° 56015).
D’autres facteurs aggravants comme des difficultés d’approvisionnement en eau sont de fait rencontrés régulièrement dans ce type d’événement.
Les événements, pour lesquels des causes profondes sont enregistrées dans la base Aria, sont quasiment tous liés à des facteurs organisationnels (98,2 %) avec une mauvaise gestion des risques, que ce soit au niveau de l’organisation des contrôles, de l’identification des risques mais aussi du choix des équipements et procédés…
Des conséquences non négligeables et un impact environnemental notable
En ce qui concerne les conséquences au niveau humain, les événements du groupe métier « Déchets » s’insèrent dans la moyenne de l’accidentologie des autres installations industrielles.
Seize événements mortels sont ainsi enregistrés dont deux impliquant deux personnes. Près de 16 % des événements conduisent à des blessés (pour une moyenne de 19 % pour les installations industrielles des autres groupes métier).
Plus de trois quarts des événements conduisent à des conséquences économiques avec majoritairement des dommages matériels internes. Cela est légèrement en deçà des conséquences économiques sur les événements des installations industrielles des autres groupes métier (de l’ordre de 82 %). L’événement du groupe métier « Déchets » aux conséquences économiques les plus importantes affiches des pertes d’exploitation et des dégâts matériels s’élevant à plus de soixante millions d’euros et des coûts externes à plus d’un million d’euros (lire Aria n° 44544).
Les conséquences sociales pour ce groupe métier « Déchets » ne se distinguent pas et ces dernières sont enregistrées dans la base Aria dans environ un événement sur quatre. Sont principalement rencontrées des mesures liées à la mise en place d’un périmètre de sécurité (pour 208 événements) et la mise en œuvre de chômage technique (pour 141 événements).
Enfin, le groupe métier « Déchets » se démarque des autres activités industrielles en ce qui concerne la part des conséquences environnementales enregistrées. Près de 50 % des événements de ce périmètre présentent des conséquences environnementales alors qu’elles ne sont rencontrées que dans 38 % des événements sur les autres secteurs industriels. Les atteintes principales portent sur le milieu « air » et sont liées aux fumées des incendies, en nombre important dans ce secteur d’activité (lire Aria n° 53956).
50 %
C’est la part des événements du groupe métier « Déchets » présentant des conséquences environnementales, contre 38 % dans les autres secteurs industriels.
L’importance du retour d’expérience
L’accidentologie du groupe métier « Déchets » n’est pas inéluctable et des marges de progrès existent pour la faire diminuer. Une meilleure prise en compte du retour d’expérience doit permettre d’éviter une large part des événements, que ce soit des accidents ou des incidents, de plus en plus nombreux chaque année dans les activités liées au monde des déchets. C’est notamment l’objet des publications du Barpi avec par exemple la synthèse relative à l’accidentologie du secteur des déchets sur la période 2017-2019 publiée en mai 2021.
Dans de prochains articles, l’accidentologie sur les centres de tri, transit et regroupement de déchets non dangereux, mais aussi les installations de stockage de déchets non dangereux et les centres de dépollution des véhicules hors d’usage sera détaillée.
Extrait de l’article du n° 573 de Face au Risque : « ERP et Covid-19, l’impact sur la sécurité – sûreté » (juin 2021).
Aurélie Baraër
Chargée de mission au Bureau d’analyse des risques et pollutions industriels (Barpi)
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