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Il y a 50 ans. L’incendie du Cinq-Sept
146 jeunes sont morts le 1er novembre 1970 dans la discothèque Le Cinq-Sept à Saint-Laurent-du-Pont (Isère). En cause, des manquements très importants à la sécurité.
1er novembre 1970
Dans la discothèque le Cinq-Sept à Saint-Laurent-du-Pont (Isère), la fête bat son plein. Environ 180 jeunes sont venus passer la soirée dans cette nouvelle boîte de nuit qui a ouvert ses portes quelques mois plus tôt.
On y entre par un tourniquet d’un mètre de haut environ. Et on en sort par un autre, haut de 2 mètres, situé à côté du premier.
Autour de la piste de dance circulaire, se dresse une mezzanine divisée en plusieurs loggias.
Départ du feu et propagation très rapide
Dans l’une de ces loggia, à 1 h 35, un fauteuil prend feu. Une minute plus tard, le balcon s’enflamme. Des gouttes brûlantes tombent au rez-de-chaussée sur les danseurs, enflammant leurs vêtements.
La propagation du feu est fulgurante. En outre, une fumée jaune et asphyxiante se répand.
La panique s’empare des occupants qui tentent de s’échapper de ce qui devient rapidement une fournaise.
Cependant, les quatre issues de secours sont verrouillées. Les propriétaires craignaient les resquilleurs… Les jeunes se précipitent sur les tourniquets. Mais ceux-ci se bloquent et c’est le piège funeste. Quelques-uns parviennent tout de même à s’échapper en forçant une issue de secours.
L’un des trois propriétaires de l’établissement se trouve à l’extérieur au moment du départ du feu. Il se précipite en voiture vers le téléphone le plus proche – tout de même situé à 1 km – pour prévenir les secours.
Les sapeurs-pompiers ne peuvent plus rien
À 1 h 55, lorsque les pompiers arrivent, le feu régresse déjà. Et il ne reste pratiquement plus d’espoir de sauver quiconque.
Ils trouvent, amoncelés près des issues, les corps inertes et brûlés de 142 victimes.
Selon eux, elles sont toutes mortes en moins de dix minutes. Quatre grands brûlés décèderont quelques jours plus tard à l’hôpital, portant le bilan à 146 morts.
Les entorses à la sécurité
Les travaux de construction du Cinq-Sept ont commencé en juillet 1969 avant l’obtention du permis de construire délivré le 7 novembre 1969 par la préfecture. En outre, des modifications importantes sur le projet initial ont été apportées sans demande d’accord. Parmi celles-ci, Face au Risque relevait dans son numéro 68 de décembre 1970 :
- « la mise en place de tourniquet qui ne sont admis que pour un accès extérieur ;
- la construction d’un balcon desservi par des escaliers et un couloir trop étroits ;
- des issues trop étroites ;
- le déplacement de la chaufferie ;
- la condamnation des issues de secours ;
- des cloisons déplacées ;
- des revêtements intérieurs ajoutés ;
- une application abondante de matière plastique de caractéristiques inconnues. »
Les cloisons, les plafonds, les meubles et les décors sont en effet enduits d’un produit à base de polyuréthane, fabriqué par les trois propriétaires de l’établissement. Sans doute par souci d’économie. Ce revêtement s’est avéré extrêmement inflammable.
À la fin des travaux, aucune visite de conformité n’a été effectuée. Seule, une attestation provisoire d’ouverture de nuit a été délivrée pour 6 mois. Puis celle-ci a été transformée en autorisation permanente.
L’origine de l’incendie
Plusieurs causes ont été avancées à l’époque du drame : allumette ou cigarette mal éteinte, acte criminel (cette rumeur fut tenace), éclairage à proximité de certains décors provoquant la formation de gaz de distillation facilement inflammable.
C’est finalement le système de chauffage, bricolé par les propriétaires, qui est la cause du sinistre. L’une des gaines conduisant l’air chaud était en contreplaqué…
À l’évidence, la présence de polyuréthane sur les cloisons et le mobilier fut un élément aggravant. Elle a favorisé la propagation rapide du feu et produit une fumée nocive.
Le procès
Tout de suite après le drame, le maire de Saint-Laurent-du-Pont est suspendu de ses fonctions. Il était de son devoir de vérifier la conformité du permis de construire et de contrôler le respect de la sécurité des lieux et des matériaux utilisés.
Des dizaines de discothèques sont inspectées. Certaines sont fermées pour manquement à la sécurité.
Le 10 octobre 1972 débute le procès au tribunal correctionnel de Lyon.
Le propriétaire du Cinq-Sept, seul rescapé, ses deux confrères ayant trouvé la mort dans l’incendie, les installateurs du chauffage, le fournisseur du polyuréthane et le maire de Saint-Laurent-du-Pont comparaissent pour homicides et blessures involontaires.
Les experts recensent jusqu’à 68 infractions à la réglementation.
Le propriétaire écope en première instance de deux ans de prison avec sursis. Ce qui rend les familles endeuillées folles de rage, estimant la peine beaucoup trop légère. Mais, le 13 juillet 1973, la cour d’appel le condamne à 18 mois de prison dont 6 mois ferme. Elle lui reproche un mépris total de la règlementation, l’absence d’entretien et de surveillance de la chaudière et des gaines de chauffage ainsi que la fermeture des issues de secours.
Les deux installateurs du chauffage écopent de 15 et 13 mois de prison avec sursis.
Le fournisseur du polyuréthane est condamné à 4 mois avec sursis pour ne pas avoir signalé les dangers de ce produit.
Enfin, l’édile écope de 10 mois avec sursis pour « manquement à ses obligations de maire ». La cour lui reproche son inaction dans l’exploitation de la discothèque.
Les parties civiles bénéficient d’une somme de 5 670 000 F, soit 38 835 F par victime (environ 6 000 €). Les assurances du groupe Drouot payèrent ces sommes à charge de se retourner contre les condamnés.
La réglementation ERP
À l’époque du drame, c’est le règlement de sécurité approuvé par l’arrêté du 23 mars 1965 modifié par celui du 4 mars 1969 qui est en vigueur. Mais il n’est visiblement pas assez restrictif et les établissements étaient insuffisamment contrôlés.
Le 15 novembre 1971, un arrêté modificatif du règlement de sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les ERP rend obligatoire l’affichage à l’entrée principale de l’établissement de l’avis de contrôle de sécurité (nouvel article GN9 du règlement). Il procède également à une actualisation technique notamment sur les portes et issues de secours (complément des articles CO 48 et CO 55 du règlement).
Les véritables évolutions de la réglementation interviennent d’abord avec le décret du 31 octobre 1973 qui renforce le rôle des commissions et sous-commissions de sécurité. Puis avec l’arrêté du 25 juin 1980 qui développe les principes généraux de sécurité applicables aux ERP. Cet arrêté, à plusieurs reprises modifié, est toujours en vigueur aujourd’hui.
Martine Porez – Journaliste
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