Covid-19. Les entreprises françaises sont-elles résilientes face à la crise ?
Alors que le Gouvernement a prévu d’injecter 100 milliards d’euros dans l’économie par son plan de relance, les entreprises disposent-elles des ressources suffisantes pour rebondir ? Les résultats du premier baromètre de la résilience professionnelle, publié par l’association Envie2résilience, ne sont pas optimistes : à défaut d’avoir pris en compte la vulnérabilité de leurs salariés, les entreprises françaises ont pris du retard.
Le premier baromètre de la résilience professionnelle, lancé par l’association Envie2résilience (en partenariat avec Moodwork, pôle de chercheurs et psychologues), est paru en septembre 2020.
Quel est l’objectif de ce baromètre ? Le collectif qui l’a initié répond : « mieux appréhender les caractéristiques et les impacts des difficultés et épreuves vécues au cours d’une vie professionnelle. »
Pour ce faire, 390 interviews ont été réalisées auprès de salariés durant la période du 1er mai au 30 juin. Le questionnaire a été adressé aux actifs du service public, de l’entreprise et de la société civile.
Le baromètre a étudié les réponses en distinguant trois périodes : l’avant-confinement, le confinement, l’après-confinement. Si des lignes de fracture se dessinaient déjà avant le confinement, le ressenti des salariés lors de l’après confinement confirme des tensions persistantes, facteurs de frein à la performance pour l’organisation.
Le concept de résilience
Issu de la physique des matériaux, le concept de résilience s’est appliqué en premier lieu à la résistance des matériaux à des chocs élevés, en étudiant leur capacité à absorber l’énergie sans perdre leur intégrité. La résilience s’est ensuite déclinée à l’informatique (capacité à fonctionner en dépit d’anomalies) et aux sciences humaines (processus d’adaptation dans le cadre d’une adversité significative).
C’est sans doute le neuropsychiatre Boris Cyrulnik qui a le plus contribué à populariser la dimension psychologique du concept de résilience. Cette dernière peut se définir comme « la capacité à vivre, à réussir, à se développer en dépit de l’adversité ».
La résilience est un concept très en vogue en ce moment. Dans un monde où la disruption est devenue la règle, il est intéressant d’observer comment les acteurs impliqués (psychés individuelles, corps sociaux, organisations…) s’adaptent à ces cycles de ruptures incessants.
La résilience professionnelle
La pandémie a permis de mettre en lumière la fragilité de l’être humain dans son environnement. Comme l’évoque Envie2résilience, « avec la crise sanitaire (…), nous sommes tous, individuellement et collectivement, confrontés à l’expérience de la vulnérabilité ». Les risques et les enjeux socio-économiques de « l’après » se sont démultipliés : accidents de la vie, organisation du travail et relations aux autres, périls économiques, tous ces phénomènes sont exacerbés.
Dans ce contexte, la résilience professionnelle s’entend comme la capacité de l’individu à s’adapter aux changements du monde du travail. Elle constitue un facteur de performance à la fois individuelle, pour l’individu au travail, et collective, pour l’entreprise.
Les communicants se sont emparés du terme de résilience afin d’encourager l’adaptation des entreprises aux bouleversements de son environnement. Comme le souligne Envie2 résilience, « il y a un décalage entre l’image de marque souvent mises en avant dans les stratégies de communication, qui font la part belle à « l’humain », et la réalité du terrain. »
Des chiffres inquiétants
Le baromètre révèle que cette réalité du terrain, vue du côté des salariés, était déjà ambivalente avant le confinement. A priori, tout va pour le mieux : 65 % des répondants ont une bonne image de leur entreprise, 67 % considèrent qu’elle a une stratégie globale claire et 76 % se sentent impliqués dans la vie de leur organisation. Cependant, une contradiction apparaît : les entreprises sont réfractaires aux vulnérabilités, puisqu’elles ne sont que 17 % à prendre en compte les fragilités de leurs salariés (absence pour maladie grave, événement familial…), tandis qu’elles ne sont que 10 % à accepter le droit à l’erreur de leur personnel.
Durant le confinement, 81 % des répondants ont bien pris conscience d’un changement de leur rapport au travail (télétravail, redéfinition des priorités, évolution de la charge de travail). Les perceptions positives (97 % bénéficient d’informations utiles de la part de l’entreprise, 60 % lui font beaucoup confiance pour surmonter la crise) côtoient des ressentis négatifs (perte de motivation, d’implication et sentiment de manque de reconnaissance).
Le dur retour à la réalité
Le baromètre indique clairement que le retour au travail s’avère délicat : pour plus de 50 % des répondants, la crise va avoir un impact sur leur rapport au travail. Si 82 % pensent que leur entreprise prépare l’après, ils sont plus de la moitié à redouter de reprendre leur poste, 94 % considérant que cette phase sera forcément négative.
Plusieurs facteurs expliquent cette rentrée « à reculons » : les mesures sanitaires contraignantes (14 %), la perte de confiance et de motivation (14 %), les changements dans les missions et l’organisation (12 %), les conséquences économiques sur l’emploi et le risque de licenciement (11 %), le refus de l’employeur de poursuivre le télétravail (8 %).
Les statistiques mettent en avant les axes de progrès : si 86 % des actifs font clairement le lien entre résilience professionnelle et performance, et si près de 50 % considèrent que l’entreprise facilite la résilience professionnelle, le soutien effectif est généralement trop faible : seulement 7 % des entreprises proposent un accompagnement externe, 16 % une formation des managers et 22 % un accompagnement en interne.
Bernard Jaguenaud – Rédacteur en chef
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