Rapport du CSTB “post-Grenfell” : vers un renforcement de la réglementation incendie en France

23 août 20176 min

Suite à la catastrophe de la tour Grenfell à Londres, une évaluation de la réglementation de sécurité incendie en habitation en France a été menée par le CSTB, à la demande du ministère de la Cohésion des territoires. Les objectifs étaient d’identifier les éventuelles faiblesses dans la réglementation française, et de faire des préconisations d’évolution des textes réglementaires permettant d’y remédier.

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À la lumière des événements dramatiques ayant touché l’Angleterre, l’objectif de ce rapport était destiné à faire l’audit de la réglementation française en matière de construction et d’incendie. Avec comme question sous-jacente : un tel drame est-il possible de ce côté-ci de la Manche ?

Un besoin de renforcement

Elaborée dans l’urgence, cette version préliminaire de l’audit d’une quarantaine de pages s’est faite en 10 jours avec une consultation restreinte des acteurs du secteur de la construction concernés (la Direction générale de sécurité civile et de la gestion des crises – DGSCSC, et la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France – FNSPF). Malgré cela, la réponse apportée et mise en avant par le ministère dans son communiqué est claire : elle « souligne un besoin de renforcer les exigences de résultats de la réglementation incendie des bâtiments, en particulier ceux faisant l’objet de travaux de rénovation ».

Les éléments de Londres

Rappelons l’essentiel du dossier. Les premiers éléments de l’enquête portant sur l’incendie de la tour Grenfell de 24 étages ont rapidement mis en cause le revêtement de la façade, réhabilitée au cours de travaux de rénovation en 2014. Ils ont fait apparaître un choix de matériaux et un classement au feu du revêtement défaillant, ainsi qu’un défaut de qualité des contrôles de la part des organismes compétents. Malgré une réglementation réputée comme l’une des plus draconiennes, une situation comparable pourrait-elle se produire en France ?

Des trous dans le cadre réglementaire

À la lecture du rapport, il existe manifestement aussi des « trous » au sein de la réglementation française. Concernant les travaux de rénovation, à part pour les IGH, on s’aperçoit que les exigences réglementaires sont assez lâches pour tous les bâtiments d’habitation réalisés avant le 6 mars 1987. Seule une circulaire datée du 13 décembre 1982 (n’ayant donc qu’une valeur prescriptive) indique que les travaux entrepris ne doivent pas diminuer le niveau de sécurité existant. Comme le rappelle les auteurs de l’audit, une catégorie d’immeubles s’avère particulièrement vulnérable dans l’hexagone : ceux dont la date de dépôt de permis de construire est antérieure au 31 décembre 1960, qui n’ont jamais bénéficié d’une quelconque mesure de protection incendie.

Manque de contrôles

S’agissant des contrôles par les autorités administratives, le rapport signale leur absence dans le cas de travaux de rénovation, hors IGH. Elle rappelle que des contrôles périodiques sont possibles, à la charge des propriétaires, et d’ailleurs régulièrement effectués par les maîtres d’ouvrage, même s’ils ne sont pas obligatoires. En revanche, le texte place les bâtiments neufs de moins de 50 mètres de hauteur (3e famille) situés hors zone sismique 4 ou 5, dans le collimateur : pour eux en effet, aucun contrôle exhaustif et systématique n’est prévu par la réglementation.

Nouveaux modes constructifs, nouvelle réglementation

Mais de manière plus générale, l’audit pointe le décalage croissant et manifeste entre le dispositif réglementaire en vigueur et les nouvelles pratiques de construction, en neuf ou en réhabilitation. Que ce soit l’augmentation de l’épaisseur des isolants (et donc de la charge combustible), l’isolation par l’extérieur pour éviter les ponts thermiques, l’étanchéité à l’air renforcée ou la diversification des matériaux, les techniques ont en effet évolué pour se conformer notamment à des exigences thermiques de plus en plus draconiennes. Il ressort du rapport une analyse de nouveaux risques et une série de recommandations visant à « rendre plus lisible la réglementation, graduer les exigences réglementaires de manière plus continue et combler les vides juridiques existants ».

Mise au jour de risques inédits

Parmi les nouveaux risques identifiés, le rapport évoque les forts écarts de comportement au feu selon les produits considérés, de même que la plus ou moins forte toxicité de leurs émanations gazeuses. Il révèle également l’apparition de nouveaux comportements jusqu’ici non observés, comme le phénomène de feu couvant. C’est ainsi qu’au cours d’essai de résistance au feu de certains isolants ont été constatés des reprises de combustion, et ceci plusieurs heures après l’extinction de l’échantillon testé.

La question « du maintien dans le temps (durabilité) des performances de comportement au feu d’un matériau est aussi posée, » alors que de nouveaux matériaux potentiellement moins stables dans le temps apparaissent sur le marché. La stabilité des structures est aussi abordée, à l’heure où la structure des bâtiments fait de plus en plus appel à des matériaux combustibles comme le bois. L’audit pointe aussi les nouvelles méthodes constructives et une révision possible de la règle dite du C+D concernant la propagation du feu en façade.

Un audit, des recommandations

Il ressort de ce rapport un ensemble de neuf préconisations, pour la plupart à réaliser rapidement. La première s’attache à la révision de l’arrêté du 31 janvier 1986 modifié, comportant 10 recommandations touchant en particulier les façades, l’isolation par l’intérieur, le désenfumage, le passage des gaines gaz, les parcs de stationnement, l’installation d’équipement d’alarme perceptible, le recours à l’ingénierie pour les bâtiments atypiques, le renforcement des contrôles pour les bâtiments de 3e famille. On retiendra aussi les préconisations 3 et 7. La 3 évoque la mise en place d’une réglementation en cas de travaux de rénovation, et la 7 recommande la réalisation d’un audit de sécurité incendie pour tous les immeubles de la 4e famille (entre 28 et 50 mètres de haut).

Les suites attendues

Ce rapport préliminaire ne devrait pas rester lettre morte puisque le ministre de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard, a demandé « que les évolutions réglementaires soient conduites sans attendre avec les professionnels concernés dans une perspective d’efficacité et de simplifications ». Et, à l’image du recensement entrepris par le gouvernement britannique sur son territoire, le ministre a commandé « un rapport complémentaire pour faire préciser l’identification des bâtiments susceptibles de présenter des similitudes avec l’immeuble Grenfell ».

Bernard Jaguenaud, rédacteur en chef

Bernard Jaguenaud – Rédacteur en chef

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