Les voitures autonomes obligent à repenser la notion d’accident
Alors que le Salon de l’automobile se tient du 4 au 14 octobre au Parc des Expositions de Paris, la question des véhicules autonomes et de leurs risques est soulevée. Avec moins d’accidents mais des sinistres plus complexes, les voitures autonomes exigeront une approche très différente de l’assurance.
Une voiture robot Uber vous emmène à la gare et lorsque vous descendez du train à l’arrivée, un bus autonome ou un taxi sans chauffeur vous attend pour vous conduire jusqu’à votre destination finale. Le tout organisé depuis votre smartphone : un voyage tout automatisé et parfaitement coordonné. Ce sont les transports du futur même s’il faudra probablement encore plusieurs années avant que ce scénario ne devienne réalité, mais la transformation a déjà commencé.
Nous voyons trois tendances se dessiner : les voitures connectées, les voitures autonomes et la mobilité partagée. Les nouvelles voitures seront de plus en plus équipées de technologies connectées et de systèmes d’aide à la conduite. De nombreuses sociétés technologiques (Google, Amazon, Microsoft, …) et des constructeurs automobiles développent et testent actuellement des voitures autonomes à usage individuel ou pour des flottes de véhicules.
Questions de responsabilité
Cependant, la circulation sur route ouverte de voitures autonomes n’est pas encore autorisée (hors expérimentation). Selon les législations nationales en vigueur, qui découlent de la Convention de Vienne de 1968 sur la circulation routière, le conducteur d’un véhicule est responsable des dommages matériels et corporels causés aux tiers lors d’un accident. Bien que la convention ait été modifiée pour autoriser les technologies d’aide à la conduite, le conducteur doit garder le contrôle de son véhicule et est responsable de tout dommage.
Une question importante à l’avenir sera de savoir si une voiture peut être conduite, non pas par une personne, mais par une machine. Pour une conduite entièrement automatisée, le cadre juridique devra prévoir qu’un véhicule (ou plus précisément qu’une intelligence artificielle placée dans le véhicule) puisse être responsable d’un accident. C’est un obstacle majeur qui devra être surmonté car la responsabilité, relève du champ de l’action humaine auquel n’appartient pas l’intelligence artificielle (il est à noter l’élaboration en cours au niveau de la Commission européenne d’un nouveau droit des robots).
Systèmes avancés d’aide à la conduite (ADAS)
Les systèmes d’aide à la conduite, comme le stationnement automatique, l’évitement des collisions, le système automatique de freinage d’urgence (AEB) ou le régulateur de vitesse, sont déjà intégrés dans de nombreux modèles de voitures.
Par contre des systèmes encore plus automatisés entraîneront de nouveaux risques, tels que l’exposition accrue aux cyberattaques, aux pannes informatiques ou à la défaillance de capteurs, Lidar, Radar, …
Actuellement, ces systèmes sont plus appropriés à une conduite sur autoroute ou dans des bouchons à vitesses réduites et doivent encore être éprouvés dans des conditions de conduite plus difficiles, comme en centre-ville. Les conducteurs devront donc encore « garder » le contrôle de leur véhicule pendant quelques années.
Et lorsque les voitures vraiment autonomes seront nombreuses à prendre la route, elles devront coexister avec des véhicules non automatisés, comme les vélos, les motos, ainsi que les autres voitures, plus anciennes.
L’homme et la machine
L’intérêt de l’automatisation est incontestable : les voitures devraient être plus efficaces, plus écologiques et surtout plus sûres. On estime que l’erreur humaine est en cause dans plus de 90 % des accidents de la route. On prévoit donc qu’avec des voitures autonomes, le nombre d’accidents devra baisser considérablement.
Cependant, si la technologie autonome contribuera à réduire le nombre d’accidents, ceux-ci ne disparaîtront pas complètement. Des animaux ou des piétons, par exemple, continueront de faire irruption sur la route et aucune technologie ne pourra éviter un bris de glace ou les dégâts matériels d’un orage de grêle. Et bien sûr, la technologie n’est pas infaillible.
Les conditions météorologiques, comme la neige ou la pluie, peuvent perturber les capteurs et les conditions de conduite difficiles peuvent pousser la technologie au-delà de ses limites. La capacité à fonctionner de manière fiable et efficace sur toute la durée de vie du véhicule pose également question. Enfin, des êtres humains sont derrière ces technologies, logiciels et algorithmes. Il y aura donc encore des risques d’erreurs.
En 2016, il s’est produit un accident mortel avec une voiture Tesla, dans lequel son système « Autopilot » serait en cause. Ainsi, le rapport sur cet accident survenu en Floride, dressé par la National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA), note que le pilote automatique de la Tesla n’a pas détecté un camion blanc sur un ciel lumineux.
En mars dernier, à cause d’une mauvaise interprétation/analyse des informations d’un capteur par l’Intelligence Artificielle embarquée, un véhicule d’Uber causait le premier accident mortel entre un véhicule autonome et un piéton.
Les accidents du futur
À l’avenir, de nouvelles causes d’accidents vont très probablement apparaitre et les responsabilités seront également plus complexes à déterminer. Si aujourd’hui la responsabilité pèse essentiellement sur le conducteur, demain, les constructeurs automobiles, les développeurs de logiciels ou les exploitants de flottes supporteront une responsabilité beaucoup plus importante.
Avec la baisse du nombre d’accidents, l’assurance automobile n’aura plus le même poids et diminuera au profit de l’assurance de responsabilité du fait des produits et de l’assurance rappel de produits pour les constructeurs.
Selon une étude, effectuée par le courtier Aon (Global Insurance Market Opportunities – GIMO – rapport 2017), les véhicules autonomes pourraient réduire les primes d’assurance automobile de plus de 40 % d’ici 2050, aux États-Unis. Cette estimation est basée sur une baisse de 81 % de la fréquence des sinistres, et une hausse de la gravité des sinistres, due aux coûts et la recalibration des capteurs et à l’augmentation des coûts de gestion des sinistres de responsabilité du fait des produits.
Cependant, tant qu’il y aura des accidents graves, une forme d’assurance responsabilité civile restera obligatoire. Et pour les accidents impliquant des véhicules autonomes, l’assureur devra indemniser les tiers et poursuivre le constructeur si le véhicule est en cause. Mais pour mettre en œuvre ce recours, la mise en place d’un enregistreur de données, permettant de faire la part de responsabilité entre le conducteur et le véhicule autonome, sera indispensable.
Conséquences sur l’assurance
L’automatisation aura d’autres conséquences sur l’assurance. Par exemple, la technologie devrait entrainer une baisse du nombre de véhicules vendus à des particuliers au profit des flottes de véhicules, du covoiturage et des taxis sans chauffeur. Les assureurs pourraient alors ne plus proposer des millions de contrats d’assurance automobile individuels aux propriétaires, mais des assurances de groupe aux constructeurs, ainsi qu’aux exploitants de flottes. Ces nouveaux contrats d’assurance pouvant couvrir les nouveaux risques des véhicules autonomes comme par exemple le risque cyber, le risque de réputation ou encore l’interruption d’un service de mobilité.
Enfin, l’évolution vers la responsabilité du fait des produits exigera des assureurs qu’ils développent une expertise technique et un partenariat avec les acteurs de l’écosystème du véhicule autonome, au lieu de s’appuyer uniquement sur des données historiques et le profil du conducteur pour déterminer leurs tarifications.
Daniel Muller
Senior Risk Consultant en Responsabilité Civile chez Allianz Global Corporate & Specialty France
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