Chute de hauteur et homicide involontaire

25 février 20255 min

La Cour de cassation statue sur la responsabilité pénale d’un employeur suite à la chute de hauteur mortelle d’un salarié qui travaillait sur un toit sans harnais de sécurité.

Ceci est une légende Alt

Monsieur F., salarié de la société I., a fait une chute mortelle alors qu’il travaillait sur un toit en utilisant une échelle et sans être porteur d’un harnais de sécurité. Son employeur a ensuite été cité devant le tribunal correctionnel pour « homicide involontaire par la violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement » et « mise à disposition pour des travaux temporaires en hauteur d’équipements de travail ne préservant pas la sécurité du salarié » mais a été relaxé.

Dans les suites de cette relaxe, les ayants droit et le parquet ont saisi jusqu’à la Cour de Cassation, qui décide ici ce qui suit.

Absence d’échafaudage conforme

« (…) Vu les articles 121-3 du code pénal, 2 et 593 du code de procédure pénale :

7. Selon le premier de ces textes, en cas de délit non intentionnel, les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer.

(…)

10. Pour relaxer le prévenu du chef d’homicide involontaire, l’arrêt attaqué énonce que les constatations des procès-verbaux ne permettent pas de retenir à son encontre la violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement.

11. Les juges relèvent qu’alors que l’employeur, présent sur le site, avait rappelé aux ouvriers la nécessité de porter leur harnais de sécurité, la victime ne portait pas cet équipement.

12. Ils précisent que, selon le rapport de l’inspection du travail, M. F a chuté d’au moins quatre mètres, sans que soit déterminé s’il était tombé de l’échelle posée sur la toiture ou s’il se déplaçait sur le toit.

13. Ils ajoutent que les autres employés présents sur les lieux ont déclaré que les échelles utilisées pour accéder à la couverture étaient arrimées et, partant, sécurisées.

14. En se déterminant ainsi, alors qu’ils énonçaient par ailleurs, pour retenir la culpabilité de l’employeur du chef de mise à disposition pour des travaux temporaires en hauteur d’équipements de travail ne préservant pas la sécurité du salarié, que l’absence sur le chantier où M. F était employé d’un échafaudage conforme, apte à prévenir le risque de chute de hauteur, était en lien direct avec la chute au sol de celui-ci, les juges n’ont pas justifié leur décision.

15. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. »

Partant, la décision critiquée est cassée.

Manquement délibéré à une obligation de sécurité

En résumé, après la chute mortelle d’un salarié dans le cadre de travaux en hauteur, les ayants droit de cette victime ont attrait l’employeur concerné devant le juge répressif. Pour autant, l’homicide involontaire « par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité imposée par un texte » n’ayant pas été retenu par les premiers juges, le parquet et la famille du défunt actionnent jusqu’à la Haute Juridiction.

C’est dans ces circonstances que la Cour relève que si l’employeur avait ici bien rappelé à ses salariés de porter leur harnais de sécurité et que les échelles pour accéder au toit étaient bien sécurisées, il n’en demeurait pas moins qu’il n’y avait pas d’échafaudage conforme sur le chantier. Or, ce matériel est susceptible de prévenir les chutes de hauteur, ce qui aurait pu éviter l’accident. Partant, la décision critiquée est cassée.

Cette décision est ainsi conforme au droit positif dans la mesure où l’infraction en litige est caractérisée par le manquement délibéré à une obligation de sécurité, ou de prudence, posée par un texte. Dès lors qu’un tel manquement est identifié au cas d’espèce, la situation est répréhensible. Ainsi, factuellement, si l’employeur a bien demandé le port de harnais et eu recours à des échelles sécurisées, l’absence d’échafaudage spécifique pour prévenir les chutes permet d’engager sa responsabilité pénale dans la survenue de cet homicide involontaire.

On rappellera que cette notion de délit non intentionnel, visée à l’article 121-3 du code pénal, correspond aux situations où la conséquence d’une infraction n’était pas dans l’intention de son auteur, mais où le manquement qui la provoque l’était en revanche. C’est bien le cas rapporté dans cet arrêt, l’environnement de travail n’étant pas celui requis pour la nature de travaux en hauteur, alors que cela relevait des diligences de l’employeur.

Chambre criminelle, n° 23-86418 du 5 novembre 2024.

Partagez cet article !

Virginie Perinetti

Virginie Perinetti

Avocate au Barreau de Paris depuis 2004

Les plus lus…

Inscrivez-vous
à notre
newsletter

Recevez toutes les actualités et informations sûreté, incendie et sécurité toutes les semaines.