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Comment appréhender le handicap dans l’entreprise ?
Chez ADP (Automatic Data Processing) et chez Val Solutions, de véritables politiques d’inclusion sont mises en place pour favoriser l’emploi et le maintien dans l’emploi de personnes en situation de handicap.
La loi du 11 février 2005 pour « l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » renforce l’obligation pour toute organisation – privée et publique – d’au moins 20 salariés d’employer des travailleurs en situation de handicap dans une proportion de 6 % de l’effectif (articles L.5212-1 et L.5212-2 du code du travail). Et ce, sous peine de sanctions financières.
En 2023, le taux d’emploi de personnes handicapées, c’est-à-dire le taux de travailleurs handicapés parmi l’effectif global des organisations de plus de 20 salariés, était de 3,6 %, taux stable depuis plusieurs années selon la Dares, le service de statistiques du ministère du Travail. L’objectif des 6 % de la loi est donc loin d’être atteint !
Pourtant, des entreprises parviennent à dépasser ce taux. C’est le cas d’ADP en France (Automatic Data Processing), fournisseur de solutions et services dans le domaine de la gestion des ressources humaines. Cette entreprise a mis en place depuis 2010 une politique volontariste afin de favoriser l’emploi et le maintien dans l’emploi de collaborateurs en situation de handicap. En 2023, elle a signé, avec l’ensemble de ses partenaires sociaux, son 5e accord Handicap et est ainsi passée d’un taux d’emploi de personnes handicapées de 4,3 % en 2018 à 7,2 % en 2023.
« Nous sommes convaincus que chaque personne compte, que la diversité est une richesse », affirme Anne Chambron, chargée QVCT et référente nationale de la mission Handicap chez ADP.
« De janvier à septembre 2024, nous avons effectué 15 aménagements de poste. »
Anne Chambron, chargée de QVCT chez ADP.
L’accord Handicap d’ADP
Chez ADP, l’accord comprend plusieurs mesures.
- L’embauche. « Tous nos métiers sont accessibles aux personnes en situation de handicap », note Anne Chambron.
- L’accueil et l’insertion. Cette mesure permet à tout nouveau collaborateur présentant un handicap d’être accompagné dans ses nouvelles fonctions. Un tutorat de trois mois renouvelable une fois peut être mis en place avec un salarié de la même équipe qui l’aide à s’intégrer. Un aménagement du poste de travail peut également être effectué si besoin.
- Le maintien dans l’emploi. Des salariés travaillant chez ADP depuis des années peuvent à un moment donné faire reconnaître un handicap. Ils bénéficient alors d’une étude et d’un aménagement de leur poste de travail. « De janvier à septembre 2024, nous avons effectué 15 aménagements de poste, sur site ou à domicile, car nous travaillons en mode hybride avec du télétravail deux jours par semaine, indique la chargée de QVCT. Par exemple, pour un collaborateur malvoyant gêné par les lumières des plafonniers, nous avons posé des cloisons qui permettent de l’isoler de ces sources lumineuses. Autre exemple, nous avons fait accompagner une personne sujette à des troubles de la mémoire par un cabinet externe qui a mis en place des exercices faisant travailler cette mémoire. Il a aussi travaillé sur des tâches directement liées au poste pour que la personne se sente plus en confiance. » Anne Chambron évoque également le cas d’une personne souffrant d’une maladie dégénérative qui a bénéficié d’un fauteuil ergonomique ainsi que d’un bureau assis/debout lui permettant de changer de postures de travail. « Nous sommes conscients que certaines situations de handicap peuvent évoluer. Nous proposons alors des études régulières pour adapter au mieux le poste de travail. »
- L’information et la sensibilisation. L’idée est d’informer l’ensemble des salariés d’ADP au travers d’actions telles que des campagnes d’affichage, des témoignages… Durant la semaine européenne pour l’emploi des personnes en situation de handicap (SEEPH), qui s’est tenue en 2024 du 18 au 24 novembre, ADP a organisé trois temps forts sur différentes situations de handicap : une pièce de théâtre interactive sur les troubles du langage appelés « Dys », une conférence sur l’inclusion d’une personne malentendante et l’organisation pour la première fois du DuoDay.
- La formation. Les managers sont formés au recrutement des personnes en situation de handicap. « Et nous avons mis en place une formation en ligne obligatoire pour tous. Il s’agit d’un module d’une heure, assez ludique. » Ce logiciel interne développe des situations de handicap moins connues ou explique comment faire une RQTH (reconnaissance en qualité de travailleur en situation de handicap). « Les retours des collaborateurs sont très positifs », avance Anne Chambron.
- Le temps partiel. En raison de leur handicap, les collaborateurs concernés peuvent bénéficier d’un temps partiel. L’entreprise maintient alors leurs cotisations retraite à taux plein.
- Les absences. ADP octroie jusqu’à quatre jours d’absence rémunérés dans le cas d’examens médicaux ou de démarches administratives RQTH en lien avec la pathologie. Cela peut aller jusqu’à huit jours pour un collaborateur handicapé ayant un conjoint ou un enfant également en situation de handicap.
« Au-delà de ces mesures, j’accompagne les collaborateurs dans leurs démarches administratives. Les dossiers de RQTH peuvent parfois être assez compliqués ! », admet notre interlocutrice.
Pièce de théâtre interactive sur les situations de handicap en entreprise liés aux troubles « Dys », organisée chez ADP lors de la Semaine pour l’emploi des personnes en situation de handicap, avec les comédiens Gaëtan Poubangui et Mathilde Lœuilley. © ADP.
Une communauté de collaborateurs engagés
Il existe par ailleurs depuis 2022 chez ADP une communauté de salariés volontaires, appelée Thrive, dont la mission est de renforcer la sensibilisation grâce à des ateliers, des témoignages ou des tables rondes autour des questions relatives au handicap.
« Récemment, ils ont organisé une campagne d’affichage sur le daltonisme, des conférences de collaborateurs parlant de leur situation de handicap chez ADP et de la façon dont ils ont été accompagnés… », liste Anne Chambron.
Au contraire des mesures de l’accord handicap émanant de la direction, ces actions sont élaborées et mises en place par les collaborateurs volontaires. Ils sont 117 à faire partie de ce groupe Thrive, dont 15 dans l’équipe organisatrice. « Grâce à l’accord Handicap et à Thrive, les salariés osent mentionner leur situation de handicap », se réjouit Anne Chambron.
L’exemple de Val Solutions
Val Solutions est un éditeur de logiciel spécialisé dans le domaine de la prévention et de la santé au travail, qui accompagne en France 12 000 professionnels pluridisciplinaires. Dans cette entreprise de 130 salariés, l’inclusion fait pleinement partie de la politique RSE. Un véritable effort est fourni pour offrir des emplois compatibles avec les situations de handicap.
En 2023, l’entreprise compte huit personnes concernées. « La plupart de ces salariés vivent avec un handicap invisible, explique Frédéric Bourgeois, président de Val Solutions. Par exemple des troubles musculosquelettiques graves qui demandent des adaptations de postes physiques, ou des troubles du spectre de l’autisme, comme le syndrome Asperger, qui requièrent de la compréhension de la part des équipes. »
Val Solutions, qui existe depuis plus de 40 ans, se préoccupe également de ses salariés se trouvant en difficulté à la suite de coups durs ou d’accidents de la vie. L’entreprise a mis en place un partenariat avec le programme « For Me » qui accompagne les collaborateurs dans leurs démarches, notamment celles relatives aux maladies chroniques, aux risques psychosociaux, au handicap, aux situations des aidants familiaux, aux séparations… Ce dispositif apporte, en toute confidentialité, un accompagnement social et / ou un soutien psychologique disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 via un numéro d’appel communiqué à tous les salariés de l’entreprise. « Nous avons aussi des collaborateurs qui sont là depuis le début de l’aventure et qui arrivent à des âges proches de la retraite. Ils sont potentiellement plus exposés, plus fatigués », poursuit Frédéric Bourgeois pour qui l’importance est de garder un climat de travail agréable pour tout le monde.
« De par notre métier, la prévention et la santé au travail, on se doit d’être exemplaire. »
Frédéric Bourgeois, président de Val Solutions.
« Nous participons également chaque année au DuoDay et accueillons pendant une journée des personnes en situation de handicap qui viennent découvrir nos métiers. Il s’agit d’un véritable engagement personnel de nos collaborateurs et, chaque année, nous avons deux à quatre binômes », note le président de Val Solutions qui signale cependant que les volontaires de l’entreprise sont plus nombreux que les candidats reçus. En 2022, à l’issue du DuoDay, ils ont même recruté l’une des personnes en situation de handicap venue découvrir l’entreprise. Par ailleurs, pour l’entretien des espaces verts de son site de Narbonne, Val Solutions fait appel à un Esat (établissement ou service d’aide par le travail).
Frédéric Bourgeois insiste sur l’importance de l’inclusion dans les entreprises. « On n’a pas révolutionné la manière dont on fonctionne, on n’a pas refait l’intégralité de nos locaux… C’est une somme de petites choses mises en place. Si tout le monde les fait, on se retrouve avec une société beaucoup plus inclusive », souligne-t-il.
Article extrait du n° 605 de Face au Risque : « Culture de sécurité » (janvier-février 2025).
Martine Porez – Journaliste
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