Studios Universal : flammes fatales

1 février 20097 min

Une nouvelle fois, en juin 2008, les Studios Universal à Los Angeles ont dû faire face à un incendie qui a détruit deux hangars comprenant notamment des plateaux de tournage avec d’immenses décors.

Ceci est une légende Alt

À l’aube du dimanche 1er juin 2008, un très violent incendie, causé par un travail par point chaud, a ravagé près de deux hectares de décors aux Studios Universal à Los Angeles. Environ 400 pompiers ont lutté plus de 12 heures pour circonscrire l’incendie qui a ravagé des décors de rues et les animations mythiques du cinéma Hollywoodien.

FI Universal Dessin René Dosne

Les procédures de sécurité habituelles ont pourtant été observées. Après un travail d’étanchéité au chalumeau sur la toiture d’un îlot de six bâtiments, terminé à 3 h, les ouvriers ont attendu une heure avant de quitter les lieux. Pourtant, à 4 h 43, un agent de sécurité donne l’alerte : le pâté de maisons New York Street s’embrase. Quatre minutes plus tard, alors que quatre engins, pompes et échelles se présentent, l’îlot est en feu et l’énorme rayonnement, issu de la combustion des matériaux légers constituant les décors, menace déjà de propager le feu de rue en rue. En effet, les Studios Universal sont composés de plateaux de tournage et d’enregistrement et d’un parc de loisirs où les touristes peuvent visiter les décors de films célèbres.

Une alimentation en eau compliquée

Si les premiers moyens disposent d’une pression d’eau suffisante délivrée par le réseau privé du site (alimenté par le réseau de ville de Los Angeles), cette dernière, à mesure que les engins vont s’alimenter, va progressivement baisser pour atteindre un minimum vers 6 h, alors que le feu est en plein développement. L’eau devra alors être puisée hors du site, et sur deux plans d’eau du parc d’attractions, dont l’un est à moins de 100 m du feu. Vers 6 h 30, près de 400 pompiers, 20 échelles aériennes et une quarantaine d’engins pompe, dont certaines pompes de 3 700 l/min, sont engagés.

Si la structure supportant les décors est constituée de poutrelles d’acier et de maçonnerie, les façades, à l’apparence solide de brique ou de pierre, utilisent largement le bois, le stuc, le polystyrène, le plastique et le plâtre. La puissance du feu est telle que le rayonnement des flammes, qui s’échappent parfois sur quatre étages, embrase un à un les îlots voisins, sautant des rues de 15 à 20 m de large et ce, malgré l’emploi de dizaines de lances et lances-canon à longue portée et fort débit.

La dizaine d’îlots, reconstituant les décors de films cultes sur plus de 2 ha, ne forme bientôt plus qu’un immense brasier contre lequel les pompiers ne peuvent s’engager efficacement, tant le rayonnement est puissant. Deux hélicoptères bombardiers d’eau effectueront plusieurs dizaines de largages sur les toits des bâtiments situés en bordure.

Deux hangars, respectivement de 2 400 m² et 1 800 m², masqués par des alignements de décors de rues, s’embrasent à leur tour. Le premier, aux murs de maçonnerie et à la toiture d’acier, abrite un décor newyorkais et une attraction avec le personnage de King Kong de 10 m de haut. Il sera emporté par les flammes en cours de matinée. Le second bâtiment abrite de 40 à 50 000 bobines de films et vidéos. Ce sera le dernier atteint, la forte composante plastique de son contenu entraînant un nuage noir qui va s’étendre sur des kilomètres. Les prélèvements de fumée montreront une toxicité certaine des retombées sur les zones habitées.

  • Le brasier a entièrement détruit des décors de « L’Arnaque » et de « Retour vers le futur ».
  • Entre 40 000 et 50 000 vidéos ont été brûlées. Heureusement, les studios en possèdent, pour la plupart, des copies.

Les problèmes essentiels rencontrés au cours de ce sinistre ont été :

  • la forte combustibilité des façades, évoluant rapidement en feu de quartier (contenu des immeubles en moins), mais dont la légèreté de la construction et la bonne aération ont entraîné de gros dégagements de flammes (les 30 m de haut ont été, à certains moments, dépassés) ;
  • l’insuffisance du dispositif de rideau d’eau placé sur les façades (consécutivement au feu de 1990) et se trouvant vraisemblablement en sous débit lorsque trop de dispositifs ont été sollicités ;
  • l’impossibilité, notamment pour le hangar King Kong, pourtant sprinklé, à résister aux attaques multipoints d’un incendie extérieur (il était entouré d’une centaine de mètres de façades décors sur trois de ses faces) ;
  • enfin, la faiblesse du débit délivré par le réseau privé du parc, raccordé au réseau public. La société de distribution d’eau de Los Angeles souligne que son réseau a bien fonctionné et que son débit a même été relevé à la demande des pompiers ; elle précise cependant que sa responsabilité s’arrête au point d’alimentation du réseau privé dont elle ne connaît pas l’état.

On peut toutefois imaginer que le nombre élevé d’engins-pompe puisant sur le réseau du parc, ainsi sans doute que les pertes d’eau des installations de rideaux d’eau démantelées, ont pu solliciter durement le réseau et finalement affecter sa pression ! Outre des hydrants utilisés hors du parc, nécessitant des kilomètres de tuyaux, les pompiers ont pompé dans deux plans d’eau du parc, l’un servant de cadre à une attraction.

Un facteur positif cependant : le feu est survenu sans vent violent, ce qui, en raison de l’encaissement du parc en fond de vallon, aurait pu, dans le cas contraire, via la végétation qui l’entoure, propager le feu vers le second parc à thème d’une dizaine d’hectares qui le surplombe, comme cela s’était produit lors d’un précédent sinistre !

Pour les Studios Universal, un impératif : la réouverture rapide aux visiteurs (25 000 par jour le week-end). Un plan d’urgence existe pour cela. C’est ainsi que, dès le lundi, les guides avaient déjà intégré dans leur commentaire diffusé aux touristes la description du dernier feu, et les pompiers noyaient les derniers foyers sous les applaudissements et les flashs des visiteurs ! Que le spectacle continue !

Créé en 1915 par le fondateur d’Universal Studios, cette zone de décors extérieurs, constituant une véritable petite agglomération avec ses rues et ses places, a connu sept incendies majeurs depuis 1932, et plusieurs de ses « sites », notamment ceux de la place du palais de justice pour le film « Retour vers le futur », ont été plusieurs fois refaits.

Les incendies de 1957, 1987, 1990, 1997 et 2008 auront été les plus dévastateurs. Les sinistres impliquent pourtant à chaque fois une prise de conscience de la combustibilité du lieu et conduisent à la mise en place de patrouilles de sécurité, d’installations d’arrosage et de poteaux d’incendie ainsi qu’à la formation de 1 000 employés au maniement des extincteurs et RIA (Robinets d’incendie armés).

  • 1932 : attisé par un vent fort, le feu, parti de la végétation, engloutit 20 ha ;
  • 1987 : l’incendie qui détruit 4 blocs et en endommage 4 autres est supposé d’origine criminelle ;
  • 1990 : là, pas de doute ! L’incendie, par grand vent, est allumé par un agent de sécurité (qui sera condamné à passer 4 ans dans une prison bien réelle). Ce sera l’un des plus importants, impliquant 400 pompiers et 6 hélicoptères ;
  • 1997 : le feu éclate dans un stock de produits chimiques, près de la place de « Retour vers le futur ». Cette zone est encore partiellement détruite.

Une fois seulement, les décors ont été volontairement embrasés : c’était pour simuler l’incendie de la ville d’Atlanta dans « Autant en emporte le vent » !

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René Dosne, lieutenant-colonel (rc), créateur du croquis opérationnel à la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris

René Dosne

Lieutenant-colonel (rc), créateur du croquis opérationnel à la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris

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