Transports : la sûreté sous l’œil des pouvoirs publics
À quelques jours des Jeux olympiques, la sécurité dans les transports publics s’impose comme un dossier prioritaire pour les autorités qui multiplient les mesures pour rassurer la population.
Quoi de plus catastrophique pour l’image de la France qu’un attentat dans une gare pendant les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) ? Et à une échelle moindre, des pickpockets sévissant en grand nombre dans le métro ? Sur le plan émotionnel, de tels scénarios noirs auraient un impact encore plus négatif qu’une cyberattaque sur la billetterie, par exemple.
La demande de sécurité dans les transports publics est aujourd’hui une priorité de la population. Selon un sondage réalisé par Odoxa publié en avril dernier, 65 % des Français ne se sentent pas en sécurité dans les transports publics. Ils souhaitent la mise en place de nouvelles mesures pour renforcer les dispositifs actuels.
75 % des Français voudraient ainsi que les agents de sûreté de la SNCF et de la RATP soient autorisés à poursuivre un contrevenant sur la voie publique et 66 % qu’ils réalisent des palpations de sécurité. Ils sont 56 % à vouloir qu’il soit possible de sanctionner financièrement un oubli de bagage ou d’objet dans les transports.
« Comme pour l’ensemble des lieux publics, la sécurité est devenue une problématique prioritaire au vu du contexte sociétal actuel », explique Muriel Dugué-Vossart, directrice commerciale, marketing et communication de la sûreté au groupe SNCF.
Les dépenses de sécurité dans les transports publics sont clairement à la hausse : environ +6 % en 2023 et dépassent allègrement les deux milliards d’euros, selon les estimations d’En Toute Sécurité.
Les JOP en toile de fond
Face aux exigences de la population, les pouvoirs publics se sont activés pour éviter tout dérapage pendant les JOP. La loi dite « Jeux olympiques » du 19 mai 2023 autorise ainsi jusqu’en mars 2025 le recours à la vidéosurveillance algorithmique (VSA) dans des situations précises, notamment dans les transports.
Cela a notamment permis une expérimentation menée par la SNCF et la RATP, associées aux entreprises françaises Atos et ChapsVision, dans les gares du Nord et de Lyon à Paris ou encore dans celle de Marseille-Saint- Charles. Ce projet, baptisé Prevent PCP, vise à détecter les bagages abandonnés via une méthode reposant sur l’identification et le suivi des propriétaires des bagages. Cette expérience a provoqué le dépôt d’une plainte en mai auprès de la Cnil de la part de la Quadrature du Net, association de défense des libertés dans l’univers du numérique qui affirme que des centaines de systèmes de VSA sont « illégalement utilisés depuis des années par l’État, les collectivités locales ou les régies de transport ».
Les opérateurs ne ménagent pas leurs efforts en prévision des JOP. «Avec cent équipes sur le terrain chaque jour, auxquelles s’ajoutent des équipes d’intervention, la RATP veut assurer une présence maximale sur le terrain», affirme Jean Castex, PDG de la Régie.
Même son de cloche chez le transporteur ferroviaire. «Durant les JO, nos équipes seront renforcées, notamment dans les gares desservant les lieux où se dérouleront les épreuves. Cependant, nous n’embaucherons pas spécifiquement de personnel pour cette période, mais toutes nos forces vives seront sur le terrain», affirme de son côté Muriel Dugué-Vossart.
Fin 2023, Île-de-France Mobilités (IDFM) a voté un budget de 10 M€ pour rajouter 420 caméras dans 21 grandes gares en prévision des JOP. De plus, elle a entériné en avril la création d’une brigade régionale des transports composée d’une cinquantaine d’agents de sécurité privée, opérationnelle depuis juin, soit un mois avant la tenue des Jeux. Elle interviendra en complément de la Police et de la
En 2023, les dépenses de sécurité dans les transports publics ont augmenté de près de 6 %, notamment pour le déploiement de la vidéosurveillance. Ici, l’une des 50 000 caméras de la RATP. © RATP-Hamdi Chref
Gendarmerie, des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP et des agents de sécurité privée déployés par les opérateurs.
« Grâce à des relations étroites avec les forces de la sécurité intérieure et la profession de la sécurité privée, nous avons bâti un véritable continuum de sécurité », Séverine Delacour, conseillère Justice du directeur de la sûreté de la SNCF, évoquant des opérations coordonnées entre tous les acteurs de la sécurité.
« Grâce à des relations étroites avec les forces de la sécurité intérieure et la profession de la sécurité privée, nous avons bâti un véritable continuum de sécurité. »
Séverine Delacour, conseillère Justice du directeur de la sûreté de la SNCF.
Services internes de sécurité
La coordination des diverses forces de sécurité est ainsi devenue le maître mot. La Police et la Gendarmerie peuvent avoir accès directement au réseau de vidéosurveillance de la SNCF, comme cela est déjà le cas en région Auvergne-Rhône-Alpes. Plus généralement, l’objectif est d’unifier tous ces réseaux, dotés de matériels hétérogènes et gérés par des opérateurs variés.
Le recours à la technologie semble une constante des directions Sûreté dans les transports. La SNCF, la RATP tout comme les opérateurs de province disposent d’un parc considérable de caméras. Des initiatives intégrant des acteurs venus d’horizons différents se font jour. Ainsi la RTM, qui gère les transports à Marseille, bénéficie du projet Serenity, dévoilé en 2022. Il permet d’analyser la dynamique urbaine, les besoins de la population et ses déplacements multimodaux, notamment pour accroître la sécurité. Une première expérience analyse les flux de personnes entre la gare Saint-Charles et le rond-point du Prado par captation d’objets connectés.
Tout en ayant massivement recours à des agents de sécurité privée, ces opérateurs sont souvent dotés de services internes de sécurité. Les deux principaux sont ceux de la SNCF et de la RATP. Officiellement créée en 1914 avec 200 agents de la SNCF, la Surveillance générale (ou Suge) a été rebaptisée Sûreté ferroviaire en 2010. Elle comprend aujourd’hui 3 200 agents, assermentés et armés, tandis que la plupart sont équipés de caméras-piétons. Leur rôle se situe en priorité dans la prévention et la dissuasion, mais aussi dans la sanction en cas de besoin. « L’existence d’un service de sécurité interne est un exemple unique en Europe, à la seule exception de la Pologne », souligne Séverine Delacour, conseillère Justice du directeur de la sûreté de la SNCF.
« La Sûreté ferroviaire peut assurer la sécurité des entreprises disposant d’un certificat de circulation sur les voies pour des sites comme les gares, les trains, les usines, les entrepôts ou les voies. En revanche, elle ne peut pas travailler pour un transporteur routier et ne peut pas s’autosaisir d’un marché », complète Muriel Dugué-Vossart. Dans le cadre de la fin du monopole de la SNCF, la Sûreté ferroviaire a désormais le droit de réaliser des prestations pour d’autres acteurs du réseau ferroviaire, comme elle le fait pour Trenitalia. Son tarif horaire est d’environ 90 €, très nettement au-dessus du prix d’un agent de sécurité privée.
Du côté de la RATP, le GPSR (Groupe de protection et de sécurité des réseaux) opère depuis 1994, tout en étant le lointain héritier d’un service créé en 1945. L’année dernière, il a effectué 2 500 interpellations, dressé 78 600 procès-verbaux et effectué 8 000 réquisitions judiciaires. Des accords ont été passés avec les Douanes et les polices municipales pour intervenir sur des points particulièrement sensibles.
Sur le réseau de la RATP, une centaine d’équipes de sécurité sont chaque jour sur le terrain. En vue des JOP, elles seront renforcées par une brigade régionale des transports. © RATP-Xavier Chibout
La formation en première ligne
Les agents de ces services internes doivent suivre des cursus de formation pointus. « Ils sont formés pour répondre aux problématiques opérationnelles les plus complexes grâce à leur double qualité de professionnels de la sûreté, mais aussi d’agents au service des passagers. En effet, leur formation inclut aussi des compétences liées à la sécurité et au transport ferroviaire. », explique Xavier Roche, directeur de la Sûreté ferroviaire.
Un centre de formation dédié à la sécurité des transports a été créé par la RATP en 2024 et sera opérationnel d’ici la fin de l’année. Il propose des cursus en matière de prévention et intervention, de surveillance par caméras, de prévention du risque attentat, de sensibilisation des voyageurs.
« En matière de sensibilisation du personnel, nous portons une attention particulière aux violences sexistes et sexuelles. C’est d’ailleurs une mission prioritaire prévue par le code des transports », affirme Séverine Delacour.
Les opérateurs font d’ailleurs activement la chasse aux incivilités qui pourrissent la vie des voyageurs. Un phénomène qui regroupe des situations très différentes. « Le concept d’incivilité est trop flou, car il recouvre aussi bien des comportements désagréables, comme cracher ou écouter de la musique trop fort, et des comportements intolérables comme des coups portés à une personne. Je préfère classer les actes selon leur gravité : une infraction légère sanctionnée par une contravention, puis un délit et enfin un crime », analyse la conseillère Justice du directeur de la sûreté de la SNCF.
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