Tunnel du Mont-blanc, réhabilitation terminée

1 mars 200211 min

Signalisation, désenfumage, intervention, mise en sécurité des usagers, de grands travaux de génie civil et d’équipements techniques ont été engagés.

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L’incendie du tunnel du Mont Blanc a révélé une série de lacunes, encore examinées à ce jour par la justice, de la conception à l’intervention, conduisant au lourd bilan précédemment évoqué. II a toutefois permis, comme après chaque grande catastrophe, de braquer les projecteurs sur d’autres ouvrages qui se sont révélés de véritables pièges potentiels. Commissions et groupes de travail multiples ont conduit à l’élaboration d’une règlementation appliquée aux tunnels routiers.

La GTC au cœur du système

De grands travaux de génie civil ont été engagés. La réalisation d’un poste central d’intervention au milieu du tunnel, la multiplication des bouches de désenfumage, l’ajout de nouveaux abris, de niches de sécurité et de niches d’incendie, enfin, la réalisation de quatre réservoirs d’incendie, entraînant l’excavation de 55 000 tonnes de roche.

Dessin RD FI n° 381 01 - Crédit: René Dosne

Le succès d’une intervention en tunnel dépend entre autres de la rapidité de l’alerte (détection et localisation du feu) et de l’efficacité du désenfumage permettant une intervention rapide des secours et la mise en sécurité des personnes. Dans aucun des gros sinistres survenus ces dernières années, ces conditions n’ont été réunies.

Dessin RD FI n° 381 02 - Crédit: René Dosne

Aujourd’hui, une gestion technique centralisée (GTC) collecte et traite les informations permettant le déclenchement automatique des systèmes en fonction de la catégorie d’incidents (panneaux à messages variables, éclairage, ventilation, déclenchement des secours…). Les opérateurs sont désormais réunis dans un unique PC, situé à l’entrée française, afin d’éviter les interférences et les actions isolées sur les équipements des demi-tunnels affectés auparavant à la France et l’Italie. Un second PC, identique, de secours et d’exercice, est installé côté italien.

Image FI n° 381 04 - Crédit: René Dosne

Caméra de surveillance

Plusieurs moyens permettent de détecter un incident : l’ouverture d’une armoire incendie ou le décroché d’un extincteur, l’élévation de température via un système de thermographie par fibre optique avec capteur tous les dix mètres et la détection automatique d’incident (DAI) capable, grâce à 120 caméras disposées tous les 100 m, de détecter toute anomalie visuelle (grâce à un système numérique permettant d’analyser les mouvements et les arrêts de mobiles, objet sur la chaussée, ralentissement, arrêt…) et de mettre en alerte les équipements de sécurité appropriés grâce à la GTC.

La mise en sécurité des usagers consiste à les soustraire du milieu enfumé et rapidement toxique, pour les regrouper dans un abri isolé de l’atmosphère du tunnel dans l’attente de leur évacuation par les équipes de secours. Placés tous les 300 m, les refuges, aux portes équipées de flashs, sont d’une surface d’au moins 37 m². Mis en surpression, ils disposent d’un sas équipé de deux portes coupe-feu 2 h et de moyens de communication par visiophone avec le PC. Chaque abri est relié par un escalier à une galerie d’évacuation située sous la chaussée. Cette galerie, anciennement affectée à l’amenée d’air frais, à des dimensions variant de 0,90 à 1,30 m de large et de 1,80 à 2,50 m

Image FI n° 381 05 - Crédit: René Dosne

Des lampes flash équipent l’entrée des refuges.

de haut. Deux engins électriques, larges de 0,70 m, permettront de transporter quatre personnes assises ou une couchée.

Image FI n° 381 02 - Crédit: René Dosne

La signalétique indique le refuge le plus proche.

D’abord regroupés dans les refuges, les occupants ne seront évacués qu’encadrés par du personnel spécialement affecté à cette mission. Il n’est pas question de leur faire parcourir de longues distances dans les galeries pour atteindre les extrémités. Les usagers seront remontés dans un refuge situé hors de la zone affectée par l’incendie pour être pris en charge par des véhicules et évacués.

Les équipements de lutte contre l’incendie, le service de sécurité du tunnel et les secours extérieurs amenés à intervenir ont fait l’objet d’une profonde refonte, ainsi que la stratégie d’engagement des secours italiens et français. Désormais, quatre réservoirs de 120 m³ réalimentables desservent les bouches d’incendie placées tous les 150 m. Le débit simultané sur deux poteaux est de 120 m³ à 6/8 bars. De plus, le sas de chaque refuge est équipé d’une prise incendie de 70 mm sur laquelle les pompiers peuvent alimenter en direct une lance.

Image FI n° 381 03 - Crédit: René Dosne

L’un des trois engins spécifiques conçu pour assurer la lutte contre l’incendie en tunnel tout en assurant la sauvegarde du personnel.

Le service incendie du tunnel, autrefois privé, est aujourd’hui, grâce à une convention tripartite passée entre la société gestionnaire, le Service départemental d’incendie et de secours de Haute-Savoie assuré, en France comme en Italie, par les secours publics et la région autonome de la vallée d’Aoste. II sera constitué d’un « noyau dur » de 37 hommes, alors que les hommes de la société gestionnaire assureront la veille au PC.

L’un des avantages essentiels est d’offrir une homogénéité des secours entre pompiers du tunnel et pompiers extérieurs en cas d’intervention, grâce à une formation commune et un brassage par rotation des gardes permettant une bonne connaissance de l’ouvrage et de ses équipements.

Dix sapeurs-pompiers français et italiens répartis dans trois postes d’intervention assureront la mise en œuvre des premiers secours. Les trois postes situés aux deux entrées et au centre de l’ouvrage disposeront du même armement : un véhicule d’intervention rapide et un véhicule lourd spécialement conçu pour les interventions en tunnel. Le poste central du tunnel, destiné à réduire les délais d’intervention, se compose d’un garage, d’une salle d’astreinte de 45 m² et d’un abri relié à la galerie d’évacuation.

Les liens étroits existant entre les pompiers italiens et français, tissés bien avant l’incendie, se sont encore renforcés, grâce à un échange des techniques, des exercices communs… Des cours d’italien sont suivis par les pompiers français et un lexique italien/français des termes et expressions techniques a été publié. Enfin, des tests d’incendie réels (de la puissance d’un feu de camionnette), pour éprouver le désenfumage, étude du comportement de 200 volontaires repartis dans des camions, trois autocars et des voitures particulières, ont été réalisés en ambiance de fumée froide pour le second exercice. On a même pensé à l’avalanche bouchant l’entrée française… et l’actualité a rappelé les risques de tremblement de terre susceptibles d’affecter la voûte.

24 mars 1999. 39 personnes, dont un pompier, perdent la vie à la suite de l’incendie d’un camion frigorifique, à 6 km des sorties du tunnel du Mont Blanc. Près de trois ans après la catastrophe, c’est un tunnel fraichement coloré qui devrait s’ouvrir aux premiers automobilistes. Entre temps, 11 personnes sont mortes asphyxiées dans le tunnel du Saint-Gothard (lire notre article sur l’incendie dans le tunnel routier du Saint-Gothard) en Suisse, écornant les certitudes. D’importants travaux ont dû être effectués afin de sécuriser au mieux le tunnel sans pour autant s’engager sur l’efficace, mais très coûteuse, voie du percement d’un tunnel de secours parallèle, comme il en existe au Saint-Gothard et dans le tunnel sous la Manche.

Lors d’une alerte incendie, les trois engins lourds et un véhicule d’intervention ou deux engins lourds et rapides se rendent sur place. Chaque engin peut attaquer immédiatement le feu sur sa réserve d’eau et d’émulseur à l’image des engins aéroportuaires (lance-canon et pompe manœuvrable en mouvement).

Si la violence de l’incendie l’impose, et après prise de renseignements sur la situation dans le tunnel, les secours publics s’engagent à leur tour, avec un engin-pompe traditionnel (FPTGP), mais « tunnelisé », c’est-à-dire équipé d’une caméra thermique, d’un système d’autoprotection du véhicule et d’une réserve d’air indépendante s’ajoutant aux traditionnels ARI (appareils respiratoires isolants) à circuit ouvert (bi-bouteilles d’une autonomie d’une heure).

Cet engin est suivi d’une camionnette équipée, elle aussi, d’une caméra thermique disposant d’une double réserve d’ARI pour huit hommes et une réserve fixe. Positionnée derrière l’engin-pompe, après avoir fait demi-tour, elle y est reliée par un « fil d’Ariane » permettant aux sauveteurs de ne pas s’égarer dans la fumée s’ils devaient se replier sur ce véhicule.

C’est la fumée qui tue dans les incendies et plus particulièrement en milieu semi-confiné comme un tunnel. Le désenfumage et la mise à l’abri des usagers ont donc été totalement repensés. La ventilation, répartie en deux usines, dispose de moteurs plus puissants augmentant le débit d’air. Les bouches et les conduits d’extraction (carneaux), initialement placés tous les 300 m, ont été portés à un tous les 100 m. Reliés à la gaine d’air vicié courant sous la chaussée, elle-même pourvue de quatre accélérateurs de flux, ils assureront une capacité de désenfumage de 150 m3/seconde sur 600 m. Des trappes télécommandées permettent de concentrer l’aspiration dans la zone de feu

La ventilation du tunnel est de type semi-transversal, l’air frais soufflant au niveau du sol par des buses situées tous les 10 m est repris par les « carneaux » situés au plafond tous les 100 m.

Toutefois, les différences de conditions météorologiques aux deux extrémités et le dénivelé du tunnel créent un courant d’air longitudinal (plus souvent orienté de la France vers l’Italie). Le phénomène conduit en cas d’incendie à l’enfumage du tronçon de tunnel placé sous le vent, contrariant l’action des secours intervenant à contre tirage et entravant l’évacuation. C’est dans ce tronçon que l’essentiel des victimes est retrouvé et que l’incendie se développe. Le contrôle de ce courant, s’il est possible, permettrait une intervention simultanée en tenaille, ce qui jusque-là était rarement envisageable.

On va donc « casser » ce courant en le contrariant, grâce à 76 accélérateurs suspendus sous la voûte et pilotés automatiquement par groupes de sept par la GTC, mesurant la différence de pression entre les deux entrées. On devrait donc, d’après les calculs, parvenir à un courant zéro au niveau du feu, autre que la convection naturelle produite par l’incendie entraînant les fumées vers le haut. On pense ainsi préserver la visibilité dans le tunnel durant une dizaine de minutes, permettant aux usagers de rejoindre, par un trajet théorique maximum de 150 m, l’entrée d’un refuge.

La sécurité dans un tunnel routier passe par le respect de certaines règles de circulation, appuyées par une signalisation sans ambigüité. La vitesse limite sera de 70 km/h et la distance entre véhicules ne devra pas être inférieure à 150 m. Toutefois, l’évaluation des distances par un automobiliste étant des plus subjectives, un marquage lumineux sur les piédroits et des cellules photoélectriques reparties dans le tunnel rappelleront aux conducteurs leurs obligations.

En bordure de la route conduisant au tunnel, des panneaux de signalisation rappelleront également la vitesse limite et la distance inter-véhicules à respecter. Des radars à poste fixe sanctionneront les plus résistants (un poste de police et de gendarmerie jouxtera le PC).

En cas d’incident, le système de signalisation permettra d’informer en temps réel les automobilistes, grâce à des panneaux à messages variables en français et en italien, des feux rouges clignotants et en italien et des messages radio FM.

En cas d’accident, un dispositif permettra de contrôler le flux des véhicules. En effet, même si en circulant, les véhicules respectent les 150 m, lors d’un accident, ils se concentrent et se rapprochent formant un bouchon plus ou moins dense. Regroupés, les véhicules forment alors une continuité combustible qui permettrait au feu de s’étendre sur de grandes longueurs : 500 m au Mont-Blanc, 150 au Saint-Gothard, prolongé de kilomètres de fumée. Tous les 600 m, deux demi-barrières pourront en dernier recours stopper les véhicules n’ayant pas respecté les feux. Par ailleurs, deux barrières, installées à chaque entrée du tunnel, en interdiront l’accès.

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René Dosne, lieutenant-colonel (rc), créateur du croquis opérationnel à la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris

René Dosne

Lieutenant-colonel (rc), créateur du croquis opérationnel à la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris

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