Feu de parking à l’hôpital Fernand-Widal

1 septembre 20038 min

Le déclenchement de la détection incendie et l’intervention rapide et ciblée des sapeurs-pompiers évitent la propagation de l’incendie dans les étages du bâtiment administratif de l’hôpital parisien.

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Le 19 mai 2003 à 20 h 32, la détection incendie se déclenche à la loge de l’hôpital Fernand-Widal, à Paris. Le premier agent de sécurité, bipé, aperçoit de son appartement de la fumée qui ‘échappe du toit du bâtiment administratif. Avant même son arrivée sur place les pompiers ont déjà alerté par ligne directe. Le déclenchement successif de nombreuses détections laisse présager un enfumage important des locaux environnant la zone.

À l ‘arrivée des secours, d’importantes quantités de fumée s’échappent de la rampe du parking ainsi que du hall d’entrée de l’immeuble administratif totalement enfumés. Le local électrique, proche du feu, est touché. Le transformateur 20 000 volts a disjoncté et le groupe de secours ne peut pallier la défaillance. L’ensemble de l’hôpital est alors plongé dans l’obscurité.

Dessin RD FI n° 395 01 - Crédit: René Dosne

Des renforts équipés de réserve d’air comprimé et d’engins-pompes pour effectuer les nombreuses reconnaissances sont demandés. Les pompiers évacuent et mettent en sécurité cinq personnes bloquées dans le bâtiment administratif, dont les escaliers sont enfumés. Deux d’entre elles, intoxiquées, seront hospitalisées.

Au fond du hall enfumé, des lueurs apparaissent sortant des parois latérales, suivies de rouleaux de flammes qui viennent lécher furtivement le faux-plafond. C’est l’embrasement généralisé. Il faut très vite contrôler l’incendie qui a gagné les gaines avant qu’il ne se propage dans les étages.

Dessin RD FI n° 395 02 - Crédit: René Dosne

À 21 h 36, six nouveaux engins et les « moyens réseau EDF » ont alertés. À 22 h 05, les véhicules en feu sont localisés dans une zone située sous le hall d’entrée du bâtiment R + 7. Mais I incendie fait toujours rage dans les sous-sols et tient les sauveteurs à distance. Le feu sera éteint à 22 h 47. Il faut encore effectuer des reconnaissances minutieuses de gaines et procéder au désenfumage des lieux.

Groupe de secours en panne suite à la destruction du boîtier d’arrêt d’urgence

L’incendie a éclaté, pour une raison indéterminée, là où se trouvaient deux voitures et un side-car, à l’endroit le plus destructeur pour le réseau électrique de l’hôpital. En effet, le local électrique TGBT, tableau général basse tension, à partir duquel est distribué le 220 V dans les locaux, isolé du parking par un sas coupe-feu, se trouve à quelques mètres du brasier. Il sort de ce local un important chemin de câbles qui, au-dessus des 3 véhicules en feu se divise vers 4 trémies de quelques dizaines de mètres carrés, distribuant des faisceaux de conducteurs électriques vers les 7 étages du bâtiment administratif. Le chemin de câble se détache et tombe au cours du feu, affaiblissant le recoupement de plâtre des trémies. Les isolants des dizaines de câbles brûlent, libérant des espaces par où fumées et gaz chauds s’insinuent.

Dessin RD FI n° 395 03 - Crédit: René Dosne

Des courts-circuits se produisent, faisant disjoncter le transformateur général. Le groupe de secours, situé dans un local voisin isolé du feu se met en marche, provoquant de nouveaux courts-circuits. Il semble, d’après les responsables de l’établissement, que le groupe de secours se soit arrêté après destruction par le feu de son boîtier d’arrêt d’urgence (coup de poing) situé dans le parking !

Le compartimentage vertical est rompu. La fumée, puis les flammes, grimpent dans les gaines fermées situées dans les couloirs à chaque niveau du bâtiment par des portes de bois. Dans certaines sont rangés des cartons, d’autres abritent des tableaux électriques…

Des patients doivent être changés de secteur

Le hall du rez-de-chaussée s’enfume et s’embrase trois-quarts d’heure environ après l ‘arrivée des secours. À ce niveau, partent deux longs couloirs ceinturant tout l’hôpital au niveau des sous-sols. En l’absence de dispositifs ou portes coupe-feu, la fumée devient perceptible dans plusieurs pavillons abritant des patients. Une dizaine d’entre eux sera temporairement déplacée vers des secteurs mieux ventilés, tandis que le personnel du service psychiatrique isole les lieux en disposant des draps roulés sous les portes. Heureusement, les pompiers arrivent à stopper au premier étage la propagation de l’incendie dans les gaines du bâtiment administratif, les dommages restant limités aux circulations.

Relativement courant, le feu de parking souterrain génère un incendie violent et difficile à localiser. La température dépasse les 1 000 °C et provoque un enfumage très important. Lorsqu’il est coiffé d’une construction, la propagation à cette dernière est à redouter si le compartimentage qu’offre la dalle révèle des failles : passage de câbles mal rebouchés, passages de descentes d’eau en PVC non protégées, joints de dilatation…

L’établissement ne possède pas de services d’urgences ou équipés d’appareils indispensables à la survie des malades comme ceux de réanimation, cardiologie maternité et ses couveuses… L’impossibilité, pour le groupe de secours, d’assurer le relais dans un tel scénario d’incendie est à méditer pour d’autres établissements de soins.

Dès 4 heures du matin, le premier groupe électrogène de secours mobile de service de l’Assistance Publique parvenait sur place, bientôt renforcé par deux autres (200, 350 et 800 kVA).

Image FI n° 395 02 - Crédit: René Dosne

Les isolants des câbles et les équipements électriques contenus dans les gaines présentaient un gros potentiel fumigène.

La Commission de sécurité inspectait les lieux dès le lendemain pour définir un train de prescriptions permettant à l’établissement de poursuivre son activité dans ces circonstances particulières, avec le meilleur niveau de sécurité. C’est ainsi qu’une équipe de sécurité renforcée a été engagée durant la remise en service des installations électriques.

Par ailleurs, la mise sous détection de locaux et le compartimentage des galeries de liaison seront accélérés. C’est au cours d’un sinistre, mieux, lors d’essais d’enfumage que des « fuites » insoupçonnées apparaissent dans les dalles de planchers et les gaines.

Aujourd’hui, des complexes architecturaux importants sont « posés » sur des centaines de mètres de galeries techniques emplies de câbles. Les compartimenter est difficile car ces installations « vivent » : des câbles sont retirés, d’autres ajoutés et le rebouchage n’est pas toujours correctement réalisé… quand il existe.

Construit en 1858, l’hôpital étend ses installations sur plus de 18 000 m². Outre les pavillons d’origine, 5 bâtiments ont été construits entre 1969 et 1989. D’une capacité de 348 lits, l’établissement emploie environ 500 personnes. Spécialisé dans le traitement des intoxications, l’hôpital abrite le centre anti-poison d’Ile de France. Il comporte en outre des services de psychiatrie, rééducation et un pavillon de gérontologie.

Le secteur concerné par l’intervention comprend un parking souterrain d’un niveau (75 places), accessible par une rampe, des escaliers et monte-charge. Le parking est partiellement coiffé d’un bâtiment rectangulaire de R+7, construit en 1969, à usage d’administration et laboratoires. Ce bâtiment est relié au premier étage, via deux passerelles vitrées, à deux pavillons R+3 abritant des malades. Les étages sont desservis par 2 escaliers encloisonnés, 2 ascenseurs et 1 monte-charge. Les locaux techniques électriques (-1) communiquent avec le parking par un sas avec portes coupe-feu.

L’établissement est un ERP de type U 2e catégorie. Il dispose d’une équipe de sécurité logée sur place et d’astreinte.

Dans la loge du gardien est implantée l’armoire visualisant l’activité des équipements de sécurité incendie (essentiellement des détecteurs de fumée).

Le parking est partiellement sous détection, ainsi que les circulations du bâtiment R+7 et des pavillons contigus.

Des extincteurs et des RIA permettent de combattre un début d’incendie.

Répertorié par les pompiers, l’établissement est relié par ligne directe protégée au centre de secours qui se trouve à quelques centaines de mètres. Le premier départ pour feu comprend un premier échelon de 5 véhicules dont 2 échelles et l’officier de garde.

Plusieurs interventions mettant en évidence les faiblesses de compartimentage que constituent les passages de gaines électriques ont été relatées dans Face au Risque.

Le feu de la gare Saint-Lazare (Face au Risque n° 385) voit son sinistre initial aggravé par la présence d’un chemin de câbles au droit du foyer.

Le feu de galerie technique quai François Mauriac à Paris met en évidence le redoutable effet de mèche des câbles brûlant en milieu confiné et la difficulté d’extinction de ces foyers (Face au Risque n° 369).

Le feu du siège du groupe d’assurances Malakoff à Saint-Quentin-en-Yvelines implique, sur un cheminement compliqué au travers d’étages, un feu de câbles (Face au Risque n° 322).

Plus ancien, mais célèbre, le feu de l’aérogare Orly sud, en 1974, où un court-circuit dans des armoires électriques au 2e sous-sol entraîne un incendie rampant et insidieux sur 8 niveaux, les flammes sortant, plus de 6 heures après le début, au niveau du 6e étage après avoir tout dévasté sur leur passage !

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René Dosne, lieutenant-colonel (rc), créateur du croquis opérationnel à la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris

René Dosne

Lieutenant-colonel (rc), créateur du croquis opérationnel à la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris

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