Risque incendie en ERP-IGH : une méthode innovante
Élaborée par un collectif de chargés de sécurité au sein de l’Apsighe[1], cette méthode se veut innovante sous plusieurs aspects. Elle est centrée sur cinq objectifs à atteindre en sécurité incendie, tirés de la réglementation et de la jurisprudence appliquées aux ERP et IGH. Nous avons interrogé Sébastien Samueli, directeur des relations publiques et référent ERP-IGH au sein de CNPP, sur les caractéristiques de cette méthode et son application concrète.
Comment a été élaborée cette méthode d’analyse du risque incendie en ERP ?
Sébastien Samueli. Cette méthode est le fruit d’un groupe de travail ayant réuni une quinzaine de chargés de sécurité en ERP et IGH, provenant de secteurs d’activité très variés. Il y a eu une cinquantaine de réunions depuis 2019, qui ont contribué à affiner la première mouture de cette méthode initiée par Thierry Guilmin, chef du projet à l’Apsighe, en 2015. C’est d’ailleurs ce premier jet qu’il a appliqué à l’époque en tant qu’ingénieur sécurité pour gérer le risque incendie à l’AP-HP[2], sur un patrimoine immobilier de 731 bâtiments répartis sur 39 sites. La méthode s’est enrichie depuis, en intégrant notamment un 3e volet dans l’analyse : les dispositions organisationnelles du site considéré.
L’approche de l’Apsighe consiste à prendre en compte les objectifs réglementaires de la sécurité incendie, et à analyser les défaillances potentielles du site en regard.
Sébastien Samuelli
Directeur des relations publiques et référent ERP-IGH à CNPP
En quoi cette méthode se veut innovante ?
S. S. Les analyses de risques classiques consistent généralement à identifier des sources de dangers et à les évaluer par rapport à des points névralgiques sur l’activité considérée. Ces méthodes consistent à aligner la sécurité sur la stratégie de l’entreprise, en examinant les conséquences estimées des événements redoutés sur la continuité d’activité et les objectifs visés. Notre position est de dire que si cette approche est importante et nécessaire en ERP-IGH, notamment pour l’identification des sources de dangers, elle n’est cependant pas suffisante.
L’approche de l’Apsighe consiste à prendre en compte les objectifs réglementaires de la sécurité incendie, et à analyser les défaillances potentielles du site en regard. La finalité pour le responsable sécurité est à la fois originale et ambitieuse : primo, lui fournir une vision très profonde de sa vulnérabilité par rapport aux objectifs assignés par la sécurité incendie. Secundo, lui donner la capacité de répondre si, oui ou non, un site est apte à parvenir au résultat visé.
Cette méthode, performantielle dans l’esprit, est en adéquation avec les demandes de dérogations et la mise en place de mesures compensatoires dans certains types d’ERP, car le système de cotation employé permet de mesurer précisément l’effet escompté sur le résultat final.
La méthode de l’Apsighe nécessite encore des phases d’expérimentation et d’industrialisation.
Cette méthode pousse l’analyse assez loin, avec 131 items à examiner pour chaque bâtiment…
S. S. Il est vrai que la méthode descend à un niveau extrêmement fin d’analyse, bâtiment par bâtiment. En ce sens, elle est comparable à une Amdec[3] qui se pratique dans l’industrie. C’est une méthode de spécialistes pour des spécialistes. Le point de vue adopté par l’Apsighe, c’est que le chargé de sécurité doit d’abord faire de l’analyse de risques. Par-delà la conformité réglementaire, qui reste essentielle, il doit connaître le niveau réel de sécurité de ses sites, exercer un contrôle et de la surveillance, et dialoguer avec sa direction ainsi qu’avec les autorités publiques. La méthode développée répond à ces objectifs.
Quelles sont les prochaines étapes de développement du projet ?
S. S. Le groupe de travail va procéder à des audits sur des sites réels, afin d’expérimenter la méthode. Il s’agira notamment d’estimer le temps nécessaire à l’analyse de risques. Il faudra ensuite la déployer sur des sites, et enfin l’industrialiser avec des outils pratiques.
[1] Apsighe : Association de promotion de la sécurité en immeuble de grande hauteur et établissement du public, créée en 1993.
[2] AP-HP : Assistance publique – Hôpitaux de Paris.
[3] Amdec : analyse des modes de défaillances, de leurs effets et de leur criticité.
Article extrait du n° 591 de Face au Risque : « Analyser les risques » (avril 2023).
Bernard Jaguenaud – Rédacteur en chef
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