Essoc et la solution d’effet équivalent (SEE) : comment ça marche ?
La réécriture du code de la construction et de l’habitation induit un changement de paradigme dans la réglementation incendie, en introduisant notamment les notions d’objectifs généraux et de résultats minimaux. Quel sera l’impact du nouveau dispositif de solution d’effet équivalent (SEE) sur la sécurité incendie, et quid de l’ancien régime de dérogation ? Mise en perspective de l’avant et de l’après.
La réglementation incendie
en reconstruction
La loi Essoc (loi pour un État au service d’une société de confiance) part du constat du régime de dérogation existant, du fait qu’il faut donner plus de lisibilité dans le domaine de la construction et faire la part belle à l’innovation. Elle érige également le principe du droit de faire ou d’expérimenter.
La première ordonnance Essoc du 30 octobre 2018 indique ainsi : « Le maître d’ouvrage des opérations de construction de bâtiments mentionnées à l’article 2 peut être autorisé à déroger aux règles de construction applicables dans les domaines énumérés à l’article 3 lorsqu’il apporte la preuve qu’il parvient, par les moyens qu’il entend mettre en œuvre, à des résultats équivalents à ceux découlant de l’application des règles auxquelles il est dérogé et que ces moyens présentent un caractère innovant, d’un point de vue technique ou architectural. »
Approche performancielle
Elle s’inscrit dans une démarche dont la volonté est de passer d’une administration de contrôle à une administration de conseil et d’accompagnement. Elle s’appuie pour cela sur l’approche performancielle en sécurité incendie, et l’utilisation des méthodes de l’ingénierie.
Celles-ci sont fondées sur des principes scientifiques pour l’élaboration ou l’évaluation de projets d’ouvrages à partir de l’analyse de scénarios d’incendie spécifiques et de la quantification du risque pour un ensemble de scénarios d’incendie.
Le dispositif de solution d’effet équivalent (SEE)
Le nouvel article L.112-6 du CCH (code de la construction et de l’habitation) introduit la notion de solution d’effet équivalent (SEE) : « solution technique par laquelle la justification du respect des objectifs généraux assignés dans un champ technique est apportée. » Ainsi, lorsque le maître d’ouvrage souhaite recourir à une SEE, il doit justifier que la solution retenue respecte les objectifs généraux fixés par la loi et permette d’atteindre des résultats au moins équivalents à ceux de la solution de référence.
Avant la mise en œuvre de cette solution, un organisme tiers offrant des garanties de compétence et d’indépendance évalue la solution pour attester du respect des objectifs. Cette attestation est transmise au ministre chargé de la construction, avant le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme ou à l’achèvement des travaux, avec le document établi par le contrôleur technique. Ce dernier est chargé, par l’article L.112-10 du CCH, d’une mission de vérification particulière. Ainsi, il doit s’assurer de la conformité de la mise en œuvre de la SEE aux conditions validées par l’attestation de respect des objectifs. Le texte impose que le contrôleur technique n’ait aucun lien avec l’organisme tiers ayant établi l’attestation de respect des objectifs.
Ces règles s’appliquent tant pour les projets de construction que pour les projets de rénovation.
Les objectifs généraux de sécurité incendie
Dans le domaine spécifique de l’incendie, l’objectif général de sécurité est fixé par l’article L.141-1 du CCH selon lequel les bâtiments doivent être implantés, conçus, construits, exploités et entretenus dans l’objectif d’assurer la sécurité des personnes en contribuant à :
- éviter l’éclosion d’un incendie ;
- en cas d’incendie, permettre de limiter son développement;
- limiter sa propagation ;
- limiter ses effets sur les personnes ;
- faciliter l’intervention des secours.
Validation par des organismes tiers
Les dispositions de l’ordonnance Essoc II du 29 janvier 2020 et du décret du 30 juin 2021 sont entrées en vigueur le 1er juillet 2021.
Le décret du 30 juin 2021 prévoit bien la possibilité pour les maîtres d’ouvrage de recourir aux SEE. La notice du décret indique : « lorsqu’un maître d’ouvrage fait ce choix, il fait valider par un organisme tiers l’équivalence entre la solution qu’il propose de mettre en œuvre et la solution de référence au sens de l’art. L.112-5 du CCH ; le caractère équivalent de la solution que le maître d’ouvrage entend mettre en œuvre est attesté avant la mise en œuvre de cette solution. Une attestation validant la bonne mise en œuvre de cette solution est ensuite réalisée par “un vérificateur” ».
La principale difficulté à prévoir réside dans le fait que l’étude d’ingénierie de sécurité incendie (ISI) devra prévoir les solutions à mettre en œuvre, ce qui n’est pas simple au moment du dépôt du permis de construire par exemple. On peut penser que les recours aux permis modificatifs seront légion.
Deux attestations
La mise en œuvre d’une SEE implique la production de deux attestations.
La première est chargée de certifier que la solution permet d’atteindre des résultats au moins équivalents à ceux de la solution de référence. Le texte parle d’attestation de respect des objectifs. L’article L.112-9 nouveau du CCH dit qu’il s’agit « d’un organisme tiers au maître d’ouvrage offrant des garanties de compétence et d’indépendance ».
La seconde attestation émane de l’organisme de contrôle, du « vérificateur », chargé de valider la mise en œuvre effective de la SEE.
Des garde-fous
Essoc prévoit un certain nombre de garde-fous, répertoriés dans les textes, en particulier concernant les acteurs autorisés et reconnus. La liste des organismes reconnus compétents (ORC) en désenfumage va connaître deux phases.
Une phase transitoire jusqu’au 31 décembre 2023. C’est l’article 5 du décret du 30 juin 2021 qui la définit en instituant pour la sécurité incendie (titre IV) les laboratoires agréés en résistance au feu et en désenfumage.
Une seconde phase, définitive, à partir du 1er janvier 2024. C’est l’article R.112-4 qui définit cette liste. Pour la sécurité incendie il s’agira des « laboratoires disposant de l’accréditation spécifique SEE ». La certification et l’accréditation dont il est question n’existent pas encore et seront créées spécifiquement pour le dispositif de recours à des SEE. La phase transitoire mentionnée plus haut vise à rendre opérationnel le dispositif des SEE le temps que ces deux reconnaissances de qualification soient créées.
D’autres garde-fous sont définis tout au long de la procédure : la phase obligatoire de validation des scénarios (ERP) par les autorités locales (commissions de sécurité), les phases de vérification et de validation via la commission de sécurité (ERP), la tierce-expertise, l’avis sur étude (étude de stabilité au feu en ERP).
Une spécificité à la sécurité incendie
Si la manière de justifier de l’équivalence de la solution technique proposée est imposée (ISI + exigences fonctionnelles à respecter), le reste du dispositif commun à toute SEE reste applicable (attestateur, contrôleur technique, attestations, etc.).
Cette spécificité propre au domaine de l’incendie s’explique par le fait que la sécurité incendie comprenait déjà un dispositif permettant de vérifier les solutions innovantes non réglementaires via l’ISI et des exigences fonctionnelles. Il a été choisi d’intégrer ces spécificités au dispositif de SEE car cette démarche a fait ses preuves.
Démarches en vigueur
Même si le dispositif d’ingénierie de sécurité incendie n’est pas formellement abrogé à compter du 1er juillet 2021, il convient désormais de recourir au dispositif de SEE pour les solutions innovantes qui sortent du cadre des règlements de sécurité incendie.
Attention cependant, l’article L.141-3 du CCH impose également que soient respectées des « exigences fonctionnelles » fixées par voie réglementaire. Ces dispositions n’intégreront le CCH que prochainement. D’ici-là il n’est donc pas possible de délivrer d’attestation en sécurité incendie, mais il est possible d’anticiper et de commencer les démarches.
Essoc constitue un changement de paradigme, en instituant une possibilité de déroger plus aboutie et instruite qu’auparavant, assortie de nombreux acteurs et garde-fous. La procédure envisagée au travers du dispositif des SEE ne semble pas plus simple mais elle harmonise et uniformise les pratiques, quel que soit l’usage du bâtiment.
Article extrait du n° 586 de Face au Risque : « La réglementation incendie en reconstruction » (octobre 2022).
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