Feu dans le métro toulousain
Le 30 octobre 2021, un incendie entraîne d’importantes perturbations dans le métro toulousain, dont les deux lignes A et B sont exploitées par la société Tisséo. De ce feu d’escalier mécanique seront tirés des enseignements, dont certains, seront mis rapidement en œuvre et appliqués sur un autre sinistre survenu en juillet 2022.
Une évacuation confuse
Il est 16 h 34 le samedi 30 octobre 2021 lorsque les sapeurs-pompiers sont alertés par le poste de commande et de contrôle (PCC) de l’entreprise Tisséo pour un dégagement de fumée et de flammes sur un escalier mécanique de la station Jeanne-d’Arc du métro de Toulouse. Le PCC a été alerté trois minutes plus tôt par le détecteur incendie, constatant la présence de flammes entre les marches. Depuis le PCC, un contrôle vidéo permet de confirmer l’alerte.
La station est fermée et, selon l’exploitant, il n’y a plus d’usagers. Les rames circulent encore sans s’arrêter à la station, entraînant des mouvements fluctuants de fumée.
Le désenfumage transversal est établi selon la procédure : insufflation quai 1 et salle des billets et extraction quai 2 (le feu se situe du côté du quai 2).
Mais à 16 h 38, trois personnes errant dans la salle des billets enfumée sont repérées par les caméras de surveillance du PCC. Deux minutes plus tard, l’exploitant déclenche l’évacuation générale de la station Jeanne-d’Arc. La circulation des trains est stoppée.
Une manifestation perturbe l’arrivée des secours
En surface, un long cortège de manifestants défile sur les boulevards et la circulation est très perturbée, entravant l’arrivée des secours. L’agent de Tisséo en charge de cinq stations est occupé sur une autre station par une personne ayant fait un malaise.
Le premier engin se présente sur les lieux. Il est 16 h 44 et les sapeurs-pompiers voulant engager une reconnaissance, au vu de l’importante fumée qui se dégage à l’extérieur, trouvent les accès clôturés. Les grilles ont été fermées à distance par le PCC. Il est décidé de les sectionner à la disqueuse, mais la réouverture est réalisée à distance depuis le PCC à 16 h 50. Des reconnaissances sont lancées à l’intérieur, à la caméra thermique, pour s’assurer qu’il ne reste pas d’occupants.
Conjointement, une lance à eau est établie au niveau de la salle des billets. Après avoir procédé à la coupure de l’alimentation électrique de l’escalier mécanique, un binôme ayant atteint le quai procède à l’extinction du feu au moyen d’un RIA (robinet d’incendie armé) de la station à 17h10. Le feu est éteint en quelques minutes.
Au niveau -1, dans la salle des billets, le feu visible en haut de l’escalier mécanique est jugulé par une lance. À 17 h 42, il est maîtrisé.
Une lance et un RIA sont en manœuvre sur l’escalator partiellement embrasé entre R-2 et R-1. L’ensemble des locaux techniques est reconnu.
À 18 h 14, le feu est éteint. L’ensemble de la station puis 150 m de tunnel de part et d’autre de la station sont inspectés par le groupe exploration longue durée.
L’agent de sécurité qui s’était initialement engagé, intoxiqué, est en attente de transport à l’hôpital.
Peu avant 19 h, l’opération est terminée pour les sapeurs-pompiers. Mais la station reste fermée durant 6 jours.
Les dommages
L’escalier mécanique est particulièrement détruit dans sa partie basse, les dégâts décroissant à mesure que l’on atteint la salle des billets. La structure d’acier est déformée, les balustrades de verre supportant les mains-courantes sont brisées, les enrobages isolants du système électrique ont disparu, à l’exception de la partie haute.
Les dépôts de fumée dans la station entraînent un nettoyage des lieux.
La station Jeanne-d’Arc ne rouvrira définitivement que le 11 novembre 2021.
L’origine de l’incendie ne semble pas électrique. On s’oriente plutôt vers un échauffement mécanique.
L’intervention des secours
L’intervention dans une infrastructure souterraine étendue et complexe, comme un réseau de transport où circulent des rames, est compliquée. Elle entraîne :
- l’application de procédures au niveau de l’exploitant,
- une doctrine d’engagement pour les secours ;
- une transmission d’information entre les deux ;
- la possibilité pour les sapeurs-pompiers de « prendre la main » sur certains automatismes comme le désenfumage, en fonction de l’emplacement du feu et de l’effet produit ;
- des exercices communs assurant la meilleure efficacité le jour où… Car un incendie en milieu clos souterrain en présence d’un nombreux public peut vite s’avérer catastrophique.
L’intervention se produit alors qu’une manifestation est en cours sur le boulevard, paralysant la circulation et par conséquent ralentissant les engins de secours. Pourtant, les manifestations n’avaient pas été autorisées ce jour-là par la préfecture dans l’hypercentre de la ville rose, en raison des débordements des mouvements anti-passe sanitaire des week-ends précédents.
Par sécurité toutefois, en raison des appels à manifester, Tisséo a placé un agent de sûreté (non Ssiap) à la station. Celui-ci sera le premier maillon de la chaîne, assurant la levée de doute à la demande du PCC, informant et s’assurant du mieux possible qu’il ne reste pas d’usager dans la station. Il sera intoxiqué.
1 min 30 après que l’exploitant a annoncé que la station était évacuée (plus personne n’est visible sur la vidéosurveillance), trois personnes sont soudain vues, remontant dans la salle des billets enfumée. Heureusement les grilles ne sont pas encore fermées…
La gestion des fumées
La gestion des fumée reste un des aspects majeurs d’un incendie en réseau de transport souterrain.
Ici, les quais sont séparés des tunnels par des baies vitrées coulissantes allant jusqu’au plafond. Mais ces baies n’étant pas étanches, on constate que les quelques rames passant encore après l’alerte sans s’arrêter entraînent des mouvements d’air liés au pistonnement. Ce reflux d’air peut entraîner un enfumage loin du sinistre.
Le poste de commande et de contrôle (PCC) de Tisséo.
Crédit : Sdis31
On l’a constaté sur le réseau parisien où des rames de RER entraînaient la fumée de la station Nanterre-Préfecture alors en chantier jusqu’à la station Étoile, à près de 6 km ! On l’a constaté aussi lors du feu de la station Simplon, d’où la fumée parvenait à 1,6 km de là à Gare du Nord. Le phénomène est également observé pour les lignes en correspondance passant au-dessus de la ligne où sévit l’incendie.
Armoire incendie de station à partir de laquelle les pompiers peuvent intervenir sur certains équipements comme la ventilation. Crédit : René Dosne/Face au Risque
À Toulouse, dans chaque station, une armoire est affectée aux sapeurs-pompiers. Elle leur permet, en fonction des effets observés sur les fumées par la ventilation mécanique, d’agir, après concertation avec le PCC, sur le soufflage, l’extraction ou l’arrêt du système, la centrale de détection incendie ou encore d’effectuer une coupure d’urgence du réseau électrique. Plans et résumés des procédures sont disponibles dans cette armoire.
Neuf minutes après l’alarme, la station est totalement enfumée. La mise en route du désenfumage s’effectue 3 minutes après le déclenchement du détecteur de fumée. Le désenfumage a donc été mis en place par le PCC à 16 h 34 puis il a été repris manuellement par les pompiers au niveau du coffret pompier sur place à 17 h 40.
En raison du manque d’efficacité du désenfumage de la station, la salle des billets, dernier niveau avant l’extérieur et où débouche l’escalier mécanique, est placée en mode « extraction », purgeant la station.
Des agents de Tisséo patrouillent en permanence en véhicules le long du réseau, se portant sur les lieux d’incidents dans les meilleurs délais.
L’alarme d’évacuation d’une station est temporisée à douze minutes après la détection automatique : dix minutes pour l’arrivée de l’agent Tisséo sur les lieux et deux pour la levée de doute.
Des axes de progression
Aucun des usagers n’a utilisé de déclencheur manuel, ou est entré en contact par les moyens de communication de la station avec le PCC. Ont-ils connaissance de ces systèmes ? Ceux-ci sont-ils bien indiqués ?
Cette intervention, rare, a permis d’identifier de nombreux points à améliorer, tant au niveau de l’exploitant que des sapeurs-pompiers. Un certain nombre de nouvelles procédures ont été appliquées lors du court-circuit dans un tunnel du métro, 9 mois plus tard.
Article extrait du n° 586 de Face au Risque : « La réglementation incendie en reconstruction » (octobre 2022).
René Dosne
Lieutenant-colonel (rc), créateur du croquis opérationnel à la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris
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