Entretien avec Pierre Brajeux, président réélu de la FFSP

31 mars 202511 min

La Fédération française de la sécurité privée (FFSP) réunit en son sein plusieurs fédérations professionnelles de la filière. Pierre Brajeux, chef d’entreprise du secteur, vient d’être réélu à sa tête. Pour Face au Risque, il livre des éléments sur les grands chantiers qui attendent la fédération pour les années à venir.

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Pierre Brajeux, Président et fondateur de l’entreprise de sécurité privée Torann-France, a été réélu à l’unanimité le 13 mars pour les trois prochaines années à la tête de la Fédération française de la sécurité privée (FFSP), qui réunit en son sein de nombreuses autres fédérations professionnelles de la filière. En ce début de nouveau mandat, il a accepté de répondre aux questions de Face au Risque.

Face au Risque : Quels sont les grands chantiers de la FFSP pour le mandat qui débute ?

Pierre Brajeux. J’ai proposé un projet aux membres de la fédération. Ce programme est intitulé “influence globale pour une sécurité privée unifiée” et comprend trois maîtres mots : unification, structuration et influence.

Pour ce qui est de l’unification, aujourd’hui, la FFSP regroupe la quasi-totalité de la filière de la sécurité privée, mais nous devons continuer à élargir afin que tous les acteurs qui concourent à la sécurité privée soient membres de la fédération. Il reste aujourd’hui encore quelques organisations qui seraient les bienvenues, et que nous souhaitons faire adhérer.

Sur la structuration, notre objectif est que la fédération soit bien structurée et organisée, afin d’être un outil efficace au service de la filière. Il y a sans doute encore quelques axes d’amélioration en termes de fonctionnement.

Enfin, notre troisième objectif est celui de l’influence. Nous l’assumons totalement : la fédération doit être un outil d’influence au service de la filière.

Une fois cela détaillé, dans les chantiers prioritaires, il y a la production à la rentrée, probablement en septembre, d’un livre blanc, qui sera l’incarnation de notre ADN. Nous allons travailler collectivement pour donner notre vision et notre ambition pour la filière, avec des perspectives à cinq ou dix ans.

Des organisations quittent votre fédération, d’autres la rejoignent, qu’est-ce qui explique ces départs et ces arrivées ?

P. B. Il y a eu plus d’arrivées que de départs. Nous avons eu pour la première fois l’adhésion du Groupement des entreprises de sécurité (GES), et nous avons eu le retour d’un certain nombre d’organisations qui avaient quitté la fédération : le SESA (sûreté aéroportuaire), l’UFACS (formation en sécurité), la FEDESFI (transports de valeurs), l’OREXSE (sécurité évènementielle), le CDSE (directeurs de sécurité des entreprises), et enfin l’APSR (sécurité résidentielle).

Nous avons eu trois départs, notamment au moment de la refonte collective des statuts, l’ADMS, rebaptisée UMS, a décidé de partir. C’est leur droit le plus strict, même si nous l’avons regretté car nous préférons qu’ils soient avec nous pour co-construire. Dernièrement, le SCS, syndicat des conseils en sûreté, a décidé de se tourner plutôt vers des organisations représentant l’audit et le conseil. Nous sommes toujours en lien étroit avec eux, et nous pensons qu’ils reviendront dans un avenir proche. Ils ont toute leur place chez nous compte tenu de leurs activités.

Quelles sont les principales difficultés du secteur aujourd’hui ? Et quelles sont les solutions que vous envisagez de mettre en place pour y remédier ?

P. B. La filière de la sécurité privée est un secteur économique comme un autre. Certaines de nos activités sont des métiers réglementés, mais nous sommes à cheval sur six conventions collectives, ce qui nous donne une vision assez globale. Les problématiques sont donc différentes d’un secteur à un autre.

Néanmoins, nous avons une problématique générale et structurelle : le contexte politique, social, économique et international est extrêmement compliqué et impacte l’économie dans son ensemble, y compris la sécurité privée. Cependant, ce contexte fait que, paradoxalement, les questions de sécurité et de défense reviennent parfois au premier plan.

Nous sommes donc dans un contexte instable et évolutif, et notre filière est en profonde mutation, sur quatre grands sujets. D’abord, il y a une attente renforcée du côté des pouvoirs publics. Les Jeux de Paris 2024 ont été, en cela, un accélérateur et ont renforcé nos liens avec les autorités. Le second point, mis en lumière également lors des JO, ce sont les difficultés de recrutement et d’attractivité des métiers. Troisièmement, se pose la question du business model. La surveillance humaine, par exemple, est en très mauvaise santé économique. D’autres secteurs sont également touchés, comme la sûreté aéroportuaire, ou le transport de fonds. Enfin, il y a le sujet de l’intégration des nouvelles technologies. Je prends l’exemple de l’intelligence artificielle. Nous ne pouvons pas imaginer que l’arrivée massive de l’IA ne nous impactera pas. À tout cela s’ajoute le fait que nous sommes encore un secteur fragmenté. Nous devons essayer de nous coordonner pour avoir un message clair et cohérent.

Pour remédier à tous ces problèmes, nous n’avons pas de baguette magique. Mais nous devons mener un travail d’influence pour enrichir et développer nos contacts avec nos interlocuteurs traditionnels du ministère de l’intérieur : le CNAPS, la DEPSA, la DLPAJ, etc. Nous voulons également nous ouvrir à d’autres interlocuteurs et renforcer nos liens, notamment avec le ministère de l’économie et des finances. Nous pouvons aussi parler de l’ANSSI, de la CNIL, ou encore du SGDSN. Nous devons renforcer nos liens avec la représentation nationale, à savoir l’Assemblée nationale et le Sénat et être plus proactifs pour faire passer des messages sur la réalité de notre filière et sur nos problématiques. Enfin, nous devons renforcer nos liens avec les médias, et pas seulement les médias professionnels, mais également les médias généralistes qui n’ont pas forcément la bonne vision de notre secteur d’activité. C’est donc un travail d’influence globale que nous devons mener.

« Nous devons mener un travail d’influence pour enrichir et développer nos contacts avec nos interlocuteurs traditionnels du ministère de l’intérieur : le CNAPS, la DEPSA, la DLPAJ, etc. »

Pierre Brajeux, Président de la FFSP.

Pierre Brajeux, Président de la FFSP

Quel bilan tirez-vous des années écoulées pour le secteur de la sécurité privée, et notamment de la période des JO ?

P. B. Comme tout événement majeur, les JO ont été un révélateur et un accélérateur. Cela a été un révélateur de la place et de l’importance de la sécurité privée. Tout le monde a compris que les JO ne se feraient pas sans nos métiers, et nous avons répondu présent.

Les médias ont aussi été bien occupés par les enjeux d’image, d’attractivité. Quelques semaines avant les JO, on se demandait encore si nous aurions les effectifs. L’événement a donc permis de révéler la diversité de la filière, son importance, mais aussi les défis auxquels elle est confrontée.

Les JO ont donc été un révélateur, mais aussi un accélérateur, car ils ont permis de renforcer les liens entre la sphère privée et publique. Je n’avais jamais vu autant de réunions, de contacts et d’échanges, avec l’État sous toutes ses formes : le ministère de l’Intérieur, la région Île-de-France, France Travail, Paris 2024, etc. Tout cela a été un véritable accélérateur.

Le bilan est donc globalement positif. Cela a permis de changer l’image de la sécurité privée pour de nombreuses raisons, mais il ne faut pas en rester là. On a souvent focalisé l’attention sur cet événement, et notamment sur la surveillance humaine. Mais il n’y avait pas que ça, il y avait également des essais de nouvelles technologies. Le mix humain-technologie a été mis en avant. Néanmoins, certains problèmes structurels sont toujours devant nous, il faut donc enclencher la marche avant.

Beaucoup de gens ont été recrutés dans la sécurité privée en prévision des JO. Le secteur a-t-il réussi à fidéliser ces nouvelles recrues ?

P. B. Bien évidemment, nous n’avons pas pu garder tout le monde. C’était évident dès le départ. Néanmoins, bon nombre d’entre eux sont restés. Plus de 7000 personnes ont passé le CQP PSGE, qui est le certificat de qualification professionnelle de participation à la sécurité des grands événements, valable cinq ans. Le temps de formation a été ramené de cinq à trois semaines, ce qui a permis d’attirer des populations qu’on avait perdues. Environ la moitié des nouveaux certifiés sont des étudiants, à savoir une population qui ne venait plus dans notre secteur. Nombre d’entre eux continuent de travailler dans le secteur : l’été lors de festivals, le soir lors de concerts, le week-end lors de rencontres sportives, etc.

Nous constatons également une féminisation du métier, avec environ 33% de femmes parmi les nouveaux certifiés, contre environ 12 à 13% de femmes dans le secteur habituellement. Nous faisons donc tout pour garder ces nouvelles populations et les fidéliser.

Comment vous adaptez-vous à l’instabilité ministérielle liée au contexte politique ?

P. B. Dieu merci, pour ce qui est des organismes avec lesquels nous avons l’habitude de travailler, les gens ne changent pas. David Clavière est toujours à la tête du CNAPS, Julie Mercier est toujours à la tête de la DEPSA. La difficulté est que ces structures, avec lesquelles nous travaillons, sont chapeautées par le cabinet du ministère de l’Intérieur. Et, effectivement à ce niveau-là, il y a des changements. Le ministre en charge de la sécurité privée a d’abord été M. Daragon de septembre à décembre 2024. C’est désormais M. Buffet. Inévitablement, il faut rétablir le contact avec ces ministres qui s’occupent plus spécifiquement de nos activités au sein du ministère de l’Intérieur. Ça ne facilite pas toujours les choses, car il faut le temps de se rencontrer, d’apprendre à se connaître, et parfois des cabinets redécouvrent des sujets. Une certaine instabilité gouvernementale n’accélère donc pas le travail.

Il y avait un autre candidat, Patrick Lanzafame du GPMSE, qui a retiré sa candidature en affirmant, à propos de vous : “ce qui nous réunit s’est révélé infiniment plus important que ce qui pourrait nous séparer”. Cela signifie néanmoins que certaines choses vous séparaient. De quoi s’agit-il ?

P. B. En réalité, il n’y avait pas grand-chose qui nous séparait fondamentalement. La FFSP est un outil au service d’une filière, d’un collectif. Patrick Lanzafame a présenté sa candidature, ce qui était parfaitement légitime. Je m’en suis même réjoui, car c’est un signe de vitalité de la démocratie au sein de la fédération.

Patrick Lanzafame avait un sujet qui lui tenait à cœur : l’idée d’une présidence tournante. On a eu l’occasion de se croiser début mars avec d’autres représentants de fédérations. Nous avons échangé et je lui ai dit que ce n’était pas un sujet tabou pour moi. S’est posée la question de bien définir de quoi il s’agit, et nous avons évoqué le fait de soumettre l’idée au conseil d’administration de la fédération.

Ensuite, ma candidature s’appuyait sur un projet, une feuille de route. J’ai exposé à Patrick Lanzafame ce projet, en lui présentant les grands axes. Quand il a découvert cela, il l’a, je pense, jugé pertinent et constructif. Il a considéré que l’unité était assurée et que mon projet allait dans la bonne direction. C’est donc pour cela qu’il a retiré sa candidature. Cela n’empêchera pas pour autant d’aborder la question de la présidence tournante qu’il appelle de ses vœux.

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Camille Hostin – Journaliste

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