Réglementation incendie : des mesures enfin tranchées pour la construction bois

6 mars 20259 min

Le gouvernement a profité du Forum International Bois Construction pour dévoiler, le vendredi 28 février, une série de mesures visant à renforcer la réglementation incendie dans les bâtiments, en particulier les établissements recevant du public (ERP) et les immeubles d’habitation. L’objectif étant de concilier l’impératif de sécurité des personnes avec le nécessaire développement de l’usage du bois pour la décarbonation de la construction.

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Cet article a été initialement publié sur Construction21.fr.


La réglementation incendie entame sa mutation. Jean-Michel Servant, délégué interministériel à la forêt, au bois et à ses usages, accompagné des représentants de la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), de la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) et du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), a présenté vendredi 28 février l’état d’avancement des travaux interministériels visant à renforcer la sécurité face aux risques de propagation du feu. Le fruit de plusieurs années de travail et de concertation.

Un processus de longue haleine

« Le point de départ de cette évolution réglementaire remonte à plus de dix ans, avec les travaux d’Adivbois puis la publication des fiches France Bois 2024. Cependant, des blocages successifs avaient retardé la mise en œuvre de nouvelles dispositions », indique Jean-Michel Servant.

L’alerte a récemment été renforcée par plusieurs incidents, notamment un incendie survenu en août 2024 à Grésy-sur-Aix dans un bâtiment collectif en ossature bois de moins de dix ans, dont la destruction en moins de trente minutes assortie d’un rayonnement thermique intense avait mis en lumière des vulnérabilités critiques (vitesse de propagation et par l’intensité du rayonnement thermique constaté).

À la demande des ministères concernés, le CSTB avait alors réalisé une étude approfondie sur la propagation du feu, mettant en exergue plusieurs points de fragilité de la réglementation actuelle. En particulier, la propagation rapide du feu démarré à l’extérieur, via les balcons, et le rôle du polyuréthane servant d’isolant en façade.

Fin avril 2024, la coordination du processus de convergence interministériel avait été confiée au délégué interministériel à la forêt, au bois et à ses usages.

Exemple de cinématique - ©CSTB

Exemple de cinématique – ©CSTB

Un changement capital dans les tuyaux

Quelques points clés ont été présentés lors d’une table ronde avec les représentants du groupe de travail interministériel, parmi lesquels :

  • L’ouverture aux Solutions d’effet équivalent (SEE) prévues par la loi ESSOC – le décret sur les exigences fonctionnelles est attendu dès juin prochain -, ou encore la clarification des objectifs performanciels permettant l’élargissement des alternatives aux mesures prescriptives par APL (appréciation de laboratoire) ou études ISI (ingénierie sécurité incendie).
  • La prise en compte du feu extérieur (en tenant compte du risque accru lié au changement climatique et des incendies comme ceux de Los Angeles), conduisant à un durcissement inévitable mais raisonnable sur les façades combustibles.
  • La sanctuarisation des circulations verticales protégées par :
    • L’introduction d’une exigence de résistance (majorée) des parois d’encloisonnement pour les bâtiments de hauteur PBDN (plancher bas du dernier niveau) 1 > 8m.
    • Avec des parois incombustibles ou en bois (parois pleines) protégé2 jusque 18 m h PBDN, sous condition d’un contrôle périodique des protections.
  • L’autorisation du bois apparent à hauteur de 25% de la surface totale des parois verticales résistantes au feu (y compris non protégées) par volume considéré.
    Pour les ERP > 8m et les locaux à sommeil, et en 3e et 4e familles pour l’habitation :

    • En dessous : pas de nouvelle exigence.
    • Non exigible en présence de mesure d’atténuation (SEAE – système d’extinction automatique à eau).
    • Equivalence relative possible par APL ou ISI.
    • Ouverture aux SEE : le calcul doit alors justifier le % proposé.
  • La clarification des règles de rénovation thermique par l’extérieur est également une nouveauté, tout comme l’introduction d’un avis des Services d’incendie et de secours sur les projets de surélévation (au-delà d’un étage, et en cas de changement de famille) avec l’objectif explicite de proposer des mesures compensatoires à l’encloisonnement des cages d’escalier, pas toujours réalisable.
  • Des règles spécifiques pour les bâtiments en hauteur
    Des règles plus strictes s’appliqueront également aux surélévations et aux bâtiments à ossature bois :

    • Au-delà de 18 mètres, le système d’extinction automatique à eau (SEAE) ainsi qu’une double protection contre le feu seront obligatoires.
    • Entre 8 et 18 mètres, une double protection interne devra être mise en place, sauf en cas de présence d’un système d’extinction automatique.
    • En cas de changement de classification du bâtiment après une surélévation, les nouvelles règles s’appliqueront automatiquement aux circulations verticales et donneront lieu à un avis des services d’incendie et de secours pour permettre la mise en place de mesures compensatoires en cas d’impossibilité à les encloisonner. Un référentiel et un guide seront également établis pour garantir la sécurité des occupants et accompagner la transition à la densification.

Des mesures spécifiques concernent également la rénovation thermique par l’extérieur et la limitation de la propagation aux bâtiments mitoyens.

Treize propositions retenues pour renforcer la sécurité

Après avoir présenté le rapport du CSTB à la filière bois construction en novembre dernier, le gouvernement a finalisé treize mesures permettant de renforcer la réglementation incendie. Ses objectifs :

  • Ralentir la propagation à la toiture via la façade, en traitant les sous-faces de toiture ou en recoupant les combles ;
  • Limiter la propagation latérale horizontale en plan par la façade (combustible) :
    • Par recoupement des lames d’air ;
    • Par introduction de zones tampon incombustible.
  • Limiter la propagation latérale par la façade aux angles, en traitant les dièdres ;
  • Limiter la propagation par les vides de construction, en traitant les interfaces ;
  • Limiter la contribution à la propagation des éléments rapportés en façade :
    • Balcons : protection des sous-faces ;
    • Balcons filants : recoupement au droit des coupe-feux intérieurs ;
    • Coursives : protection des sous-faces.
  • Maintenir des circulations praticables pendant une durée suffisante (évacuation des occupants, accès des secours) : sanctuarisation assurée par l’introduction d’une exigence de résistance et de non-contribution des parois, avec des parois incombustibles ou en bois (parois pleines) protégé sous certaines conditions (cf. plus haut) :
  • Disposer de moyens d’intervention adaptés (intervention des secours) en catégorisant les bâtiments à structure primaire combustible autorisée (BSPCA) selon DECI (Défense extérieure contre l’incendie) au-delà d’une certaine taille ;
  • Limiter la propagation aux tiers en vis à vis, y compris par le flux rayonnant via la façade, en positionnant un écran thermique inerte derrière une façade combustible (ou étude de flux rayonnant).
Photo 1. Jean-Michel Servant détaillant les nouvelles mesures renforçant la réglementation incendie - ©Construction21
Photo 2. Jean-Michel Servant détaillant les nouvelles mesures renforçant la réglementation incendie - ©Construction21

Cinq autres mesures prescriptives supplémentaires ont été proposées, dans l’objectif de clarifier et sécuriser la conformité des opérations de rénovation thermique par l’extérieur, mais aussi de limiter la propagation aux tiers par le pignon mitoyen (en protégeant la paroi intérieure du mur mitoyen en cas de paroi pleine combustible.

Ce, en encapsulant par une protection renforcée la paroi en cas de paroi à vide de construction ; en introduisant une zone tampon en bord de façade combustible, aboutissant sur un mur mitoyen combustible à vide de construction).

Il s’agit également de sécuriser les surélévations par l’introduction d’un avis des Services d’incendie de secours sur les projets de surélévation (au-delà d’un étage, et en cas de changement de famille) avec l’objectif explicite de proposer des mesures compensatoires à l’encloisonnement des cages d’escalier, pas toujours réalisable.

Cet avis sera encadré par une Instruction technique à rédiger (complétée par un guide à l’attention des maitres d’ouvrage).

Un cadre adapté à la rénovation et à la construction bois

« Toutes ces mesures visant à concilier l’impératif de sécurité des personnes avec le nécessaire développement de l’usage du bois pour la décarbonation de la construction font aujourd’hui consensus au sein des ministères impliqués. Elles vont constituer le socle des évolutions de la nouvelle réglementation qui va entrer dans une phase de concertation rapide avant prise en compte dans les projets d’arrêtés », précise Jean-Michel Servant.

L’objectif est de publier en coordination les textes – ERP, habitations et bâtiments à usage professionnel (BUP) – adaptés pour favoriser la construction bois et offrir un cadre réglementaire cohérent sur l’ensemble du territoire national.

Cette évolution réglementaire représente une avancée majeure après des années de blocage.

Calendrier de mise en œuvre

Ces nouvelles dispositions feront l’objet d’une concertation dès le mois de mars 2025, pour permettre la publication progressive (voir encadré ci-dessous) puis la mise en application des trois arrêtés, prévue en juin 2026.

La rédaction de l’arrêté ERP (dispositions générales) étant déjà avancée, sa publication après mise à jour en juin prochain est déjà prévue. Le texte concernant le résidentiel devrait quant à lui être publié en décembre 2025.

Concernant les bâtiments existants, une évaluation du parc est envisagée, sans pour autant stigmatiser les constructions en bois, celles-ci n’étant ni les seules concernées, ni forcément les plus à risques.

Calendrier Mise en œuvre
Juin 2025 Publication de l’arrêté ERP (dispositions générales) et du décret SEE (exigences fonctionnelles)
Fin 2025 Publication de l’arrêté Habitation et des arrêtés SEE (procédure de mise en place, accélération des Organismes Tiers indépendants – OTI)
Juin 2026 Entrée en vigueur des trois arrêtés ERP, HAB et BUP* (*à confirmer) / Publication des arrêtés ERP dispositions particulières

Une vision pragmatique

In fine, l​​​​​’objectif du gouvernement reste d’aboutir à une réglementation plus claire et efficace, sans freiner le développement du bois dans la construction. Les décisions annoncées vendredi devraient marquer une étape décisive dans l’évolution de la réglementation incendie en France.

« Le traité de paix est sur la table, estime Jean-Michel Servant. Un boulevard pour la construction bois s’ouvre en garantissant une sécurité incendie pour les occupants. » Reste à savoir comment la filière recevra ces nouvelles mesures.

À lire également

Notre dossier Construction bois et sécurité incendie (extrait de notre n° 597 – Novembre 2023)

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Cet article a été initialement publié sur Construction21.fr.

Stéphanie Obadia, directrice de Construction21

Stéphanie Obadia

Directrice de la rédaction Construction21 France

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