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Sécurité privée : la pénurie de personnel se prolonge
En sous-effectif chronique depuis la crise sanitaire de 2020, la filière de la sécurité cherche à capitaliser sur la bonne image dont elle a été créditée à l’occasion des Jeux olympiques.
Jamais la profession de la sécurité n’a connu un tel déficit de personnel. Un phénomène qui a éclaté au grand jour au moment de la pandémie, avec un manque flagrant d’agents de sécurité privée ou de techniciens en sécurité électronique. Si la tendance est à l’amélioration sur certaines niches du marché, la situation générale reste extrêmement tendue.
« Nos entreprises rencontrent davantage de difficultés de recrutement que durant la période après-Covid. Certains groupes sont même contraints de réduire la voilure faute de personnel », nous déclare Patrick Lanzafame, président du GPMSE, organisation patronale qui rassemble les sociétés de sécurité électronique.
Même son de cloche du côté de la surveillance humaine où Thomas Desplanques, directeur général de la société CESG, qui figure parmi les ténors de la profession, affirme que la pénurie est toujours d’actualité et que ce dossier figure parmi ses priorités de 2025.
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Conséquence néfaste indirecte : une vague de débauchages sans précédent entre entreprises de sécurité, qui affecte toutes les catégories de postes et peut même provoquer une certaine désorganisation.
Par ailleurs, les créations d’emplois n’ont pas été à la hauteur des espérances. Alors que l’activité de l’ensemble de la filière de la sécurité a progressé de 7 % en 2022 et de 7 % également l’année suivante, les effectifs n’ont augmenté respectivement que de 3,9 % et de 2,8 %, selon les statistiques de l’Atlas d’En Toute Sécurité.
Sur un total de 272 370 collaborateurs dans l’ensemble de la filière de la sécurité, la surveillance humaine représente la moitié de la population active avec 135 900 personnes, en augmentation nette de 9 200 agents en deux ans.
L’année 2024 est totalement atypique – du moins pour quelques secteurs – en raison des emplois créés par les Jeux olympiques, certes d’une façon temporaire pour la plupart d’entre eux. La progression des effectifs totaux devrait être de près de 4 %, soit une hausse inédite depuis plus de trente ans, selon les estimations d’En Toute Sécurité.
La sécurité électronique a continué à embaucher pour accompagner la croissance soutenue de son activité, tout comme la cybersécurité et bien-sûr la surveillance humaine à cause des JO. En revanche, les créations de postes ont été moins nombreuses dans le secteur des équipements de protection individuelle (EPI), la sécurité incendie ou la sécurité mécanique. Des secteurs matures où les investissements industriels, marketing et commerciaux sont assez stables.
De même, l’embellie post-Covid dans la sûreté aéroportuaire semble terminée.
1 Prévision effectuée en novembre 2024.
Source : Étude d’En Toute Sécurité.
Concrétiser le dynamisme créé par les JO
Certains signaux peuvent laisser penser que la situation de l’emploi devient un peu moins tendue. Malgré les craintes affichées de tous bords, la profession est ainsi parvenue à recruter un nombre suffisant d’agents de sécurité durant les Jeux olympiques. Ce qui n’était pas une mince affaire, car un total de 28 000 agents a été mobilisé durant les JO et 12 000 pendant les Jeux paralympiques, a révélé Bruno Le Ray, directeur sécurité de Paris 2024.
En outre, une grande souplesse et de la réactivité ont été demandées aux sociétés de sécurité. « Tous les jours, nous avons dû prendre des mesures d’adaptation du nombre de personnel sur les sites », a-t-il précisé.
On remarque aussi que la pénurie n’est pas systématique dans tous les domaines. « Dans la sécurité mécanique, le turnover est faible et le recrutement est plus facile, car l’activité bénéficie d’une bonne image de marque », souligne Jean-Marc Cither, directeur général d’Assa Abloy France, n°1 de la serrurerie. La tendance est assez similaire dans la sécurité incendie, une autre profession bien structurée.
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Les épreuves olympiques ont incontestablement créé un dynamisme sur lequel tous les acteurs publics et privés concernés veulent capitaliser. « Les Jeux de Paris ont attiré de nouvelles catégories de population puisque 73 % des recrutés avaient entre 18 et 25 ans », a ainsi annoncé David Clavière, directeur du Cnaps, l’autorité de régulation de la profession.
Sept personnes sur dix ayant travaillé pour les JO étaient des demandeurs d’emplois, souligne de son côté France Travail Île-de-France.
« Ces efforts vont devoir se poursuivre pour conforter la professionnalisation de la filière, pérenniser les emplois créés et poursuivre la formation des détenteurs des cartes professionnelles événementielles », analyse Cédric Lewandowski, président du Club des directeurs de sécurité des entreprises (CDSE). C’est en effet tout l’enjeu des prochains mois.
Or, ces postes étaient par définition ponctuels et une partie significative des personnes embauchées s’est retrouvée sans emploi. Les pouvoirs publics ont créé un portail, baptisé « Mon emploi après les JO » pour valoriser les postes à pourvoir. Des sociétés de sécurité sont d’ailleurs partenaires de cette initiative.
« Tous les acteurs s’accordent sur le fait que l’intégration de nouvelles technologies va permettre de mieux valoriser la profession et donc contribuer à résorber une pénurie d’effectifs devenue structurelle. »
« Nous avons découvert des agents de très bon niveau à l’occasion des JO, mais il faut désormais leur proposer un plan de carrière pour les attirer définitivement dans la profession et rendre celle-ci plus noble », affirme Thomas Desplanques, le dirigeant de CESG.
Tous les acteurs s’accordent sur le fait que l’intégration de nouvelles technologies va permettre de mieux valoriser la profession et donc contribuer à résorber une pénurie d’effectifs devenue structurelle. Mais cela implique de recruter des profils de spécialistes, notamment des ingénieurs qui sont particulièrement courtisés par d’autres secteurs économiques plus attractifs.
En outre, les augmentations de salaires conséquentes – passées et programmées – pour les agents de sécurité donnent un peu d’attractivité à une profession réputée pour ses faibles rémunérations et des conditions de travail souvent jugées pénibles.
Modification des fondamentaux de l’emploi
Néanmoins, le Covid et l’évolution des habitudes professionnelles ont profondément changé la situation de l’emploi pour l’ensemble du monde du travail. Et la sécurité privée n’a pas échappé à cette tendance lourde. De plus, comme déjà souligné, elle est handicapée par des niveaux de salaires peu élevés et une image peu novatrice.
« La génération montante n’a pas du tout les mêmes fondamentaux que ses aînés », souligne Patrick Lanzafame. Ainsi, les jeunes sont moins attachés à leur entreprise, donnent la priorité à leur épanouissement personnel ou à leur bien-être et n’hésitent pas à changer carrément de métier si une opportunité se présente.
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« Cette évolution du marché de l’emploi impose aux entreprises de s’adapter, notamment avec une stratégie de recrutement différente », poursuit le président du GPMSE en soulignant que les réseaux sociaux jouent désormais un « rôle fondamental ». De nouvelles plateformes, qui proposent des modèles différents, drainent des profils atypiques.
Les activités high-tech comme la cybersécurité sont capables de s’adapter à ces évolutions, mais cela est nettement plus compliqué pour une filière de la sécurité plus traditionnelle. Un travail de fond pour mieux valoriser la profession semble indispensable.
« La sécurité privée est handicapée par des niveaux de salaires peu élevés et une image peu novatrice. »
Malheureusement, les décisions gouvernementales ne vont pas toujours dans le bon sens. Ainsi, le projet de réforme portant sur la suppression ou la diminution des allègements de cotisations pour les bas salaires « aurait des conséquences désastreuses pour les entreprises de sécurité privée, dont les marges sont déjà étroites. En réduisant drastiquement et brutalement les allègements, l’État met en péril des milliers d’emplois », estime le GES, le syndicat patronal de la surveillance humaine.
Les conséquences néfastes d’une telle décision se feront sentir dès 2025. La situation sera d’autant plus préoccupante que la croissance économique de la France devrait être morose, avec un cortège imposant de faillites d’entreprises et d’importantes coupes budgétaires. La sécurité privée devrait être impactée dans une moindre mesure, mais le cycle de dépenses intensives constaté en 2021-2024 devrait s’estomper. Avec d’inévitables conséquences sur l’emploi…
Article extrait du n° 605 de Face au Risque : « Culture de sécurité » (janvier-février 2025).
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