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Démarche de culture santé et sécurité : l’exemple de Veolia
Avec près de 220 000 collaborateurs présents dans une soixantaine de pays à travers le monde, Veolia, groupe spécialisé dans la gestion de l’eau, de l’énergie et du recyclage de déchets, a mis en place outils et marqueurs communs pour déployer une culture de sécurité sur tous ses sites.
« La culture sécurité ne se décrète pas, elle se construit dans le temps avec l’ensemble des acteurs, se challenge, s’éprouve au quotidien dans les discours et les actes, notamment des managers et des top managers, explique en préambule Bruno Rodallec, directeur Audits, Méthodes et Innovation santé sécurité du groupe Veolia. Le point clé à garder en tête, c’est qu’on ne peut pas changer les comportements en sécurité sans faire évoluer le regard porté par tous, y compris l’encadrement. C’est la ligne hiérarchique qui donne le La. »
Le modèle Veolia
Il s’inspire de la courbe de Bradley, qui dépeint quatre stades de la culture de sécurité d’une entreprise.
Le référentiel de management de la santé et de la sécurité de Veolia repose sur 5 piliers :
- l’implication de l’ensemble de la ligne managériale ;
- la maîtrise des risques ;
- la communication et le dialogue ;
- la formation de tous les collaborateurs ;
- le suivi et le contrôle de la performance prévention.
Chaque pilier comporte des exigences pour atteindre le niveau « interdépendant » de la courbe. « Nous partons de la gauche et nous essayons d’amener nos différents sites et pays vers l’indépendance puis l’interdépendance. C’est le plus haut niveau de maturité en termes de culture de sécurité, souligne Laure Girodet, directrice Santé sécurité du groupe Veolia. On est alors dans le collectif, on prend soin des autres au-delà de soi-même. On voit ce niveau de maturité sur certains sites où les risques sont très présents, dans les secteurs de la chimie ou la pétrochimie par exemple. Mais ces sites restent encore très minoritaires. »
La culture de sécurité chez Veolia, c’est aussi une sécurité adaptée, à savoir un équilibre entre la sécurité réglée (les règles, les procédures, les barrières techniques) qui permet de prévoir le mieux possible pour se préparer au prévisible et la sécurité gérée (compétences, capacité d’apprentissage, adaptation) qui permet de faire face à l’imprévu.
La culture juste
Veolia a choisi de se focaliser sur une approche comportementale exigeante, mais juste. Elle repose sur trois piliers.
1 Une approche positive où les bonnes pratiques individuelles et collectives sont identifiées et valorisées. « Nous avons une base de données qui contient des milliers de bonnes pratiques, explique Laure Girodet. Un nouvel outil déployé fin octobre utilise l’intelligence artificielle et traduit automatiquement la bonne pratique dans la langue du pays (c’était avant au pays de le faire). Un ChatGPT interne permet également de rechercher dans cette base de données, cela facilite le partage des bonnes pratiques pour l’adapter à sa problématique. » Une newsletter trimestrielle reprend par ailleurs certaines bonnes pratiques du groupe.
2 Une réponse adaptée et équitable au non-respect des règles. Les sanctions sont proportionnelles au degré de responsabilité et s’appliquent à tous. « Nous avons des logigrammes qui expliquent la notion de droit à l’erreur et la gradation des sanctions, illustre Bruno Rodallec. Une erreur n’est pas sanctionnable, elle permet de réajuster une procédure, une formation ou des moyens par exemple. À l’inverse, si on enfreint une règle qui sauve, c’est la ligne rouge, la sanction doit être forte. Tout cela demande une analyse au cas par cas, pour être juste. »
3 Un climat de confiance pour encourager une remontée spontanée des événements. Le groupe a mis en place il y a un peu plus de deux ans le principe des « HiPo », les incidents à haut potentiel de gravité. « Dans chaque pays, les équipes Santé sécurité demandent aux sites d’identifier et d’analyser les incidents de gravité mineure ou significative qui, de façon réaliste, sous des circonstances légèrement différentes, auraient pu atteindre un niveau de gravité sérieux ou très sérieux, détaille Bruno Rodallec. Il y a plus de 1 000 remontées par an. Nous partageons les informations les plus pertinentes dans des flashs santé et sécurité. »
Les marqueurs et outils de la culture de sécurité
Avec une organisation décentralisée, de forts niveaux d’hétérogénéité de culture et de maturité en termes de sécurité, tout l’enjeu est de trouver des marqueurs communs de culture, qui peuvent être partagés dans tous les pays.
Les 10 standards de management
Outre un fort engagement de la direction générale, le groupe a développé 10 standards de management des activités à risque élevé qui correspondent aux risques majeurs et aux activités du groupe, à savoir :
- les travaux en espace confiné ;
- la mise en sécurité des installations ;
- l’électricité ;
- les travaux en fouilles et tranchées ;
- la manipulation de marchandises ou d’agents chimiques dangereux ;
- la haute pression et le décapage à l’eau ;
- les travaux par point chaud ;
- les opérations de levage ;
- la circulation au travail ;
- les travaux en hauteur.
« Chaque standard a environ 50 exigences. Ils sont construits avec des chapitres humains, techniques et organisationnels, reprennent les bonnes pratiques internationales et sont applicables dans le monde entier, remarque Laure Girodet. Chaque pays doit nous remonter son avancement sur la conformité à ces standards. Par exemple, l’Inde était à 37 % de conformité il y a deux ans sur la gestion des tranchées. Aujourd’hui, ils ont atteint les 92 %. »
Les 12 règles qui sauvent
Pour que les standards, plutôt techniques, puissent être compris simplement par les opérateurs sur le terrain, ils ont été déclinés en 2022 en « 12 règles qui sauvent ». Il s’agit de règles simples à retenir, conçues avec l’appui des différents pays et déployées sur l’ensemble des sites et auprès des sous-traitants. Chaque standard a une règle qui sauve, sauf la circulation au travail qui a nécessité trois règles qui concernent à la fois la circulation sur site et la circulation hors site (travail sur la route notamment).
« C’est un marqueur important, présent à travers le monde, que tous les pays, quelle que soit la culture, doivent respecter. Nous avons eu des ateliers pour vérifier que telle phrase, tel sujet se comprenaient bien dans tous les pays, remarque Bruno Rodallec. C’est la dernière barrière avant l’événement grave ou mortel. » Pour aider à la compréhension de ces règles, elles vont être prochainement complétées par des règles opérationnelles et mises en images.
Les 12 règles qui sauvent sont un marqueur fort de la culture de sécurité de Veolia, que tous les pays doivent respecter.
La semaine de la santé et sécurité au travail
Chaque année, Veolia organise une semaine entière partout dans le monde avec des animations sur les sites, en présence du top management. Cette année, un challenge « Bonne pratique – Copier et adapter » a consisté à trouver une bonne pratique d’un autre pays et à la dupliquer dans son site, en l’adaptant à son contexte culturel, sa maturité…
Les visites managériales de sécurité
Elles sont réalisées par les membres des comités de direction, à raison de six à huit par an. Il ne s’agit pas d’un audit, c’est un échange sur la sécurité et les problématiques que peuvent rencontrer les collaborateurs sur le terrain. Cette année, tous les Codir des 54 pays ont été formés au leadership santé et sécurité, ainsi que 30 % des managers des pays les plus en retard sur les questions de sécurité. Chaque ligne managériale doit pouvoir faire ce genre de visite.
« Ces visites contribuent à l’évolution de la culture, explique Laure Girodet. Avant, les managers faisaient plutôt des inspections sur le terrain pour regarder des problématiques techniques. Comme on veut progresser sur l’aspect comportemental, les visites sont aujourd’hui centrées sur le dialogue avec le collaborateur pour renforcer les comportements positifs et lui donner envie de continuer, comprendre ses difficultés et les traiter. »
Suivi de la culture de sécurité
L’équipe santé et sécurité du groupe suit différents indicateurs, comme le nombre de visites effectuées par les comités de direction, la qualité de ces visites, le suivi des actions, les remontées des situations dangereuses et des Hipo… « Depuis deux ans, les remontées de situations dangereuses, le feedback terrain, les rituels de management ont bien progressé, le processus Hipo s’est professionnalisé, tout comme la sanction juste, surtout en Asie, confie Laure Girodet. Nous travaillons maintenant à renforcer le positif. »
Alors que, dans les newsletters, seuls les accidents graves étaient mis en avant, aujourd’hui, l’équipe Santé et sécurité valorise les bonnes pratiques. Elle organise aussi des webinaires pour rappeler les règles propres à chaque standard et partager les bonnes pratiques qui s’y rattachent.
« Nous sommes par ailleurs en train de finaliser un guide opérationnel sécurité pour le manager avec 11 points clés, notamment sur la gestion des arbitrages, les sanctions graduées et adaptées, un climat psychologique bienveillant, la culture juste…, conclut Bruno Rodallec. Ce référentiel va compléter la formation initiale et sera sûrement suivi d’ateliers. Auparavant, nous donnions des objectifs, avec ce guide nous expliquons comment y parvenir. »
Article extrait du n° 605 de Face au Risque : « Culture de sécurité » (janvier-février 2025).
Gaëlle Carcaly – Journaliste
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