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Inondation de la centrale nucléaire du Blayais, il y a 25 ans
La tempête Martin, qui a touché une large moitié sud de la France fin décembre 1999, a provoqué une forte montée des eaux dans l’estuaire de la Gironde et inondé la centrale nucléaire du Blayais, provoquant un incident nucléaire classé 2 sur l’échelle Ines.
Le 27 décembre 1999 en fin d’après-midi, la tempête Martin balaye la moitié sud de l’Hexagone. Le vent, d’une force exceptionnelle, souffle en rafales. Des pointes sont mesurées jusqu’à 198 km/h sur le littoral charentais. Plus au sud, les vagues remontent l’estuaire de la Gironde sur les bords duquel est implantée la centrale nucléaire du Blayais, mise en service en 1981. Bientôt, ces vagues emportent la digue haute de 5,20 m censée protéger la centrale. Il est 19h30. L’eau inonde une partie du site nucléaire sur une hauteur d’environ 30 cm. La route menant à la centrale est impraticable.
À 20 h 50, une surtension sur le réseau électrique provoque l’arrêt de deux des quatre réacteurs de la centrale (les n°s 2 et 4). Des groupes électrogènes permettent de poursuivre le refroidissement des deux cœurs.
Vers 22 h, au sous-sol des bâtiments des tranches 1 et 2, l’eau s’infiltre et les galeries techniques sont complètement inondées, noyant différents équipements dont les stations de pompage du circuit de refroidissement du réacteur n° 1. Vers 0 h 30, ce réacteur est à son tour arrêté. C’était la dernière tranche en service (le réacteur 3 étant à l’arrêt pour cause de maintenance).
Des moyens internes de pompage des 100 000 m³ d’eau stagnant dans les installations sont mis en place. La route d’accès à la centrale commence à être dégagée et les premiers renforts peuvent enfin arriver. Les moyens des pompiers complèteront dans la matinée ceux de la centrale. Il faudra attendre la soirée du 28 décembre pour que la tranche 1 soit vidée et c’est seulement le 30 vers 8 h 30 que la tranche 2 sera hors d’eau. Les tranches 3 et 4 ont été peu endommagées.
L’IPSN (aujourd’hui IRSN – Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) constitue le 28 décembre à 7 h 45 une équipe de crise qui se réunit dans ses locaux à Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine). Elle restera opérationnelle jusqu’à la fin de la crise le lendemain à 21 h.
L’accident sera classé au niveau 2 sur l’échelle Ines (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques) qui en compte 7.
Une digue mal dimensionnée
Ainsi que le décrit le rapport parlementaire faisant suite à l’accident, « la digue réalisée en 1984 souffre de deux vices : son insuffisante résistance aux tempêtes et sa trop faible hauteur ».
EDF avait considéré en 1998 qu’elle devait relever son niveau de 50 cm, soit 5,70 m. Elle prévoyait initialement d’engager les travaux en 2000 mais les avait finalement repoussés de 2 ans, considérant qu’il n’y avait pas de caractère d’urgence…
Après l’inondation, EDF rehaussera finalement la digue à 8,50 m. Cependant, le rapport parlementaire souligne que « les travaux entrepris ne permettent pas de mettre à l’abri le site contre des entrées d’eau dues à la houle en cas de conjonction de tempête et de marée à fort coefficient ». La digue sera équipée d’un dispositif anti-houle mis en place fin 2000.
Autres erreurs de conception ou dysfonctionnements
Le rapport parlementaire pointe notamment :
- l’isolement de la centrale. Lors de la tempête, les secours n’ont pas pu intervenir avant le lendemain matin, la route d’accès étant impraticable et le vent trop fort pour faire intervenir un hélicoptère ;
- l’étanchéité des bâtiments. Une grande quantité d’eau a pénétré dans les galeries techniques et de nombreuses voies d’arrivée d’eau ont été constatées par l’IPSN: « La galerie générale du site, les portes, les passages de tuyauteries dans le génie civil et les trémies » ;
- la communication vers le public. Les communiqués d’EDF et de la DSIN (la direction qui était alors en charge de la sûreté des installations nucléaires) étaient quelque peu contradictoires : l’exploitant cherchait à rassurer tandis que l’autorité nucléaire soulignait l’existence d’un problème.
Risque de submersion des centrales nucléaires
Après cet épisode, puis celui de Fukushima (le 11 mars 2011), le risque de submersion des centrales nucléaires françaises préoccupe les autorités, EDF et les ONG. En 2013, l’ASN publie un guide inondation applicable à toutes les installations nucléaires de base (INB). À partir de l’année 2000 des actions de renforcement des protections contre l’inondation des installations nucléaires sont menées.
Cependant, le rapport de Greenpeace France publié le 3 octobre 2024 pointe la vulnérabilité des centrales. Avec le changement climatique, l’élévation du niveau des océans menace directement les territoires littoraux et les centrales qui y sont implantées.
Article extrait du n° 604 de Face au Risque : « Notre-Dame : la sécurité incendie renforcée » (novembre-décembre 2024).
Martine Porez – Journaliste
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