Vidéoprotection algorithmique : vers une adoption définitive ?
En phase d’expérimentation jusqu’au 31 mars prochain, la vidéosurveillance algorithmique était au cœur de nombreuses tables-rondes sur le dernier salon Expoprotection durant l’automne. L’idée d’une possible généralisation sur le territoire français est par ailleurs évoquée à quelques semaines du terme de cette expérimentation.
Des tests toujours en cours depuis la fin des Jeux olympiques
En vigueur depuis début mars 2024, la phase d’expérimentation autour de la vidéoprotection algorithmique se poursuit jusqu’au 31 mars prochain. Symboliquement rattachée à la « Loi JO », cette expérimentation va bien au-delà des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, qui se sont terminés le 8 septembre dernier. Cette technologie a ainsi été déployée à de nombreuses occasions depuis cette date.
« Notre solution a notamment été déployé pour les NRJ Music Awards le vendredi 1er novembre et le marathon de Nice-Cannes (le dimanche 3 novembre). Elle est également déployée à Cannes pour le marché de Noël puis pour le feu d’artifice du nouvel an, et pour le Mipim (Marché international des professionnels de l’immobilier) à Cannes du 11 au 14 mars 2025 » précise ainsi Alan Ferbach, co-fondateur et CEO de Videtics.
Des opérateurs enclins à une adoption
Créée en mars 2019, l’entreprise Videtics (contraction des termes « Vidéo » et « Éthique ») a notamment vu sa technologie de vidéoprotection algorithmique déployée lors du Festival international du film de Cannes entre le 14 et le 25 mai 2024.
L’entreprise française a en effet remporté le lot 2 de l’appel d’offre concernant la phase expérimentale de cette technologie, qui lui permettait ainsi d’assurer le déploiement de sa solution dans les régions Provence Alpes Côte d’Azur, Auvergne-Rhône-Alpes, Outre-mer et Corse.
Si l’on en croit notre interlocuteur, les opérateurs ayant eu à disposition cette technologie au cours du Festival de Cannes au printemps dernier ont globalement été satisfaits. « Le retour était plutôt positif. Cela a permis (aux opérateurs) d’avoir des informations sur des bagages abandonnés, des mouvements de foule et surtout pour la détection de véhicules à contresens » confirme en ce sens Alan Ferbach.
S’agissant des satisfactions, plusieurs retours sont allés dans ce sens lors des tables-rondes sur Expoprotection. « Cette technologie apporte quelque chose de plus, les opérateurs sont très satisfaits » confiait ainsi Nicolas Despalles, responsable laboratoire innovation sûreté chez SNCF, entreprise utilisatrice de la vidéoprotection algorithmique ces derniers mois. L’intéressé mettait par ailleurs en avant le fait que tous les cas d’usages de cette expérimentation n’avaient pas été utilisés par la SNCF lors de cette expérimentation.
« Les acteurs considèrent que c’est intéressant, que ça vaudrait le coup d’être prorogé et les opérateurs disent que cette technologie a été une aide au quotidien » renchérissait le 6 novembre dernier Julie Mercier, directrice de la Depsa (Direction des entreprises et partenariats de sécurité et des armes).
Un rapport d’évaluation vivement attendu
Si le Premier ministre Michel Barnier déclarait son intention de généraliser la vidéoprotection algorithmique dans l’espace public, lors de sa déclaration de politique générale le mardi 1er octobre, rien n’est encore acté dans les faits.
Le flou est d’ailleurs également de mise du côté des concepteurs de ces solutions. « Nous n’avons aucune information là-dessus. En tant que citoyen, nous avons entendu le discours du Premier ministre qui souhaiterait en faire une loi « pérenne » si l’on peut dire. Mais nous n’avons pas plus d’informations de notre côté » confirmait notre interlocuteur de Videtics début novembre.
L’intéressé ajoute cependant une information non négligeable : « les forces de l’ordre demandent depuis pas mal de temps d’avoir ce genre de dispositif. Donc ils semblent enclins à ce que cette loi soit promulguée », avant de rappeler « (qu’) il y aura de toute façon un comité d’évaluation par des experts qui va pouvoir juger si cela vaut le coup et s’il y a un intérêt à pérenniser cette expérimentation par une loi ».
Le rapport du comité d’évaluation de cette expérimentation menée durant la période olympique est en effet attendu avant le 31 décembre 2024. Le comité d’évaluation, présidé par Christian Vigouroux (haut fonctionnaire passé par la section Intérieur du Conseil d’État) sera divisé en deux collèges distincts.
Le premier réunira les « utilisateurs » de la vidéoprotection augmentée, c’est à dire la police, la gendarmerie, la SNCF, la RATP, etc. Le second rassemblera des « personnalités qualifiées » telles que des experts techniques, des spécialistes du droit des données personnelles et des libertés publiques ou encore des élus. La liste complète des membres du comité d’évaluation a été rendue publique à travers l’arrêté du 18 juin 2024.
C’est à la suite de ces conclusions, si elles s’avèrent positives aux yeux du comité, qu’une pérennisation de cette technologie à travers une loi pourrait alors être possible dans l’espace public.
Une certification européenne pour les solutions d’IA
En attendant cette potentielle future loi, les concepteurs de solutions de vidéoprotection algorithmique poursuivent leurs avancées. La récente adoption du règlement européen sur l’intelligence artificielle (« IA Act »), publiée au Journal officiel de l’UE le vendredi 12 juillet 2024, est l’une des nouvelles étapes majeures concernant cette technologie.
« En tant qu’acteurs, nous allons devoir certifier nos modèles. Si on vulgarise, ce sera l’équivalent d’un « marquage CE » de l’IA pour Europe. C’est positif dans l’ensemble, mais il faut garder une réglementation claire et éviter que la lourdeur réglementaire limite la création d’innovations en France et en Europe. Le RGPD juge essentiellement la finalité : est-ce qu’il s’agit de statistiques, d’alertes opérationnelles… Ce qui est intéressant avec l’IA Act, c’est qu’il est aussi question de la conception de l’IA. Nous avons travaillé depuis de nombreuses années dessus. Nous faisons attention à la manière dont nous créons les choses, dont nous créons les bases de données, de quelles manières nous les annotons en interne. Tout cela est traçable » explique à ce sujet le co-fondateur de Videtics.
Outre la France, l’entreprise basée à Sophia-Antipolis (Alpes-Maritimes) continue quant à elle son développement à l’international, en particulier du côté de l’Afrique de l’Ouest où Videtics « a vocation à déployer ces solutions » grâce à une récente joint-venture, qui s’est déjà avérée concluante sur deux fans zones à Abidjan (Côte d’Ivoire) lors de la Coupe d’Afrique des Nations de football en début d’année 2024.
Eitel Mabouong – Journaliste
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