Fin des réseaux 2G et 3G : des dispositifs de sécurité impactés

26 novembre 202410 min

La mise à l’arrêt programmée des réseaux 2G et 3G inquiète les professionnels de différents secteurs, en raison de l’impact sur certains dispositifs de sécurité. Plusieurs fédérations professionnelles demandent un report de deux ans afin d’avoir le temps de préparer la transition.

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Il n’y a pas que les téléphones qui utilisent les réseaux 2G, 3G, 4G ou 5G. De nombreux appareils connectés, comme des systèmes de téléalarme, des dispositifs d’appel d’urgence d’ascenseurs, des systèmes de secours aux automobilistes, ou encore des dispositifs médicaux fonctionnent sur ces réseaux mobiles. Et si la grande majorité des téléphones ont abandonné la 2G et la 3G pour passer à la 4G ou à la 5G, ce n’est pas le cas d’un certain nombre de dispositifs de sécurité.

Dans ce contexte, la mise à l’arrêt programmée par les opérateurs des réseaux 2G et 3G inquiète de nombreux professionnels. Ils craignent de devoir remplacer des millions d’appareils, et alertent sur le délai, jugé trop court, qui leur est laissé. En effet, Orange a prévu d’arrêter son réseau 2G au 31 décembre 2025, et Bouygues et SFR doivent faire de même environ un an plus tard. La 3G d’Orange doit disparaître au 31 décembre 2028, et celle de SFR et Bouygues devrait être désactivée en décembre 2029.

De quoi inquiéter le Groupement professionnel des métiers de la sécurité électronique (GPMSE). Selon une étude menée par le cabinet Price Waterhouse Cooper, 700 000 appareils sur les 2 millions d’alarmes installées en France pourraient cesser de fonctionner en raison de cette mise à l’arrêt de la 2G et de la 3G. Plus précisément, en cas d’intrusion, de départ de feu ou autre événement anormal devant être détecté, l’alarme locale se déclencherait, mais le dispositif chargé de prévenir le centre de contrôle ne serait pas activé. Or, ce n’est qu’en prévenant des professionnels de la sécurité que les alarmes peuvent être réellement efficaces, car ce sont eux qui peuvent effectuer une levée de doute, et réagir en fonction de la situation réelle.

7,8 millions d’appareils concernés

L’étude menée par Price Waterhouse Cooper ne se focalise pas seulement sur les alarmes, et recense 7,8 millions de dispositifs fonctionnant en 2G ou en 3G en France dans cinq domaines d’activité différents : téléassistance des personnes dépendantes et isolées, ascenseurs dans les logements et bâtiments, protection de locaux résidentiels et professionnels par des alarmes connectées, dispositifs médicaux et service de secours aux automobilistes (eCall).

Dans le détail, 4 millions de ces appareils fonctionnent en 2G, et 3,8 millions en 3G. Compte tenu des remplacements d’appareils, l’étude considère que seuls 5 millions présentent un risque lors de la transition vers la 4G et la 5G. 3,1 millions d’entre eux fonctionnent en 2G, et pourraient être impactés dès le 1er janvier 2026 s’ils utilisent le réseau Orange, ou un an plus tard sur les réseaux Bouygues et SFR. Les 1,9 million restants utilisent le réseau 3G et ne seront à risque qu’à partir de 2029.

Capture d'écran de l'étude "Évaluation des impacts de l’arrêt de la 2G/3G en France" du cabinet Price Waterhouse Cooper

Une situation qui fait bondir Alain Béal, vice-président du GPMSE. “Orange a annoncé son calendrier de mise à l’arrêt de la 2G et de la 3G début 2022. Dans la foulée, SFR et Bouygues ont suivi. Nous avons été mis devant le fait accompli. Nous n’avons que quatre ans, alors que nous estimons à un minimum de sept ans, comme dans les autres pays européens, le temps nécessaire pour nous adapter. Dans ce laps de temps, nous devons trouver une solution de remplacement, la tester, la certifier, la commercialiser. Et trouver les ressources et planifier les interventions pour aller chez tous les clients migrer le système. Il ne suffit pas de changer de carte SIM, il faut aussi à minima changer le transmetteur. Dans certains cas, c’est même tout le système qu’il faut remplacer. Les opérateurs ont pris cette décision unilatéralement et sans concertation.” Il précise néanmoins que les solutions de remplacement sont arrivées tardivement de la part des opérateurs mais existent désormais.

Du côté des ascensoristes, l’heure est également à l’adaptation. Alain Zeliszewski est chef de projet chez Schindler, et travaille notamment sur cette problématique, qui concerne le fameux bouton jaune d’appel d’urgence. “Un inventaire de tous nos ascenseurs concernés est en cours. Nous allons écrire à tous les clients que ça concerne. Le fait que nous tenions ou non les délais dépendra d’eux : s’ils décident tous d’agir en même temps et au dernier moment, nous allons manquer de main d’œuvre. D’autant plus qu’il faut des gens spécialisés en téléphonie, et capables d’intervenir sur un ascenseur.

Une transition à marche forcée obligatoire compte tenu de la réglementation en vigueur : “Depuis 2014, un ascenseur existant non pourvu de téléalarme doit être arrêté, note Alain Zeliszewski. En effet, l’objectif est d’éviter que des personnes restent coincées. “Imaginez la personne qui fait le ménage dans un immeuble de bureaux le vendredi soir et qui reste bloquée, sans système d’appel d’urgence. Elle peut se retrouver à attendre jusqu’au lundi matin pour que quelqu’un se rende compte du problème”. Avec l’appel d’urgence, elle est certaine qu’un technicien lui vienne en aide. Quant au téléphone portable personnel, il présente de nombreux inconvénients : la personne peut ne pas l’avoir sur elle ou sans batterie, le réseau peut être mauvais dans l’ascenseur, etc. Surtout, le bouton d’urgence permet automatiquement de localiser l’immeuble concerné, et au sein de cet immeuble l’ascenseur en panne.

Un délai pour s’adapter

Face aux difficultés pour s’adapter dans les temps impartis, le GPMSE revendique un délai. “Si nous reportons de deux ans, l’étude [de Price Waterhouse Cooper] montre que les industriels et télésurveilleurs arriveront à peu près à faire cette migration dans des conditions correctes. Sans report, il y a un gros risque sur 700 000 systèmes d’alarme, et ce même en ayant fait des plans de migration à marche forcée”, note Alain Béal. Bien que la Fédération des ascenseurs (FAS) revendique également un délai, Alain Zeliszewski considère qu’un éventuel report doit être considéré comme un bonus. Il estime nécessaire de travailler sur la base du calendrier initialement prévu.

Capture d'écran de l'étude "Évaluation des impacts de l’arrêt de la 2G/3G en France" du cabinet Price Waterhouse Cooper

Les producteurs d’alarmes et les ascensoristes ne sont pas les seuls à s’inquiéter de la situation. Dans un communiqué commun publié au mois d’octobre et signé avec le GPMSE et la FAS, l’Afrata (Association française de téléassistance) et l’Ignes (Alliance des industriels des solutions électriques et numériques du bâtiment) ont dénoncé le calendrier imposé, selon eux, par les opérateurs.

À un peu plus d’un an de la mise à l’arrêt du réseau 2G d’Orange, ces fédérations professionnelles en appellent à l’action du gouvernement. Selon Alain Béal, les opérateurs ont été sollicités à plusieurs reprises, et ont refusé tout changement de calendrier. Sous l’égide de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), une première réunion a eu lieu le 15 décembre 2023 entre les fédérations professionnelles et les opérateurs.

D’autres rencontres se sont tenues depuis. “Nous leur avons exposé dans les détails les impacts sécuritaires. À chaque fois, nous avons eu une fin de non-recevoir. Les opérateurs nous ont simplement dit que “c’est comme ça”, témoigne le vice-président du GPMSE. Il précise non seulement ne pas être opposé à une transition vers la 4G et la 5G, mais aussi vouloir accompagner cette transition technologique. Il regrette cependant le manque de concertation et le calendrier trop serré. Auprès de Face au Risque, il compare l’arrêt de la 2G et de la 3G avec celle du réseau téléphonique commuté (RTC) : “Pour le RTC, il y a des discussions depuis dix ans entre les opérateurs et les fédérations. Nous nous sommes mis d’accord sur un plan d’arrêt étalé dans le temps et nous nous sommes donné le temps de faire la migration.” Selon les informations présentes sur le site de l’Arcep, à l’échelle nationale, Orange prévoit que l’ensemble des lignes du réseau RTC devraient être fermées fin 2030.

Capture d'écran de l'étude "Évaluation des impacts de l’arrêt de la 2G/3G en France" du cabinet Price Waterhouse Cooper

Un délai plus court que dans les autres pays européens

L’étude menée par Price Waterhouse Cooper compare les délais entre l’annonce de la mise à l’arrêt des réseaux 2G et 3G et leur coupure dans différents pays européens. Il en ressort que, avec un délai de 3,8 ans, la France est le pays avec le délai le plus court parmi ceux étudiés. Compte tenu des difficultés que cette transition pose, un report a été observé en Suisse et en Suède, respectivement de 0,3 et de deux ans. Hors France, la Suisse est le pays étudié avec le délai le plus court, puisqu’il est de 5,5 ans, en comptant les 0,3 ans de report. La majorité des pays étudiés présentent un délai se situant entre 6 et 6,9 ans.

Capture d'écran de l'étude "Évaluation des impacts de l’arrêt de la 2G/3G en France" du cabinet Price Waterhouse Cooper

Un autre élément notable différencie la France des autres pays. Le rapport d’étude indique que la majorité des pays européens fermeront leur réseau 3G avant la 2G, contrairement à la France. En effet, les équipements fonctionnant en 2G sont plus nombreux que ceux fonctionnant en 3G.

Contactée par Face au Risque, l’Arcep a indiqué que les opérateurs fixent leurs propres calendriers, et que l’extinction des réseaux 2G et 3G est motivée par les coûts de leur maintien. Elle indique également que des technologies existent pour relier les systèmes de téléalarme à d’autres réseaux, notamment à la fibre optique, en WiFi ou par câble.

De son côté, la fédération des télécoms, qui représente les opérateurs SFR, Bouygues et Orange, a répondu à Face au Risque par l’intermédiaire de son directeur général, Romain Bonenfant. Il donne plusieurs raisons à la mise à l’arrêt des réseaux 2G et 3G. Il s’agit selon lui de technologies obsolètes, posant des problèmes de cybersécurité car étant faciles à pirater, ayant une mauvaise efficacité énergétique et étant difficiles à entretenir en raison de la faible disponibilité des cartes électroniques de rechange. Il précise que les opérateurs ont informé les clients industriels et que, selon lui, les discussions bilatérales se passent bien. Il estime que les problématiques sont soit résolues, soit en cours de résolution avec les grands clients industriels. Pour toutes ces raisons, un décalage du calendrier n’est pas envisagé à ce stade.

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Camille Hostin – Journaliste

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