Des innovations techniques pour les lances à incendie

Le système diphasique est né en 2016 d’une collaboration entre Zelup et la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP).

Au-delà de la lance Deltae (Dispositif d’extinction par lance à tuyère air-eau), qui vient en bout de  chaîne, «il faut parler de “système Zelup“ car la diffusion du jet n’est qu’un élément, confie Yannick Laneret, directeur développement matériels incendies – chef des ventes Leader et Bio-ex France. C’est la combinaison d’une pompe, d’un compresseur d’air, d’un tuyau acheminant à la fois l’eau en son centre et l’air autour, et un dispositif de diffusion spécifique qui permet de générer un brouillard d’eau composé de ces très fines gouttelettes pour mener à bien l’extinction.»

La spécificité technologique du système diphasique réside dans l’alliance de deux flux : un flux d’eau (sous pression de 6 à 12 bars) et un flux d’air (sous pression de 6 bars). Ces flux se croisent par la suite dans une tuyère spécifique commune qui génère une fragmentation hydropneumatique créant alors une brumisation diphasique.

«Les fines gouttelettes sont ensuite propulsées dans une veine gazeuse à très haute vitesse permettant leur acheminement jusqu’au cœur du foyer (…). Chaque goutte d’eau joue son rôle et permet d’agir sur le système feu», conclut Zelup sur son site internet.

Sur le plan écologique, le système diphasique permet de réduire la quantité d’eau lors d’une intervention. Le système diffuse jusqu’à 110  litres d’eau par minute, contre 500 à 600  litres d’eau par minute en moyenne pour une lance classique.

À noter qu’un litre d’eau génère jusqu’à un milliard de gouttelettes selon Zelup. Ces dernières, formant un brouillard d’eau, sont propulsées sur une distance de 25 à 50 mètres. Le Laboratoire central de la  Préfecture de police de Paris a permis de donner l’approche scientifique et  la validation des performances du  système.

Outre l’aspect écologique, la  sécurité du porteur, la facilité et le confort d’utilisation, la capacité de refroidissement accrue, la simplicité d’utilisation ou encore la captation des émanations toxiques figurent parmi les  avantages de ce système.

Fondée en Suède en 1987, l’entreprise Cold Cut Systems a inventé le système Cobra, qui intègre notamment une lance ultra-haute pression (aussi appelée « lance perforante »).

«Il  s’agit d’un système qui permet aux pompiers de supprimer les gaz d’incendie depuis une position de travail sûre en utilisant une quantité minimale d’eau et permettant une faible exposition à la contamination», explique Martin Orman, directeur commercial chez Cold Cut Systems AB.

Si les lances traditionnelles disposent d’une pression de 6 à 8 bars, le flux d’eau est diffusé à une pression de 300 bars par le système Cobra (à  raison de 60 litres d’eau par minute) qui répond à la norme BS 8627:2019 «Équipement de service d’incendie et de secours – Équipement de lutte contre l’incendie à ultra haute pression». Une telle pression permet une efficacité certaine de l’extinction des feux en espace clos.

Le système se compose entre autres d’une pompe, d’un système abrasif, de tuyaux et d’une lance. Deux temps d’action sont relevés lors de son utilisation : un premier qui mêle de l’eau et un abrasif pour percer un obstacle (mur, porte etc.), d’où le nom de «lance perforante». Le deuxième temps d’action permet de pulser l’eau à travers le trou de quelques millimètres créé lors de la première phase.

L’une des innovations du système Cobra, créé à la fin des années 1990, provient du déploiement d’une méthodologie face aux feux de batteries sur véhicules, y compris les véhicules électriques.

«Nous avons travaillé avec des constructeurs automobiles et des institutions gouvernementales pour formuler une méthode permettant de stopper la propagation des incendies de batteries, confie Martin Orman. Le système Cobra est également très efficace sur les incendies de véhicules électriques, car nous sommes capables de pénétrer hydrauliquement dans les blocs-batteries et de diffuser de l’eau directement sur les modules, les refroidissant ainsi très rapidement, avec une quantité minimale d’eau.»

Les Services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) franciliens s’intéressent ainsi depuis quelque temps aux lances perforantes pour tenter d’apporter une réponse opérationnelle univoque face aux feux de véhicules électriques.

En partenariat avec les Sdis des Yvelines, de Seine-et-Marne, et du Val d’Oise, les sapeurs-pompiers de l’Essonne ont organisé à plusieurs reprises des essais d’extinction sur ce type de véhicules afin de tester différentes techniques d’extinction et différents matériels comme les lances perforantes.

Le commandant Gilles Devantoy, conseiller technique et référent départemental Interventions d’urgence sur véhicule (IUV) / Secours routier  (SR) au sein du Sdis95, nous partage les problématiques auxquelles les sapeurs-pompiers font face en intervention.

«Il y a de plus en plus de véhicules électriques aujourd’hui», explique notre interlocuteur. Lorsqu’un feu se déclare sur un véhicule électrique, «l’immersion du véhicule permet de refroidir l’extérieur du pack batterie, ce qui “met en pause“ le possible emballement thermique» mais sans forcément éteindre définitivement l’incendie.

«Lorsque le pack batterie d’un véhicule électrique est en aluminium, alors celui-ci fond. Ce qui permet l’extinction totale facilement. Cependant, si  le coffrage est en acier ou en titane, donc plus résistant que l’aluminium, alors le feu persiste à l’intérieur» car l’eau n’atteint pas les cellules.

Une lance perforante «crée des points de perforation dans le coffrage et donc un ouvrant à l’extérieur du pack batterie, sans toutefois perforer les cellules électriques de la batterie».

Cette perforation permet alors de finaliser l’extinction du pack batterie sans avoir à immerger le véhicule, entraînant de fait une baisse de la consommation en eau lors de l’intervention, mais également un gain de temps pour les équipes mobilisées sur le terrain.

Zelup dispose de partenariats avec le SDMIS (Service départemental métropolitain d’incendie et de secours), le Sdis76, le Sdis35, le BMPM (Bataillon de marins-pompiers de Marseille) ou la BSPP, qui entend équiper la totalité de ses engins d’intervention de système diphasique dans les 5 ans à venir. Des démonstrations à l’étranger sont aussi prévues.

Pour sa part, Cold Cut Systems est déjà bien implanté à l’international avec plus de 1300 systèmes Cobra installés dans 45 pays.

De son côté, le Sdis95 envisage la possibilité de se doter de deux lances perforantes pour 2025. Il se fixe comme objectif dans les années à venir de pouvoir apporter une réponse opérationnelle, et collective avec l’ensemble des Sdis franciliens, lors des interventions sur des feux de véhicules électriques, y compris en parkings souterrains.