Les fiches réflexes
Appelées également fiches actions, les fiches réflexes sont des outils indispensables pour gérer des événements inhabituels et rares. Tour d’horizon des bonnes pratiques pour construire un document efficace.
Directrice de la communication d’un hôpital en construction, Alice[1] confiait en juin 2024 comment, huit ans plus tôt, la mort soudaine d’un employé sur le chantier avait laissé le personnel désemparé. La charge émotionnelle, un samedi matin, avait paralysé l’équipe de crise, jusqu’à ce qu’Alice retrouve les fiches réflexes.
Tout y était répertorié : qui prévenir ? Dans quel ordre ? Quelles démarches d’urgence entreprendre ? etc. Dans la tourmente, le document s’était révélé une base solide. Il avait permis de concentrer les efforts sur les sujets importants : prévenir décemment la famille et l’accompagner, préserver les preuves pour l’enquête, rédiger un communiqué pour les médias, entre autres.
[1] Le prénom a été modifié.
Utilité
Cet exemple montre tout l’intérêt de ces feuillets. On les utilise dans un contexte particulier, celui de la crise. Cette crise est un événement caractérisé comme :
- soudain, violent, brutal et/ou intense ;
- inattendu et « imprévisible » ;
- brisant la « normalité » d’une situation ou l’équilibre des forces ;
- et nécessitant toujours une prise de décision humaine.
Quelques exemples permettent de cerner le sujet : un suicide, l’incendie d’une entreprise contigüe, un éboulement de terrain, une agression sexuelle, le défaut d’un fournisseur de rang 1… La liste peut être infinie. Il est utile de regrouper les événements par risques (catastrophes naturelles, incendies, malveillance, santé et sécurité au travail…) pour générer des réponses précises qui peuvent s’adapter à différentes situations.
Objectif
L’objectif principal des fiches réflexes est de sortir de la crise, aussi rapidement que possible en revenant à une situation « normale », initiale ou contrôlée. Dans les cas extrêmes, le but est d’éviter l’emballement et la continuation de la crise.
Efficacité
Pour être efficaces, les fiches réflexes doivent :
- lister les étapes à suivre (n’oublier aucun détail important tout en restant pratique) ;
- être déjà relues, vérifiées et approuvées ;
- être rédigées dans un langage clair et concis ;
- être partagées et partageables.
Pour rendre les fiches plus pertinentes, ajoutez des tableaux, des photos et des logigrammes.
Le cadre légal
Il n’existe pas de textes réglementaires qui nomment directement les fiches réflexes. En revanche, il y a un corpus solide qui incite à son adoption. Le code de l’environnement et la réglementation des installations classées prévoient des plans d’urgence et des plans d’opération interne (POI). Côté droit souple, on peut invoquer des jurisprudences sur la protection du travailleur et de sa santé physique et mentale.
« Les fiches de données de sécurité (FDS) sont une catégorie de fiches réflexes. En plus des caractéristiques des produits, elles énumèrent les mesures à prendre en cas de survenance d’une réaction chimique inattendue ou incontrôlée. »
Quelle protection ?
Les fiches réflexes portent également un objectif secondaire à ne pas négliger, elles constituent une preuve de prise en compte d’un événement ou d’une situation à risques. Ce témoignage écrit est à double tranchant : s’il n’y a pas de fiches, cela peut constituer une erreur ou un manquement : pourquoi n’aviez-vous pas prévu cette situation ? Quelles étaient vos procédures pour parer à ce risque ?… Si, en revanche, un document existe, il peut lui aussi être à charge. Par exemple, dans le cas où un processus a été ignoré ou mal exécuté : pourquoi n’avez-vous pas suivi le script ?
Cela étant dit, c’est l’aspect positif qui l’emporte : une fiche réflexe permet de résoudre la crise ! Et pour les opérateurs qui l’exécutent, elle constitue l’assurance qu’une solution existe et qu’elle a déjà été pensée – en général par un collectif de spécialistes.
Maturité et résilience
La maturité et la résilience de l’organisation face aux risques sont des éléments cruciaux. La mise en place des fiches est l’occasion de créer un groupe de travail et de réfléchir à des situations concrètes. C’est un bon moyen de partager et de mettre en avant la sécurité des travailleurs, mais aussi de l’organisation. D’une certaine manière, c’est déjà une répétition et un entraînement pour la cellule de crise. Si le document concerne des sujets incertains ou qu’on espère ne jamais voir se réaliser, c’est cependant un excellent prétexte pour communiquer sur la sécurité et améliorer ainsi la résilience.
À l’étranger
Les entreprises implantées dans des pays anglo-saxons ont l’habitude de ce type d’outils appelés « reflex cards ». Certains d’entre eux sont même obligatoires sur les lieux de travail. C’est le cas notamment des plans d’urgence (emergency and evacuation plans), qui sont sous forme de check-lists, de logigrammes d’interventions assortis de numéros de téléphone essentiels.
Ce sont des cahiers à spirales, au format A5, plastifiés avec des onglets répertoriant les différents grands risques. Ce peut être une bonne source d’inspiration, d’autant que le ministère du Travail américain, par exemple, propose des guides normalisés pour les rédiger.
Articulation avec d’autres documents
La fiche réflexe n’est pas une analyse de risque ou de situation, c’est un manuel pratique pour sortir de la crise. La fiche peut faire suite à la rédaction du Document unique d’évaluation des risques professionnels (Duerp), mais ne s’y substitue pas.
Quel thème choisir ?
Certains thèmes sont évidents : événements climatiques, incendie, risques chimiques, hygiène et santé au travail… D’autres peuvent provenir de retours d’expérience et de la lecture régulière de la presse. Prenons une panne informatique de Windows comme ce fut le cas fin juillet 2024. Avons-nous une fiche réflexe sur le sujet ? Quelle est notre préparation face à cet événement ? Qui sont nos interlocuteurs ? Quels sont les services impactés ?
Ces groupes de travail deviennent ainsi des prétextes pour mobiliser l’organisation sur un sujet plus général (le risque numérique, le prestataire clé) ou au contraire un risque émergent (le risque numérique systémique).
Écriture
On suppose plusieurs versions, avec à chaque fois l’idée de réduire l’écrit pour ne conserver que l’essentiel. Un parfait inconnu doit pouvoir utiliser les fiches.
On utilise :
- le présent ;
- des verbes d’action (« comment faire ») ;
- des mots courants ;
- la forme affirmative (on n’utilise pas la négation) ;
- les répétitions et la reformulation, surtout si le message est important ;
- si possible, pas d’abréviations, acronymes ou jargons (les mots métiers et spécialisés sont à proscrire).
Présentation
Les fiches doivent être :
- aérées, avec suffisamment d’espaces entre les lignes et les paragraphes ;
- lisibles, avec une police de caractère courante, arrondie et assez grande pour que tout le monde puisse lire ;
- avec des tirets, des points et des chiffres pour montrer la progression et les étapes.
Si un choix doit se faire entre l’écrit et l’image, on choisit systématiquement le second, l’illustration.
Pour renforcer le visuel, on propose :
- des tableaux ;
- des photos : légendées, récentes, claires et en couleur, prises sur les lieux où doit se dérouler l’action et avec des plans rapprochés ;
- des logigrammes : pour dérouler un processus, pour mettre en avant les différentes options, en utilisant des couleurs sobres et en limitant les étapes.
Mises à jour
Pour que les fiches réflexes restent pertinentes, il faut les éprouver dans le temps. Sur la base du volontariat, un tour informel des bâtiments avec des travailleurs, tous les trimestres, pour vérifier l’entretien et la sécurité des postes de travail, peut être l’occasion de vérifier que ces documents sont à jour. Sinon, il est préférable de prévoir des réunions semestrielles pour vérifier leur contenu.
L’aide des nouvelles technologies
Le numérique présente de nombreuses opportunités pour améliorer les fiches réflexes.
- La relecture par des services en ligne gratuits permet de vérifier la lisibilité du document. A ce stade, ce texte que vous êtes en train de lire a un niveau scolaire Flesch Kincaid de 11.92, ce qui le rend plus compliqué à lire que Jurassic Park de Michael Crichton mais moins difficile à lire qu’une Brève histoire du temps de Stephen Hawking (ces compteurs ont souvent comme base l’anglais ce qui fausse le résultat).
- L’intelligence artificielle, utilisée comme un assistant virtuel en ligne (ou en vase clos pour garantir la confidentialité des données), permet d’affiner les résultats de recherche.
A la question de l’intelligence artificielle dans les fiches réflexes, la réponse de Claude 3.5 Sonnet, l’intelligence artificielle d’Anthropic.
David Kapp – Journaliste
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