C2P et exposition aux facteurs de risques professionnels
Fruit de la réforme du Compte de pénibilité en 2018, le Compte professionnel de prévention (C2P) constitue un dispositif permettant, sous conditions, de tenir compte des durées d’exposition des salariés à certains facteurs de risques professionnels. Après une révision de certains seuils d’exposition en 2023, nous faisons ici le point sur les facteurs de risques professionnels à considérer et les modalités de leur prise en compte.
Le code du travail oblige l’employeur à assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés (L.4121-1 du code du travail). Pour ce faire, il doit notamment évaluer les risques professionnels auxquels ces derniers peuvent être confrontés dans le cadre de leur travail. Ces risques constituent des facteurs de risques professionnels lorsque les moyens de prévention et de protection mis en place ne permettent pas de protéger suffisamment la santé des travailleurs et d’assurer pleinement leur sécurité.
Dans ce contexte, l’employeur doit déclarer, aux caisses de retraite concernées, les expositions de ses salariés aux facteurs de risques professionnels au-delà de certains seuils réglementaires. Ces déclarations sont effectuées dans la déclaration sociale nominative auprès de l’Urssaf. Elles déclenchent immédiatement l’acquisition de points sur le C2P qui vont pouvoir être utilisés par le salarié tout au long de sa carrière, par exemple pour exercer un emploi « moins pénible ».
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Présentation du C2P
Introduit par la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, le C2P était nommé initialement « compte personnel de prévention de la pénibilité ». Bien que son appellation ait évolué avec le temps, sa finalité est restée la même à savoir : comptabiliser les périodes d’exposition à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels et les droits acquis à ce titre par les salariés « après application des mesures de protection collective et individuelle » (L.4163-5).
Les droits acquis prennent la forme de points qui vont pouvoir être utilisés, en vertu de l’article L.4163-7 du code du travail, par le salarié pour :
- financer une formation professionnelle permettant d’accéder à un emploi non exposé ou moins exposé à des facteurs de risques professionnels ;
- financer un projet de reconversion professionnelle ;
- travailler à temps partiel ;
- bénéficier d’un départ anticipé à la retraite.
Les points inscrits sur le C2P sont valables jusqu’à ce qu’ils soient utilisés par le salarié ou que ce dernier soit admissible à la retraite ou qu’il décède (L.4163-5).
Qui est concerné par le dispositif ?
Le C2P est ouvert aux salariés des employeurs de droit privé, aux salariés soumis à un statut particulier et au personnel des personnes publiques employé dans les conditions du droit privé (L.4163-4). Il ne concerne pas « les salariés affiliés à un régime spécial de retraite comportant un dispositif spécifique de reconnaissance et de compensation des effets de l’exposition à certains risques professionnels » (tel que le régime de retraite des marins en vertu du décret n° 2014- 1617 du 24 décembre 2014).
Le C2P permet, ainsi, d’acquérir des droits à condition que le salarié :
- ait travaillé dans le secteur privé ;
- soit rattaché au régime général de la Sécurité sociale ou à la Mutualité sociale agricole ;
- soit lié par un contrat de travail d’au moins un mois ;
- soit exposé à un ou plusieurs facteurs de risques dépassant des seuils réglementaires.
Les facteurs de risques professionnels sont liés aux contraintes physiques marquées, à l’environnement physique agressif et à certains rythmes de travail. Tous ces facteurs de risques ne sont pas pris en compte dans le cadre du C2P.
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Les 6 facteurs de risques concernés
L’article L.4161-1 du code du travail définit les facteurs de risques professionnels. Ces derniers sont liés aux contraintes physiques marquées, à l’environnement physique agressif et à certains rythmes de travail. L’ensemble de ces facteurs de risques professionnels n’est pas pris en compte dans le cadre du C2P. En effet, selon l’article L.4163-1, seuls les facteurs de risques suivants doivent être déclarés par l’employeur, de manière dématérialisée, aux caisses de retraite :
- au titre de l’environnement physique agressif :
-
- les activités exercées en milieu hyperbare, étant précisé que sont concernées certaines activités lorsque les travailleurs sont exposés à une pression relative supérieure à 100 hectopascals réalisées avec ou sans immersion (R.4461-1). Ces activités regroupent les travaux hyperbares exécutés par des entreprises soumises à certification définis par arrêté tels que les travaux industriels, de génie civil ou maritimes et les interventions en milieu hyperbare réalisées à d’autres fins que celles-ci (notamment dans le cadre d’activités physiques ou sportives, culturelles, scientifiques, techniques, maritimes, aquacoles, de santé, de sécurité, et de secours) ;
-
- les températures extrêmes ;
-
- le bruit.
- au titre de certains rythmes de travail :
-
- le travail de nuit, défini comme étant « tout travail effectué au cours d’une période d’au moins neuf heures consécutives comprenant l’intervalle entre minuit et 5 heures ». La période de nuit débute au plus tôt à 21 h et se termine au plus tard à 7 h (L.3122-2) ;
-
- le travail en équipes successives alternantes ;
-
- le travail répétitif « caractérisé par la réalisation de travaux impliquant l’exécution de mouvements répétés, sollicitant tout ou partie du membre supérieur, à une fréquence élevée et sous cadence contrainte ».
Les seuils associés
Dans ce contexte, la réglementation associe à ces six facteurs de risques des seuils réglementaires devant être dépassés pour que les expositions des salariés soient déclarées par l’employeur et donc prises en compte dans le cadre du C2P (D.4163-2). Ces seuils se caractérisent par une intensité et une durée minimale d’exposition (voir les tableaux ci-dessous).
Seuils d’exposition aux six facteurs de risques concernés par le C2P (R.4163-2)
Environnement physique agressif | |||
---|---|---|---|
Facteur de risques professionnels | Seuil | ||
Action ou situation | Intensité minimale | Durée minimale | |
Activités exercées en milieu hyperbare | Interventions ou travaux | 1 200 hectopascals | 60 interventions ou travaux par an |
Températures extrêmes | Température inférieure ou égale à 5 °C ou au moins égale à 30 °C | 900 heures par an | |
Bruit | Niveau d’exposition au bruit rapporté à une période de référence de huit heures d’au moins 81 décibels (A) | 600 heures par an | |
Exposition à un niveau de pression acoustique de crête au moins égal à 135 décibels (C) | 120 fois par an |
Rythmes de travail | |||
---|---|---|---|
Facteur de risques professionnels | Seuil | ||
Action ou situation | Intensité minimale | Durée minimale | |
Travail de nuit | Une heure de travail entre 24 h et 5 h | 100 nuits par an | |
Travail en équipes successives alternantes | Travail impliquant au minimum une heure de travail entre 24 h et 5 h | 30 nuits par an | |
Travail répétitif | Temps de cycle inférieur ou égal à 30 secondes : 15 actions techniques ou plus | 900 heures par an | |
Temps de cycle supérieur à 30 secondes, temps de cycle variable ou absence de temps de cycle : 30 actions techniques ou plus par minute |
« Le décret n° 2023-760 du 10 août 2023 a réduit les seuils définis pour le travail de nuit et le travail en équipes successives alternantes. »
Récemment, le décret n° 2023-760 du 10 août 2023 a réduit les seuils définis pour le travail de nuit et le travail en équipes successives alternantes en faisant évoluer la durée minimale d’exposition respectivement de 120 à 100 nuits par an dans le premier cas et de 50 à 30 nuits annuelles, dans le second. Ce faisant, le facteur de risque « travail de nuit » est désormais reconnu, si un salarié effectue, pendant 100 nuits par an, une heure de travail comprise entre 24 h et 5 h.
Précisons que lorsque la durée minimale d’exposition est calculée en nombre d’heures par an, le dépassement du seuil nécessite de cumuler les durées pendant lesquelles se déroule chacune des actions ou pendant lesquelles chacune des situations est constatée (D.4163-5).
Déclaration des expositions
« L’exposition aux facteurs de risques professionnels est évaluée après application des mesures de protection collective et individuelle. »
Lorsque l’employeur déclare l’exposition des travailleurs à des facteurs de risques professionnels, il doit tenir compte des conditions habituelles de travail « caractérisant le poste occupé, appréciées en moyenne sur l’année » (D.4163-3). L’objectif est d’apprécier si l’activité du poste, effectuée sur l’année, expose le salarié au-delà des seuils fixés ci-dessus.
Encore une fois, cette exposition est évaluée après application des mesures de protection collective et individuelle (D.4163-5).
Manon Janvier
Consultante au service Assistance réglementaire de CNPP Conseil & Formation
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