Tempêtes de 2023 : le Pas-de-Calais sous les eaux

5 septembre 20247 min

Le département du Pas-de-Calais a connu des phénomènes météorologiques intenses à l’automne 2023. Retour d’expérience des inondations induites par les tempêtes sur les installations industrielles.

Ceci est une légende Alt

Au mois de novembre 2023, la France métropolitaine a été touchée par deux violentes tempêtes : Ciarán et Domingos, suivies de la dépression Élisa. Ces épisodes météorologiques, très marquants pour les populations concernées, n’ont pas été sans impact sur les installations industrielles, en raison des forts vents, mais aussi des pluies et/ou inondations conséquentes associées.

Fortes pluies et crues exceptionnelles

Les fortes pluies, notamment générées par la dépression Élisa, se sont concentrées à partir du 5 novembre 2023 sur le nord-ouest du Pas-de-Calais et se sont cumulées aux précipitations importantes des jours précédents. Cet épisode pluvieux, qui a duré jusqu’au 10 novembre, a provoqué des crues exceptionnelles sur certains cours d’eau, notamment la Liane, la Canche et l’Aa. Une accalmie est intervenue les 11 et 12 novembre avant une reprise des pluies le 13 novembre. Une large zone géographique, comprenant de nombreux sites industriels, a été concernée. Des montées des eaux se sont répétées à quelques jours d’intervalle, en lien avec les crues récurrentes. L’état de catastrophe naturelle[1] a d’ailleurs été reconnu le 15 novembre 2023 pour 181 villes du Pas-de-Calais, à la suite des dommages causés par les inondations et les coulées de boue survenues entre le 2 et le 12 novembre.

Inondations du Pas de Calais à Saint-Étienne-au-Mont - Crédit : Vincent Labroy/service communication du Sdis62

Pour les entreprises touchées par les inondations dans le Pas-de-Calais, les dégâts matériels ont été majeurs avec des pertes financières s’élevant parfois à plusieurs millions d’euros.

L’impact des inondations sur le tissu industriel

Huit événements, en lien avec ces épisodes météorologiques remarquables, touchant des installations industrielles dans le Pas-de-Calais, ont été recensés dans la base de données Aria. Ni mort, ni blessé n’ont été recensés. Par ailleurs, aucun phénomène dangereux (incendie, explosion ou rejet de matières dangereuses ou polluantes) n’a été observé. Toutefois, les dégâts matériels ont été majeurs avec des pertes financières s’élevant parfois à plusieurs millions d’euros.

Aria n° 61161, le 3 novembre 2023, Saint-Léonard (Pas-de-Calais).
À la suite de fortes pluies liées aux tempêtes Ciarán et Domingos, une imprimerie de 18 000 m² est inondée. L’eau monte jusqu’à 10 cm dans certaines parties du site. Le personnel procède au nettoyage des locaux. Trois jours plus tard, en raison des pluies liées à la dépression Élisa et des crues, une deuxième inondation se produit avec une montée des eaux jusqu’à 70 cm au niveau des équipements. Seuls les bateaux des pompiers peuvent accéder au site. Cinq jours plus tard, une nouvelle montée des eaux se produit. L’exploitant tente de protéger la seule rotative non encore impactée sur le site, car située en hauteur. Des barrages de sacs de sable sont mis en place pour limiter les entrées d’eau et de boue. Le nettoyage des locaux et des machines prend plusieurs semaines. Quatre rotatives sont impactées par les eaux. Les dommages sont estimés à plusieurs millions d’euros. 100 salariés sont au chômage partiel.

Aria n° 61155, le 6 novembre 2023, Lumbres (Pas-de-Calais).
À la suite de fortes précipitations liées à la dépression Élisa, une cimenterie est inondée. L’eau atteint les caves et jusqu’à 1,5 m au niveau des broyeurs. L’alimentation électrique est coupée de manière préventive par l’exploitant. Des groupes électrogènes assurent le maintien minimal de la rotation du four et des systèmes de sécurité avec des réserves de carburant pour 24 heures. Le lendemain, le niveau d’eau baisse et l’accès au site est rétabli. L’exploitant du réseau électrique restaure l’alimentation électrique dans la soirée. L’inondation cause d’importants dégâts matériels dans les caves et les broyeurs à ciment. Les installations contenant des produits dangereux ne sont pas touchées et aucune pollution n’est identifiée.

Prévention et protection

Les événements industriels liés aux pluies et aux inondations ne sont pas inéluctables et des marges de progrès existent afin de limiter leurs conséquences. Cela passe par une bonne prise en compte du retour d’expérience. En premier lieu, le suivi des prévisions météorologiques est indispensable, mais également des cartes du site d’information sur le risque de crues des cours d’eau (Vigicrues). Une identification préalable des zones pouvant être inondées est nécessaire et doit être accompagnée de l’évaluation de l’intensité potentielle de l’aléa (débit, hauteur d’eau, durée de submersion, vitesse de montée des eaux, typologie des phases de crue et de décrue…).

Il est important que les exploitants disposent, avant la survenue de l’événement météorologique, de moyens permettant de limiter la pénétration de l’eau sur leur site (tels des batardeaux, clapets antiretour sur les réseaux d’évacuation des eaux…) et anticipent les mesures à mettre en place pour limiter les impacts de l’arrivée d’eau, tels que le déplacement ou la surélévation de produits ou déchets dangereux – et notamment ceux réagissant avec l’eau – ou la limitation d’objets stockés en extérieur pouvant être emportés et générer des embâcles.

La perte d’alimentation électrique

L’attention des exploitants doit également se porter sur les pertes d’alimentation électrique et leurs conséquences sur les sites industriels. Au-delà de disposer d’une alimentation de secours, leur vigilance doit se porter sur les équipements nécessitant d’être secourus, la durée d’autonomie nécessaire, ainsi que les conditions de mise en œuvre de cette alimentation secondaire. En effet, en cas de fortes pluies et d’inondations, de nombreuses routes peuvent être coupées empêchant notamment le déplacement des employés, mais également les approvisionnements en équipements de secours et carburant.

L’attention des exploitants des sites industriels doit également se porter sur les pertes d’alimentation électrique et leurs conséquences.

Inondations du Pas de Calais à Saint-Étienne-au-Mont - Crédit : Vincent Labroy/service communication du Sdis62

Pompage et retour à la normale

Enfin, les exploitants doivent estimer leur besoin de capacités de pompage, nécessaire dans des situations impactant une zone géographique importante et durant laquelle la mobilisation des secours publics est principalement orientée vers l’assistance aux populations. Cette phase de pompage et la phase de nettoyage qui suit sont indispensables avant tout « retour à la normale » et ne doivent pas être négligées en raison de leur temporalité et des conséquences sociales souvent associées (chômage technique des salariés). L’anticipation et la préparation à la survenance de tels événements sont donc indispensables, d’autant qu’un quart des Français est aujourd’hui exposé au risque inondation, risque pouvant être aggravé par le changement climatique.

[1] L’état de catastrophe naturelle est une garantie mise en place par l’État depuis 1982 afin d’indemniser les victimes d’épisodes naturels rares (sécheresse, orages violents, inondations, coulées de boue, avalanches, séismes…). Un arrêté interministériel précise les communes reconnues en état de catastrophe naturelle, les périodes pendant lesquelles les faits se sont produits et la nature des dommages causés par la catastrophe naturelle.

À lire également

Consultez la synthèse du Barpi sur le retour d’expérience des tempêtes de 2023, plus complète que cet article.

Ce document synthétise les éléments enregistrés dans la base de données Aria concernant les installations classées pour la protection de l’environnement soumises à autorisation. Il met en exergue les enseignements tirés de ces événements météorologiques sur les installations industrielles. Il est illustré d’exemples issus de la base de données Aria dont les résumés sont cités en tout ou partie. Cette synthèse permet de rappeler les bonnes pratiques pour se prémunir ou limiter les conséquences des incidents et accidents industriels lors des épisodes de tempête.

Partagez cet article !


Article extrait du n° 603 de Face au Risque : « Le risque inondation » (septembre-octobre 2024).

Aurélie Baraër, chargée de mission au Barpi

Aurélie Baraër

Chargée de mission au Bureau d’analyse des risques et pollutions industriels (Barpi)

---

Les plus lus…

Inscrivez-vous
à notre
newsletter

Recevez toutes les actualités et informations sûreté, incendie et sécurité toutes les semaines.