Accidentologie industrielle : l’inventaire 2023 du Barpi est paru

26 août 20246 min

Si le nombre et la typologie des accidents survenus en 2023 sur des sites industriels est relativement stable, la remontée des incidents est en légère progression. L’analyse de l’accidentalité industrielle du Barpi pointe certains secteurs, certains phénomènes et certaines technologies comme les déchets et les batteries lithium, tout en déplorant une baisse de la qualité du retour d’expérience de la part des industriels.

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Comme tous les ans, le Bureau d’analyse des risques et pollutions industriels (Barpi) a publié son inventaire des incidents et accidents technologiques issus des événements enregistrés dans la base Aria (Analyse, recherche et informations sur les accidents) durant l’année 2023.

Recensant environ 1900 nouveaux événements par an, la base Aria totalise près de 60 800 accidents et incidents technologiques survenus en France ou à l’étranger plus de 30 ans après sa mise en service en 1993.

Cette base, unique au monde, est une source de retour d’expérience permettant de mieux identifier les risques naturels et technologiques et de mieux évaluer les risques majeurs. Riches de multiples scénarios mettant en jeu des produits chimiques, des substance toxiques, des produits et liquides inflammables, elle constitue le socle incontournable des plans de préventions des risques.

Cette édition 2024 de l’inventaire, centrée sur les événements 2023, fait apparaître une certaine stabilité en termes de prévention et de maîtrise des risques industriels, tant du point de vue du nombre d’accidents recensés, que des secteurs les plus accidentogènes et des phénomènes généralement observés. Cependant, derrière cette régularité, certaines tendances à l’œuvre et certains phénomènes ou technologies impliqués incitent à la vigilance sur certains dangers.

Une stabilité concernant l’accidentologie industrielle

85 % des événements sont observés dans les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Le transport de matières dangereuses est le domaine d’activité le moins représenté (1 %) dans les enregistrements d’événements de la base Aria en 2023.

Le nombre d’accidents enregistrés dans les ICPE est relativement stable, avec 404 accidents au total (+ 3 % par rapport à 2022). Ils se décomposent comme suit :

  • 2 accidents majeurs ;
  • 82 accidents sur des sites Seveso (seuil haut ou seuil bas) ;
  • 320 accidents en ICPE hors Seveso.

Accidentologie industrielle : les secteurs d’activité les plus accidentogènes

Le top 5 des secteurs d’activité les plus accidentogènes, où les risques technologiques sont les moins maîtrisés, ne varie pas (répartition en pourcentage du total des accidents) :

  1. Déchets – eaux usées : 15 % ;
  2. Agroalimentaire : 14 % ;
  3. Chimie – Pharmacie : 11 % ;
  4. Agriculture – Elevage : 9 % ;
  5. Métallurgie : 8 %.

Les phénomènes dangereux et les conséquences liés aux accidents

Les rejets de produits ou matières dangereuses constituent toujours le phénomène dangereux prépondérant (73 %) des accidents intervenus sur les sites indiustriels, suivi des incendies (45 %).

Parmi les suites observées au titre des accidents enregistrés en 2023, les conséquences économiques restent les plus fréquentes (75 %). Viennent ensuite les conséquences environnementales (68 %), les conséquences sociales (environ 37 %) et enfin les conséquences humaines (25 %).

Des incidents industriels en hausse

A contrario des accidents, le nombre d’incidents enregistrés est en hausse constante sur la dernière décennie : 840 incidents ICPE ont été recensés en 2023, contre un peu moins de 800 en 2022 (+ 5 %). En 2014, un peu plus de 400 incidents seulement étaient répertoriés dans l’inventaire.

À noter que le secteur de la chimie fine enregistre une forte hausse en 2023 avec 16 incidents répertoriés.

Cette hausse tendancielle et générale des incidents industriels sur la décennie n’est pas forcément une mauvaise nouvelle. En effet, le Barpi l’attribue à une collecte de plus en plus fine des événements, et donc une remontée d’informations plus efficace auprès des services de l’Etat, c’est-à-dire les services de l’Inspection des sites réglementés par le code de l’Environnement (lire l’encadré ci-dessous).

Un retour d’expérience sur les accidents industriels moins qualitatif

Les investigations du Barpi reposent en partie sur les rapports post-accidents transmis par les industriels. Les observations des agents du Barpi font apparaître deux dégradations dans la recherche des causes des accidents :

  • une baisse du taux de connaissance des perturbations avérées : il était de 76 % en 2022, il n’est plus que de 70 % en 2023 ;
  • une baisse du taux de connaissances des causes profondes : il était de 39 % en 2022, il s’établit désormais à 30 % en 2023. C’est notamment le cas pour le secteur de la chimie, où les rapports d’accidents ne recherchent les causes profondes que dans 47 % des cas (au lieu de 60 % en 2022).

NaTech, lithium, déchets… des points de vigilance

Fruit de son observation fine des événements nouvellement entrés dans la base Aria en 2023, le Barpi fait un focus sur divers sujets de risques industriels.

C’est le cas du risque NaTech (naturel et technologique), qui à la faveur du passage de plusieurs tempêtes sur le territoire métropolitain fin 2023, a pu engendrer des inondations, des pertes d’alimentation électrique sur certains sites industriels ou des défaillances de la sûreté hydraulique sur des ouvrages tels que les digues et les barrages.

Les événements liés aux batteries lithium ont quasiment doublé entre 2022 et 2023, avec l’incendie comme phénomène dangereux majoritaire. Une préoccupation prégnante autant pour les systèmes de stockage stationnaire d’énergie ou les entrepôts abritant des batteries, que le secteur déchets régulièrement affecté par des erreurs d’orientation des piles ou batteries lithium.

Le Barpi souligne que des textes réglementaires (trois arrêtés publiés fin 2023, un arrêté publié début 2024) visant certaines installations de traitement de déchets ont été publiés pour renforcer les prescriptions applicables concernant la gestion des déchets, les mesures de prévention (surveillance,…) et les dispositifs d’extinction des incendies.

Au regard de l’année 2023, le Barpi fait aussi un focus sur la sécurité des silos, la formation du sulfure d’hydrogène (H2S) dans l’industrie agroalimentaire ainsi que sur l’analyse des risques à améliorer, notamment dans le secteur de la chimie fine (où près de 90 % des événements se traduisent par des rejets de matières dangereuses ou polluantes, à la suite d’un défaut matériel dans 74 % des cas).

Rapports d’incidents/accidents : la télédéclaration prévue pour 2026

Dans son éditorial, le directeur de la DGPR Cédric Bourillet annonce le développement en cours d’une téléprocédure pour que les exploitants puissent déclarer les incidents et accidents dont ils font l’objet, ainsi que pour la transmission du rapport d’accident à l’Inspection des installations classées. Il est prévu d’associer les parties prenantes à ce projet afin de disposer d’un outil simple et pertinent pour tous.

Rappelons que ces deux actions, déclaration des incidents/accidents et transmission du rapport d’accident, sont des obligations à effectuer dans les meilleurs délais par l’exploitant.

Après une phase de test courant 2025, la généralisation de la télédéclaration est prévue pour le 1er janvier 2026.

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Bernard Jaguenaud, rédacteur en chef

Bernard Jaguenaud – Rédacteur en chef

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