Un nouveau règlement européen pour les machines
Après avoir fêté ses 20 ans d’existence, la directive « Machines » de 2006 tirera sa révérence en 2027 pour laisser place à un règlement publié le 29 juin 2023. Quelles sont les évolutions apportées par cette réforme ? Tour d’horizon des points saillants de ce nouveau texte.
Règlement vs directive : un choix tout sauf anodin
Dans un domaine aussi pointu et évolutif que celui des machines, le cadre réglementaire fixé par la directive 2006/42/CE du 17 mai 2006 avait bien besoin d’un dépoussiérage. Mais pourquoi les instances européennes ont-elles préféré l’instrument juridique du règlement plutôt qu’une directive bis ?
La réponse se trouve dans les considérants du règlement (ces paragraphes introductifs destinés à éclairer le contexte réglementaire et présenter la motivation de l’acte). Il s’agit ici d’un souhait d’uniformisation, à travers le choix d’un texte qui :
- contient les mêmes règles pour tous les États membres, sans interprétation ou application divergente possible ;
- ne nécessite pas de transposition et s’applique donc directement en droit national.
À noter que cette préférence affichée pour le règlement semble de plus en plus marquée dans le droit de l’Union, comme en témoignent les récentes harmonisations de la réglementation en matière de :
- sécurité des produits (règlement 2023/988 du 10 mai 2023 abrogeant la directive 2001/95/CE);
- de déploiement d’infrastructures pour carburants alternatifs (règlement 2023/1804 du 13 septembre 2023 abrogeant la directive 2014/94/UE);
- de batteries (règlement 2023/1542 du 12 juillet 2023 abrogeant la directive 2006/66/CE).
« Les machines existantes non modifiées ne sont pas concernées et demeurent régies par la réglementation applicable au moment de leur mise sur le marché. »
Quand la cybersécurité pousse la porte de la réglementation Machines
Le champ d’application reste quasiment identique à celui de la réglementation antérieure, le texte introduisant seulement la notion de «produits connexes» afin de clarifier le fait que ces équipements sont bien concernés par les dispositions du règlement.
On notera toutefois que la définition du terme « machine » évolue afin de prendre en compte les « ensembles auxquels manque seulement le téléchargement du logiciel destiné à l’application spécifique prévue par le fabricant ». Surtout, les exigences essentielles de sécurité existantes sont maintenues et confortées et de nouvelles exigences viennent couvrir la thématique de la cybersécurité et plus particulièrement les machines autoévolutives. Cette prise en compte des risques liés aux nouvelles technologies, toute nécessaire qu’elle soit au regard de la généralisation des menaces, s’avère loin d’être évidente à traduire en exigences réglementaires claires, concrètes et surtout durables. Le règlement Machines se tire plutôt bien de cet exercice, en exigeant des fabricants qu’ils prennent des mesures proportionnées se limitant à la protection de la sécurité des machines « contre les dangers de corruption qui pourraient être causés par le raccordement à celles-ci d’un autre dispositif, par l’intermédiaire de toute caractéristique du dispositif connecté lui-même ou de tout dispositif distant qui communique avec la machine ».
Cette exigence généraliste évite habilement l’écueil de prescriptions trop techniques et précises qui seraient mal comprises des opérateurs économiques et rapidement obsolètes.
Le terme « machine » prend désormais en compte les « ensembles auxquels manque seulement le téléchargement du logiciel destiné à l’application spécifique prévue par le fabricant ». © Sergey Ryzhov- AdobeStock
Clarification des rôles des différents acteurs : utilisateurs, gare aux modifications substantielles !
Le règlement opère une redéfinition du rôle de chaque opérateur en ce qui concerne le respect des exigences essentielles de sécurité et la procédure de conformité (cf. tableau ci-dessous). En particulier, les obligations des importateurs et des mandataires sont précisées. Le terme « déclaration CE de conformité » est mis à jour et uniformisé avec les textes plus récents qui prévoient une « déclaration UE de conformité » (de son côté, le marquage demeure « CE »).
À noter qu’une évaluation de la conformité par un organisme tiers est rendue obligatoire pour les machines les plus dangereuses.
Exigences essentielles de sécurité et procédure de conformité
Partie prenante | Référence | Rôle |
---|---|---|
Fabricant | Articles 10 et 11 | Exigences de sécurité, documentation technique, déclaration UE de conformité ou d’incorporation, procédures d’évaluation, marquage CE. |
Mandataires | Article 12 | Relais avec les autorités de surveillance du marché. |
Importateurs | Articles 13 et 14 | Vérification du respect des procédures d’évaluation, documentation technique, présence du marquage CE, notice. |
Distributeurs | Articles 15 et 16 | Marquage CE, déclaration UE de conformité ou d’incorporation, notice. |
Importateurs et distributeurs en nom ou marque propre | Article 17 | Idem fabricant ! |
Utilisateur professionnel procédant à une modification substantielle | Article 18 | Idem fabricant ! |
Dernier tribut payé à la modernité, la notice d’instruction dématérialisée devient la norme, sa version papier n’étant plus fournie que sur demande de l’utilisateur.
La disposition la plus impactante concerne l’introduction de cas supplémentaires dans lesquels les obligations des fabricants ont vocation à s’appliquer. À ce titre, seront soumis aux mêmes obligations et endosseront ainsi le rôle de fabricant :
- l’importateur ou le distributeur mettant un produit sur le marché sous son propre nom ou sa propre marque, ou le modifiant de telle manière que la conformité aux exigences risque d’en être affectée ;
- un utilisateur professionnel qui y apporte une modification substantielle.
La modification substantielle se définit comme celle qui « par des moyens physiques ou numériques, après la mise sur le marché ou la mise en service de la machine ou du produit connexe, n’est pas prévue ou planifiée par le fabricant et qui affecte la sécurité de l’équipement en créant un nouveau danger ou en augmentant le risque existant, ce qui rend nécessaire :
- l’ajout de protecteurs ou dispositifs de protection dont la mise en œuvre nécessite la modification du système de commande de sécurité existant ;
- ou l’adoption de mesures de protection supplémentaires visant à assurer la stabilité ou la résistance mécanique de la machine ou du produit connexe ».
Dans la pratique, les machines utilisées à titre professionnel peuvent faire l’objet de modifications pour de multiples raisons : adéquation avec les exigences de production ou d’organisation du travail, assemblage avec d’autres machines, amélioration du niveau de sécurité… Jusqu’ici, la démarche préconisée par le «Guide technique relatif aux opérations de modification des machines ou des ensembles de machines en service » (ministère du Travail, juillet 2019) consistait à réaliser une analyse de risques, vérifier l’efficacité des mesures de prévention existantes au regard des nouveaux risques mis au jour et, si nécessaire, les renforcer. L’établissement d’un dossier de modification permettait également d’assurer la traçabilité de la modification effectuée et de justifier du maintien en conformité de la machine.
Demain, avec le règlement, les obligations pour « l’utilisateur-fabricant » seront accrues : évaluation de conformité sur la partie modifiée, marquage CE, fourniture de la documentation technique… Les responsabilités et coûts induits par toute modification substantielle pèseront donc bien plus lourd qu’actuellement.
Cap sur 2027 et application sans transition
À de rares exceptions près (certaines dispositions s’appliquant de manière anticipée), le règlement s’appliquera le 20 janvier 2027. À cette date, il remplacera purement et simplement l’actuelle directive de 2006, sans qu’aucune période de coexistence ne soit organisée entre les deux textes. Il a été considéré que la publication du règlement durant l’été 2023 laissait suffisamment de temps aux opérateurs économiques pour en prendre connaissance et se préparer à son application 42 mois plus tard.
À noter qu’en l’absence de rétroactivité de l’acte, les machines existantes non modifiées ne sont pas concernées et demeurent régies par la réglementation applicable au moment de leur mise sur le marché.
Article extrait du n° 602 de Face au Risque : « Les Pfas dans les rejets acqueux » (juillet-août 2024).
Morgane Darmon
Consultante experte au service Assistance réglementaire de CNPP Conseil & Formation
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