Les feux de forêt, un péril qui ne doit plus être ignoré

« Les feux de forêt et les dommages qu’ils peuvent occasionner à une usine ou un site sont connus de longue date par les entreprises et les risk managers. Mais les choses ont dramatiquement changé en quelques années, car des régions du globe dans lesquelles ce risque était peu présent y sont désormais confrontées, et c’est le cas au nord de la Loire en France. Le centre de la Bretagne a été affecté pendant l’été 2022, et il faut prendre conscience que ce n’est pas une exception. Ce risque expose à la fois les personnes et les actifs industriels », détaille Michel Josset, directeur Assurance et Prévention chez Forvia et référent climat de l’Amrae. C’est également un fort potentiel de pertes d’exploitation sans dommage.

En Bretagne, plus de 2 000 hectares ont été ravagés par l’incendie précédemment évoqué. C’est un traumatisme pour la région, mais aussi un signal d’alerte généralisé : d’autres régions moins exposées dans le passé, comme la Picardie et les Vosges, risquent d’en faire la même triste expérience, alors même que le risque reste élevé dans les régions du sud historiquement exposées (plus de 30 000 hectares brûlés en Nouvelle-Aquitaine en 2022).

« Nombre d’entreprises ne sont pas préparées à ce risque. Une prise de conscience est prioritaire, mais la bonne nouvelle, c’est qu’il y a vraiment des choses à faire pour se protéger et des outils efficaces pour prévenir le risque », souligne Michel Josset.

Depuis les graves incendies dans les Landes, il est possible de bénéficier d’un système d’alerte. « Predict Services a commencé à travailler avec Groupama et les collectivités territoriales sur le risque inondation. Ensuite, les collectivités et les assureurs ont souhaité être accompagnés sur le risque de submersion marine, la tempête puis le feu de forêt. Un partenariat avec l’ONF nous permet d’analyser la cartographie des zones à risque de feux de forêt et d’aider à identifier les vulnérabilités… Les acteurs peuvent élaborer le volet feu de forêt du plan communal de sauvegarde (PCS) et mener des actions sur les journées où le risque est particulièrement élevé », explique Alix Roumagnac, président de Predict Services.

À partir d’une salle de gestion de crise, ses équipes jouent un rôle de vigie sur chacun des risques annoncés et gèrent notamment des envois de messages aux communes, aux assurés, qu’ils soient particuliers ou entreprises. À partir d’une seconde salle de gestion de crise (le Sémaphore), le même type de système d’alerte précoce et d’assistance technique est proposé pour différents pays étrangers, avec des périls supplémentaires comme les cyclones.

« Vu le décrochage observé dans l’intensité du risque, il faut immédiatement prendre des mesures d’adaptation », estime Alix Roumagnac.

« Les modèles traditionnels des assureurs sont basés sur des données historiques. Regarder le passé ne peut plus suffire à évaluer le risque. Nous travaillons avec Kayrros et des images satellites, dont la résolution est élevée et peut aller jusqu’à la dizaine de mètres dans certaines zones », souligne Pierre du Rostu, qui dirige Axa Digital Commercial Platform, récemment allié à Kayrros pour proposer une aide à la prévention à ses clients entreprises.

« Les risques dits naturels liés au climat doivent être abordés avec de nouveaux outils, adaptés à l’augmentation de leur fréquence et de leur intensité. L’exposition croissante des actifs industriels à l’aléa incendie ne trouve pas nécessairement sa cause dans l’activité ou l’organisation de l’entreprise elle-même, mais tout autant dans l’environnement de ses sites et des facteurs de risques qui y sont directement associés. Leur évolution rapide sur certains territoires nécessite une mise à jour précise et fréquente qui donne tout son intérêt à des solutions basées sur l’imagerie satellitaire couplée à l’intelligence artificielle, détaille Julien Camus, directeur administratif de Kayrros. La cartographie précise de l’exposition d’un site aux feux de forêt est basée sur une méthodologie développée et améliorée depuis trois ans avec Axa qui permet de découper le territoire en carrés de 50 mètres de côté pour lesquels jusqu’à 20 facteurs physiques sont mesurés, la plupart par images satellites. Pour chaque point du globe que l’on couvre, un score de 0 à 100 est calculé. Ce chiffre et son évolution d’une année sur l’autre s’expliquent en fonction des 20 facteurs. »

Les cartes proposées sont affichées en couleur, pour en faciliter la lecture et l’interprétation, mais chaque point a un score propre et explicable par la contribution de chaque facteur. « Ce qui distingue notre technologie, c’est la granularité de notre diagnostic, issu des observations satellites qui permettent de connaître l’humidité des sols, la hauteur et la santé de la végétation, la pente, la proximité d’infrastructures ou de voies de circulation, avec un historique. Cette information permet d’adapter et dimensionner en permanence les mesures de prévention et de lutte ainsi que les plans de continuité d’activité de chaque site », explique Julien Camus.

« Le modèle concourt à mieux comprendre le risque. Une solution numérique mise à disposition gratuitement des assurés d’AXA XL et d’AXA France leur permet, en saisissant une adresse ou des coordonnées GPS, de connaître le risque de feu de forêt », ajoute Pierre du Rostu. Il est aussi possible de déterminer l’exposition aux feux de forêt d’une entreprise que l’on souhaite acheter. Une fois identifiés les sites effectivement exposés aux feux de forêt, il faut mettre en place des mesures de prévention et de protection très concrètes.

« Nous intervenons sur le terrain, comme pour des visites incendie, mais l’analyse est focalisée sur le seul risque de feu de forêt par des ingénieurs spécialisés. Il faut passer en revue les constructions, les schémas d’alimentation de l’eau, du gaz, de l’électricité…, les routes d’accès, la topologie du terrain, les moyens actifs et passifs de protection », détaille Raphaël Papin, consultant senior chez Sigma 7 Paragon.

À l’issue de la visite, Sigma 7 Paragon propose un descriptif avec des pertes estimées par bâtiment en fonction de la construction, de la distance avec la végétation et des mesures de prévention et de protection très concrètes à mettre en œuvre, comme le débroussaillage. « Ces visites dédiées à l’analyse des feux de forêt ont été mises en place en Californie il y a une dizaine d’années, une des premières régions du globe à avoir été ravagée par des mégafeux », explique Raphaël Papin. Bien entendu, la démarche est conseillée aussi pour des projets de construction de nouveaux sites, mais également comme préalable à la mise en place d’un contrat d’assurance paramétrique.

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Article extrait du n° 602 de Face au Risque : « Les Pfas dans les rejets acqueux » (juillet-août 2024).
Article publié initialement dans Atout risk manager n° 38 – Automne 2023.