Recharge de chariots élévateurs équipés de batteries lithium-ion
Est-il possible de recharger les chariots élévateurs équipés de batteries lithium-ion dans les ateliers et non dans un local de charge dédié ?
Un seuil de 600 kW pour les chargeurs de batteries sur un même lieu
La rubrique 2925 de la nomenclature des ICPE est consacrée aux ateliers de charge d’accumulateurs.
Pour les batteries lithium-ion, le classement sous cette rubrique s’effectue dès lors que la puissance maximale de courant utilisable pour l’opération est supérieure à 600 kW.
En conséquence, les dispositions de l’arrêté de prescriptions générales de la rubrique 2925 (arrêté du 29 mai 2000) s’appliquent à partir du moment où les chargeurs sont regroupés dans un lieu et dépassent le seuil des 600 kW. En-dessous de ce seuil, la rubrique 2925 de la nomenclature des ICPE et ses prescriptions ne sont pas applicables. Et de ce fait, il est possible d’avoir des chargeurs qui sont « disséminés » dans les ateliers.
Des cas particuliers de recharge pour certains entrepôts
Toutefois, des cas particuliers sont à prendre en compte au titre de la réglementation ICPE.
En premier lieu, pour les entrepôts classés sous la rubrique 1510 (stockage de matières, produits ou substances combustibles dans des entrepôts couverts), l’arrêté de prescriptions générales du 11 avril 2017 (applicable à l’ensemble des régimes – déclaration, enregistrement, autorisation) prévoit que « la recharge de batteries est interdite hors des locaux de recharge en cas de risques liés à des émanations de gaz. En l’absence de tels risques, pour un stockage non automatisé, une zone de recharge peut être aménagée par cellule de stockage sous réserve d’être distante de 3 mètres de toute matière combustible et d’être protégée contre les risques de court-circuit. Dans le cas d’un stockage automatisé, il n’est pas nécessaire d’aménager une telle zone. »
En fonctionnement normal, les batteries lithium-ion ne dégagent pas d’hydrogène pendant la charge. Dès lors, il est possible de recharger les batteries dans les cellules sous réserve de respecter la distance de 3 m avec les matières combustibles et la protection contre les courts-circuits.
Cette même disposition se retrouve, pour le régime de l’enregistrement et non pour celui de la déclaration, dans les arrêtés de prescriptions générales applicables aux entrepôts de stockage de matières combustibles classés sous des rubriques spécifiques :
- 1511 – entrepôts frigorifiques ;
- 1530 – papier ;
- 1532 – bois ;
- 2662 – stockages de polymères ;
- 2663 – stockage de pneumatiques et produits composés d’au moins 50% de polymères.
Attention aux arrêtés préfectoraux
En second lieu, il convient également de vérifier pour chaque site concerné s’il existe des dispositions spécifiques à ce sujet dans les arrêtés préfectoraux d’autorisation d’exploiter.
Le risque de projections
Un lecteur attentif de cet article question/réponse nous a fait une remarque intéressante à propos de l’espacement de 3 mètres prescrit par la réglementation entre la zone de recharge et toute matière combustible. Faisant valoir un test expérimental d’emballement thermique sur une batterie lithium-ion équipant un vélo électrique ayant montré des « projections incandescentes à plus de 10 mètres durant plus de 10 minutes », ce lecteur reste dubitatif sur cette valeur d’espacement de 3 mètres recommandée par l’arrêté du 11 avril 2017.
Le point de vue de l’expert
Jimmy Vaugon, responsable expérimentation comportement au feu à CNPP.
« Lors de nos essais feu sur batteries lithium-ion, nous constatons régulièrement des projections de débris de cellules 18650 jusqu’à une dizaine de mètres effectivement : les enveloppes métalliques cylindriques et des restes de collecteurs de cuivre et d’aluminium (feuilles qui se trouvaient dans les cylindres et qui se sont déroulées).
Ces éléments s’éteignent en général rapidement, mais certains sont incandescents voire enflammés, ou au moins très chaud avec l’inertie thermique du métal. Nous n’avons pas de retour d’expérience sur un risque de propagation via ces éléments projetés autour de la batterie en emballement, mais en théorie le risque ne peut être écarté. Ce comportement avec des projections est finalement proche de ce qu’on peut retrouver avec les bouteilles d’aérosols d’un point de vue risque de projection d’éléments chauds/enflammés (et donc de création de foyers secondaires).
A noter que certains facteurs peuvent limiter ou fortement réduire cette distance de projection, comme des carters métalliques de protection (une batterie dans un chariot n’est pas “à découvert”). A contrario, dans les démonstrations que l’on a pu réaliser avec les batteries lithium-ion de vélo électrique, l’enveloppe du pack en plastique fond rapidement, et rien n’empêche les cellules d’être projetées. Il faut noter que nous avons tout de même récemment constaté des projections avec des batteries à enveloppe métallique dès lors qu’une brèche suffisamment grande se crée.
Par ailleurs, les packs de batteries composées d’autres types de cellules que les 18650 cylindriques (par exemple de type Pouch, les poches souples) sont moins sujettes aux projections, mais plus à des jets de gaz enflammés sous forme de dards de flammes. C’est ce que l’on retrouve le plus avec les packs de véhicules électriques que l’on teste au laboratoire du feu. Le constructeur Tesla est une exception avec certains de ses modèles équipés de batteries à cellules cylindriques, mais là encore la carrosserie de la voiture limite les distances de projection, au moins sur une certaine durée ».
Propos recueillis par Bernard Jaguenaud
Manon Janvier
Consultante au service Assistance réglementaire de CNPP Conseil & Formation
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