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Sécurité des chantiers : des perspectives attrayantes
Les gestionnaires de chantiers semblent de plus en plus convaincus de la nécessité de protéger leurs sites. Un marché épargné par la guerre des prix et intégrant davantage de technologies sophistiquées.
Même si la tendance dans le BTP est actuellement à la récession, la protection des chantiers a toujours le vent en poupe. Une explication à cette situation paradoxale ? Elle est simple : la multiplication des vols, avec des préjudices financiers sans cesse plus importants, incite les gestionnaires de chantiers à mettre en place une protection physique ou électronique. « C’est un marché qui se porte très bien. Le fléau des vols sur les chantiers prend une proportion inédite : il n’est pas rare qu’un site soit visité plusieurs fois la même nuit par différentes équipes de voleurs », nous affirme Vincent Pailler, directeur général de Prodomo, leader français de l’installation de systèmes pour la protection de chantiers et filiale du groupe VPS.
« La protection électronique de chantiers connaît un véritable engouement depuis quelques années. Le prix des matériaux stockés sur les chantiers a augmenté ce qui explique la recrudescence de vols, notamment de cuivre ou d’aluminium. Les voleurs sont également à la recherche de carburant ou d’outillage », note pour sa part Jean-Philippe Chassot, directeur commercial de Kooi France, filiale du groupe néerlandais concepteur de tours de vidéosurveillance provisoires.
Une demande très dynamique
Sur environ 22 000 chantiers actifs en France en 2023, plus de 30 % sont surveillés par des agents et 18 % sont protégés uniquement par des moyens électroniques alors qu’on était seulement à un peu plus de 5 % en 2020, selon une étude d’En Toute Sécurité. La crise sanitaire et l’absence de personnel travaillant sur les chantiers à cette époque a généré davantage de vols et provoqué une prise de conscience des risques encourus. La première protection passe généralement par un renforcement de la protection physique (clôtures, portes plus ou moins solides, contrôle d’accès, etc.) et par le recours à des agents de sécurité privée.
La sécurité des chantiers en chiffres en 2023.
Source : En Toute Sécurité.
Nombre de chantiers protégés par sécurité électronique
Nombre de chantiers surveillés par des agents
22 000
Nombre de chantiers
actifs en France
Mais un rapide calcul montre qu’une installation provisoire d’alarme et de vidéosurveillance – un chantier dure en moyenne de six mois à un an – est moins onéreuse qu’une surveillance humaine. Le matériel électronique, principalement proposé en location, revient entre 300 € HT à 3 000 € HT par mois selon la taille du chantier et la nature des équipements utilisés. De plus, la pénurie structurelle d’agents de sécurité favorise le recours à la sécurité électronique. Il est d’ailleurs probable que le manque général de personnel va s’aggraver de mai à septembre à l’occasion des Jeux olympiques, ce qui va stimuler la demande pour la protection électronique de la part des gestionnaires de chantiers.
Il est probable que le manque général d’agents de sécurité s’aggrave à l’occasion des Jeux olympiques, ce qui va stimuler la demande pour la protection électronique.
Le marché se scinde entre la protection des bâtiments (deux tiers environ) et celle des travaux publics (un tiers). La première catégorie concerne surtout la surveillance des échafaudages alors que la seconde nécessite des matériels plus nombreux et sophistiqués sur une période plus longue. On observe notamment une forte demande émanant de la SNCF pour la surveillance de ses chantiers ou de la part des collectivités pour lutter contre le dépôt sauvage d’ordures.
Les opérateurs de la protection de chantiers se diversifient tous dans des domaines voisins comme l’événementiel – les tours vidéo seront par exemple utilisées pour la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, mais aussi pour les « fan zones » –, ou les parcs photovoltaïques et éoliens.
Davantage de services associés
Avec l’augmentation du prix des matériaux stockés sur les chantiers, les vols sont en recrudescence, ce qui explique une demande croissante de surveillance.
© Roman23203-AdobeStock
Le marché de la protection par tours équipées de caméras connectées à un PC de sécurité est donc en forte croissance – de l’ordre de + 15 % par an – pour se situer en dessous de 100 M€, tandis que l’activité globale comprenant la surveillance humaine, la protection physique et électronique dépasse les 400 M€, selon En Toute Sécurité. Sachant que la majorité des chantiers n’est pas protégée du tout, on peut imaginer que l’avenir est prometteur.
« Un dispositif électronique n’empêche pas une intrusion illicite, mais réduit le temps de présence des voleurs sur place », souligne le dirigeant de Prodomo.
Les caméras montées sur des mâts intègrent davantage de services : le néerlandais BauWatch vient ainsi de lancer des tours équipées de projecteurs pour dissuader les voleurs ou de panneaux solaires pour une utilisation plus longue. « L’amélioration de l’autonomie des matériels, de même que la problématique de la décarbonation sont devenues un argument fort », analyse Jean- Philippe Chassot.
La demande porte également sur des caméras thermiques : elles peuvent détecter une personne se déplaçant sur un site, mais aussi un début d’incendie.
Le véritable enjeu se trouve dans la gestion et la présentation des informations récoltées. Un tableau de bord du nombre d’alarmes, de leur localisation précise, des interventions effectuées après le déclenchement d’un incident devient un critère de choix essentiel pour les donneurs d’ordres. Le recours à l’intelligence artificielle va forcément se développer pour les usages de détection et pour la maintenance. De plus, une cybersécurité robuste des caméras et des systèmes de transmissions est plébiscitée.
Dans un avenir plus ou moins proche, on peut anticiper une « ubérisation » de l’intervention sur alarme : l’opérateur d’un PC de sécurité peut solliciter tous les véhicules se déplaçant à proximité d’un chantier où des voleurs ont pénétré et il choisit celui qui est le plus près.
La demande dynamique n’incite pas les sociétés à baisser leurs tarifs. « On n’observe pas de guerre des prix dans ce métier. Les sociétés ont bien conscience qu’il ne faut pas rééditer la situation concurrentielle tendue qui sévit dans la surveillance humaine », analyse le directeur commercial de Kooi France.
Prix mensuel à la location pour la protection d’un chantier en 2024.
Source : En Toute Sécurité.
Surveillance avec tour vidéo
2 500 - 3 000 € HT
Surveillance d’un petit chantier
1 500 € HT
Surveillance d’un échafaudage
300 - 400 € HT
Un marché pas encore stabilisé
Malgré le développement accéléré de la demande, la France est encore largement en retard par rapport à d’autres pays européens, notamment la Scandinavie où une majorité de chantiers sont désormais protégés électroniquement.
« Le marché français n’est pas encore mûr », affirme Jean-Philippe Chassot. On recense en effet un leader – Prodomo détient près de la moitié du parc des chantiers protégés électroniquement – qui cohabite avec des concurrents dont les parts de marché sont fluctuantes.
Prodomo a d’ailleurs été le pionnier de la protection de chantiers en France puisque la société a été créée en 1996. Fragilisée par l’apparition de concurrents, elle a été placée en redressement judiciaire en 2013 et rachetée deux ans plus tard par VPS. Devenue rentable, elle a connu une croissance rapide depuis cet épisode malheureux : passant de 7,5 M€ en 2015, elle a atteint la barre des 20 M€ en 2021 et devrait se situer à 35 M€ cette année. Elle est la seule structure de ce marché à disposer d’une couverture géographique nationale avec un réseau de quinze agences.
Le marché de la protection par tours équipées de caméras connectées à un PC de sécurité est en forte croissance, de l’ordre de +15 % par an.
La croissance du marché ne signifie pas pour autant que les erreurs stratégiques sont impossibles. Après Infrarouge Sécurité, mise en liquidation judiciaire en 2018, Excelium, qui cumulait surveillance humaine et sécurité électronique de chantiers, a été placée en redressement judiciaire en 2022, notamment en raison du retard de chantiers majeurs pendant et après la crise sanitaire. Après sa restructuration et l’arrêt de son activité surveillance humaine, elle est redevenue rentable.
Les perspectives favorables du marché attirent de nouveaux acteurs : alors que le chinois Hikvision est déjà présent sur ce créneau, son compatriote Dahua vient de lancer ses premiers équipements. De son côté, BauWatch consacre d’importants investissements en France (création d’agences, recrutements) et connaît un développement rapide. « Partant d’un volume faible en 2021, nous avons multiplié notre chiffre d’affaires par six l’année suivante et continuons avec une croissance à deux chiffres avec l’ambition à terme de nous hisser au rang de n°1 », affirme Nicolas Mouly, directeur marketing. Clairement, une bataille s’installe entre les deux concepteurs néerlandais en France : avec un chiffre d’affaires de 8 M€ en 2023, Kooi est bien décidé à rester n° 1.
Parmi la quinzaine de prétendants sur le marché, on note aussi les Français VDSys, Alvisys, IP Mirador et, du côté des installateurs, Protecteam Electronique ou Alsyec. La course à la taille critique est bel et bien engagée.
Article extrait du n° 601 de Face au Risque : « JOP 2024 : à vos marques, prêts ? » (mai-juin 2024).
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