Maladies professionnelles : leur reconnaissance peut être directe ou indirecte
Si la réglementation ne définit pas précisément ce qu’est une maladie professionnelle, certains critères existent néanmoins et les tableaux de maladies professionnelles décrivent les conditions à remplir pour que la pathologie en cause soit reconnue comme ayant une origine professionnelle.
Nombreux sont les travailleurs qui contractent une maladie au cours de leur parcours professionnel. Lorsque cette pathologie est la conséquence du travail, elle doit être reconnue comme ayant une origine professionnelle, que le salarié relève du régime général de l’assurance maladie (géré par la Caisse primaire d’assurance maladie – CPAM) ou du régime agricole (géré par la Mutualité sociale agricole – MSA). Le régime des maladies professionnelles (MP) peut s’appliquer aux professions libérales et travailleurs indépendants s’ils ont souscrit une assurance volontaire en ce sens. Il n’existe pas de types précis de MP, celles-ci sont diverses et peuvent inclure les pathologies psychiques. Ainsi, de nombreuses maladies peuvent être générées par le travail et il est très compliqué d’estimer la date à partir de laquelle la maladie a été contractée. Dans ce contexte, la réglementation présume que certaines maladies ont une origine professionnelle. Pour d’autres, leur caractère professionnel doit être prouvé.
Définition
La réglementation ne définit pas explicitement la notion de maladie professionnelle. Néanmoins, des critères ont été dégagés par la CPAM qui précise, sur son site internet, qu’une maladie est considérée comme ayant une origine professionnelle « si elle résulte des conditions dans lesquelles le salarié exerce d’une façon habituelle son activité professionnelle qui l’expose à un risque physique, chimique, psychique ou biologique ».
« Les dernières maladies professionnelles prises en compte sont les cancers du larynx et de l’ovaire provoqués par l’inhalation de poussières d’amiante. »
Tableaux de maladies professionnelles et reconnaissance immédiate des pathologies
Certaines maladies sont présumées avoir une origine professionnelle. Celles-ci figurent dans des tableaux annexés au code de la Sécurité sociale (CSS) pour les travailleurs relevant du régime général et au code rural et de la pêche maritime pour les travailleurs appartenant au milieu agricole. Chaque tableau décrit les conditions à remplir pour que la pathologie en cause soit reconnue comme professionnelle. Il indique :
- L’intitulé précis de la maladie ou les symptômes que le malade doit présenter ;
- Le délai de prise en charge de la maladie. L’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) précise, dans son dossier relatif aux accidents du travail et maladies professionnelles (MAJ 10 janvier 2017), qu’il s’agit « du délai maximal entre la constatation de l’affection et la date à laquelle le travailleur a cessé d’être exposé au risque ». Ce délai diffère selon les maladies ;
- Selon les cas, une liste exhaustive ou indicative des travaux pouvant causer la maladie.
Ces tableaux sont publiés au Journal officiel de la République française et viennent enrichir, en fonction des connaissances médicales, les annexes des codes précités.
Au 18 avril 2024, les dernières maladies professionnelles prises en compte sont les cancers du larynx et de l’ovaire provoqués par l’inhalation de poussières d’amiante. En effet, le décret n° 2023-773 du 11 août 2023 est venu créer un nouveau tableau (n° 47ter) au sein du code rural et de la pêche maritime afin de pouvoir reconnaître ces cancers en tant que MP dans le milieu agricole. De la même façon, le décret n° 2023-946 du 14 octobre 2023 est venu inscrire ces maladies dans un nouveau tableau (n° 30ter) au sein du CSS pour prendre en compte ces pathologies dans le milieu non agricole.
En substance, les deux décrets sont venus définir :
- le nom des maladies concernées (à savoir le cancer primitif du larynx, la dysplasie primitive de haut grade du larynx, le cancer primitif de l’ovaire à localisation ovarienne, séreuse tubaire, et séreuse péritonéale) ;
- Le délai de prise en charge de la maladie, lequel est fixé à 35 ans dans le milieu non agricole. En conséquence, la maladie doit être reconnue médicalement dans un délai de prise en charge de 35 ans à compter de la fin de l’exposition à l’amiante pour être reconnue comme ayant une origine professionnelle (ce délai est fixé à 40 ans pour le régime agricole). La victime doit, par ailleurs, apporter la preuve de son exposition pendant un minimum de 5 années, quel que soit le régime auquel elle appartient ;
- Les travaux pouvant causer ces maladies. On retrouve sensiblement les mêmes travaux, quel que soit le régime concerné, à savoir notamment les travaux de retrait d’amiante.
L’INRS met à disposition, sur son site internet, une base de données permettant d’accéder gratuitement à ces tableaux. Cette base associe pour chaque tableau un commentaire médicotechnique, « rédigé par un groupe pluridisciplinaire d’experts », afin de faciliter la compréhension du lecteur.
Présomption de reconnaissance de la maladie inscrite dans un tableau
Lorsqu’une personne est atteinte d’une maladie et qu’elle répond à toutes les conditions fixées dans le tableau la qualifiant, alors celle-ci est présumée être d’origine professionnelle (L.461-1 du CSS).
La maladie sera automatiquement reconnue comme MP une fois que le malade aura prouvé son exposition au risque et qu’un médecin aura constaté la maladie dans le délai fixé dans le tableau.
L’intérêt de reconnaître la maladie comme ayant une origine professionnelle réside dans sa prise en charge par l’assurance maladie et le versement d’indemnités journalières (IJ). De fait, la reconnaissance d’une MP déclenche :
- La gratuité des soins rendus nécessaires pour vaincre la maladie ;
- Le versement d’IJ plus avantageuses que celles versées en l’absence de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie.
Reconnaissance différée des MP
Reconnaissance « automatique » de la MP |
Reconnaissance « indirecte » de la MP | |
1er cas | 2e cas | |
Respect de toutes les conditions énoncées dans le tableau de MP. Constatation de la maladie par un médecin dans le délai prescrit. | La maladie est présente dans un tableau de MP mais la victime ne remplit pas toutes les conditions de prise en charge prévues par la réglementation => elle doit prouver que la maladie est la conséquence de son travail habituel. | La maladie n’est pas listée dans un tableau de MP il convient de prouver que la maladie est causée directement et majoritairement par le travail habituel de la victime et que celle-ci a provoqué : • Soit une incapacité permanente à hauteur de 25 % chez la victime ; • Soit son décès. |
Une personne peut être malade sans satisfaire à l’ensemble des conditions indiquées dans le tableau de MP (par exemple en cas d’exposition au risque pendant une durée inférieure à celle fixée dans le tableau). Dans cette hypothèse, la maladie peut être reconnue comme ayant une origine professionnelle « lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime » (article L.461-1 du CSS). Toute la difficulté réside dans la matérialité des preuves à apporter. C’est alors au travailleur de rassembler toutes les preuves qu’il peut obtenir (avis médicaux notamment) pour caractériser le lien de causalité entre son activité professionnelle habituelle et sa maladie.
Par ailleurs, une maladie qui n’est pas désignée dans un tableau de MP peut être reconnue comme ayant une origine professionnelle s’il est prouvé qu’elle est « essentiellement et directement » causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d’un taux au moins égal à 25 % (lecture combinée des articles L.461-1 et R.461-8 du CSS).
Dans le cadre de la reconnaissance indirecte de la MP, la personne malade doit mettre en œuvre une procédure de reconnaissance spécifique. La caisse primaire reconnaîtra l’origine professionnelle de la maladie après avoir reçu l’avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des MP, lequel statuera sur le lien de causalité entre la maladie et le travail habituel du salarié concerné.
Article extrait du n° 601 de Face au Risque : « JOP 2024 : à vos marques, prêts ? » (mai-juin 2024).
Manon Janvier
Consultante au service Assistance réglementaire de CNPP Conseil & Formation
Les plus lus…
Le bureau d’analyse des risques et des pollutions industrielles (Barpi) a publié un nouveau flash Aria dédié aux travaux par…
La roue de Deming est une méthode d’amélioration continue symbolisée par une roue progressant sur une pente dans un…
Alors que les entreprises devant contrôler l’identité de leurs clients font évoluer leurs méthodes de vérification, les fraudeurs s’adaptent et…
Lancée le 17 décembre, la plateforme 17Cyber ambitionne de devenir le nouveau réflexe pour les victimes de cybermalveillance en France.…
L’intelligence artificielle connait une dynamique importante en termes d’implémentation, notamment depuis l’arrivée des « modèles de langages conversationnels ». Elle…
La directive (UE) 2024/3019 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2024 relative au traitement des eaux…