JOP 2024. La vidéoprotection algorithmique enfin déployée
Le dimanche 3 mars 2024 marquait le lancement de la phase d’expérimentation de la vidéoprotection algorithmique à grande échelle dans l’espace public français, à l’occasion d’un concert de Depeche Mode à l’Accor Arena de Paris. Cette technologie sera notamment déployée lors des Jeux olympiques de Paris cet été.
Début août 2023, le Boamp (Bulletin officiel des annonces des marchés publics) lançait un appel d’offres pour les solutions de vidéoprotection algorithmique, qui permettent la détection d’un événement anormal grâce à l’intelligence artificielle.
Six mois plus tard, le vendredi 5 janvier 2024, le résultat de cet appel d’offres était révélé. Quatre entreprises françaises ont ainsi été retenues pour la phase d’expérimentation de cette technologie, qui a commencé début mars 2024 par le concert de Depeche Mode à l’Accor Arena et prendra fin le 31 mars 2025. Ces solutions seront déployées lors des grandes manifestations sportives, récréatives ou culturelles prévues en France jusqu’à cette date.
Le résultat de l’appel d’offres sur la vidéoprotection algorithmique
Quatre lots étaient en jeu à l’occasion de cet appel d’offre :
• Lot 1, le déploiement d’une solution de vidéoprotection algorithmique dans la région Ile-de-France (comprenant la fourniture d’une solution algorithmique, son installation, son démontage, la formation et prise en main des acteurs terrains et l’accompagnement à la mise en œuvre de la solution) ;
• Lot 2, le déploiement d’une solution de vidéoprotection algorithmique dans les régions Provence Alpes Côte d’Azur, Rhône-Alpes, Outre-mer et Corse (aux mêmes conditions que le lot précédent) ;
• Lot 3, le déploiement pour une autre région de la France métropolitaine (une fois encore aux mêmes conditions que les lots précédents) ;
• Lot 4, le déploiement sur des transports en commun et infrastructures associées (gare, stations), avec des conditions similaires aux précédents lots.
Pour la somme globale de huit millions d’euros maximum (deux millions d’euros maximum par lot), le ministère de l’Intérieur a accordé les lots 1 et 4 à Wintics, le lot 2 à Videtics et le lot 3 à ChapsVision. Orange Business a par ailleurs été retenu au rang 3 pour le quatrième lot.
La police nationale, les polices municipales, la gendarmerie nationale ou encore les services de sécurité de la RATP ou de la SNCF auront recours à ces solutions tout au long de la phase d’expérimentation.
Le cadre d’utilisation de la vidéoprotection algorithmique aux JOP 2024
L’usage des solutions de vidéoprotection algorithmique dépend d’un cadre précis jusqu’au 31 mars 2025. Elles sont ainsi déployées lors de grandes manifestations sportives, récréatives ou culturelles. Les Jeux olympiques ne dérogeront pas à ce cadre d’utilisation minutieux, qui comporte huit types d’événements devant être détectés car potentiellement révélateurs de situations dangereuses pour l’ordre public.
Ces événements sont :
- le non-respect du sens de circulation (par un piéton ou un véhicule non autorisé) ;
- le franchissement d’une zone interdite (par un piéton ou un véhicule non autorisé) ;
- la présence ou l’utilisation d’une arme ;
- un départ de feu ;
- une personne au sol ;
- une densité trop importante ;
- la présence d’un colis abandonné.
Wintics, un des pionniers français de la vidéosurveillance assistée
Fondée en 2017, la start-up a empoché deux lots sur les quatre présentés à cet appel d’offres. Depuis sa création il y sept ans, cette société française s’est spécialisée dans le développement d’un logiciel d’analyse vidéo en temps réel baptisé Cityvision dont le rôle est de se connecter à des caméras pour récupérer des flux vidéo et les analyser pour produire un panel de statistiques et de notifications.
« Historiquement nous avons beaucoup travaillé avec des collectivités territoriales, notamment sur des sujets d’analyse de flux et d’affluence. Nous travaillons aujourd’hui avec une soixantaine de collectivités. La première qui nous a fait confiance est la mairie de Paris, avec une première installation en mars 2019 pour compter les véhicules (des vélos, des scooters, des trottinettes, des bus, des voitures, des poids lourds…) » nous énonce dans un premier temps Quentin Barenne, cofondateur de l’entreprise.
Au fil du temps, Wintics a su diversifier ses utilisateurs finaux, en proposant ainsi ses services et les modes d’application personnalisés de son outil à des ERP (établissements recevant du public) ou des acteurs du secteur secondaire spécialisés dans l’industrie ou la logistique.
« Nous avons d’abord beaucoup travaillé avec les villes sur des sujets de mobilité, de sécurité des espaces publics et de propreté urbaine. Nous avons ensuite progressivement travaillé avec de grands ERP, notamment des gestionnaires de transports en commun, des gares, des aéroports, et des centres industriels et logistiques dont des ports » renchérit notre interlocuteur.
Une simple adaptation technologique pour les JOP 2024
Lors d’une conférence de presse tenue le 15 novembre dernier lors du salon Milipol 2023, le Gicat (Groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres) s’inquiétait du fait que les marchés pour les technologies prochainement déployées lors des JOP 2024 n’aient pas encore été testées à l’approche de l’événement.
Chez Wintics, cette problématique n’a cependant jamais été un enjeu pour des raisons bien précises. « De notre côté, il n’y avait pas spécialement d’inquiétude. Le marché a été notifié au tout début du mois de janvier 2024, pour des solutions qui sont déjà existantes et développées. Cela fait sept ans que nous travaillons sur les sujets d’analyse d’images. Nous n’avons pas eu besoin de développer notre logiciel spécifiquement pour les Jeux olympiques… Donc être prévenu sept mois à l’avance pour un déploiement, c’est dans les clous » confie ainsi Quentin Barenne.
Dans les grandes lignes, la start-up française a tout simplement adapté le cadre applicatif d’un outil déjà rodé par de précédentes expériences menées sur le terrain.
« Les applications déployées pour les Jeux olympiques sont différentes de ce que nous mettions en œuvre historiquement, mais elles s’appuient sur des modules de notre logiciel qui sont assez proches. Dans le cadre des Jeux, il y a par exemple une application visant à détecter les situations de sur-affluence.
Pour la mettre en œuvre, nous nous appuyons sur le même moteur technologique que celui que nous utilisons historiquement pour compter les voyageurs sur le quai d’un métro – qui est le dénombrement de personnes – sauf, qu’à la différence de pures statistiques que nous produisions, nous associons pour les Jeux olympiques un seuil à partir duquel nous allons envoyer un signalement à un opérateur vidéo.
Si on prend l’exemple du parvis d’une enceinte sportive filmée par une caméra, vous demandez au logiciel de dénombrer les personnes toutes les minutes et vous lui demandez, si ce chiffre dépasse le seuil de 300 personnes, qu’il envoie alors un signalement à l’opérateur vidéo.
Les finalités d’application sont nouvelles, mais les moteurs sous-jacents dans notre logiciel sont proches de ce que nous faisions avant. Ce qui est autorisé ce n’est plus nécessairement de la production de statistiques, c’est de la production de signalements en temps réel à destination des forces de sécurité » argumente le cofondateur de Wintics, dont la technologie était notamment déployée lors du concert de Depeche Mode le 3 mars dernier.
Paris 2024 comme vitrine internationale
En prenant part de manière active à la sécurisation des JOP 2024, Wintics entend – à l’instar de nombreuses entreprises de l’industrie française – montrer son savoir-faire aux yeux du monde. « Les Jeux olympiques sont une très belle vitrine pour nous, avec un retentissement mondial » annonce notre interlocuteur.
Si elle compte profiter de cette olympiade pour exposer ses compétences, Wintics a d’ores et déjà anticipé la suite de son aventure. « Les Jeux olympiques nous aident aussi dans notre démarche d’internationalisation de notre activité. C’est l’étape la plus importante à venir pour Wintics » ajoute l’intéressé.
Une expérimentation menée dans un aéroport à Rome
Le nouveau terrain de chasse de la start-up tricolore se situe de l’autre côté des Alpes, au sein du premier aéroport italien et huitième européen en termes de fréquentation en 2023 (selon les statistiques d’OAG, spécialisée dans la compilation de données de voyages).
«Nous faisons en ce moment un déploiement à l’aéroport de Rome Fiumicino sur les sujets d’analyse d’images.»
La société a en effet été retenue dans le courant de l’année passée par les Aéroports de Rome, avec douze autres start-ups issues des quatre coins de la planète, pour intégrer la 2e édition du programme « Call for ideas » et déployer son application d’expérience passager (pour la mesure des temps d’attente et la détection d’objets abandonnés), extraite de son logiciel Cityvision qui comporte une gamme de vingt-huit applications différentes.
Un double objectif a été fixé par l’entreprise pour la période post-olympique : « continuer de proposer notre logiciel à de plus en plus d’acteurs économiques en France, en élargissant notre gamme applicative pour répondre à d’autres besoins qui émaneraient d’autres types d’utilisateurs finaux. Poursuivre notre stratégie d’internationalisation en nous focalisant sur les grands ERP » conclut le cofondateur de l’entreprise.
Eitel Mabouong – Journaliste
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