À l’heure des JOP 2024, la sécurité comme enjeu de l’attractivité de la France
La 13e édition du Gala des directeurs sécurité-sûreté s’est déroulée le mardi 19 mars à Paris. La traditionnelle table ronde avait pour thème « la sécurité au service de l’attractivité de la nation ». À quelques mois des JOP 2024, les intervenants ont mis en avant le haut degré de préparation de la France à tous les niveaux face aux menaces, contrastant avec le sentiment d’insécurité tenace exprimé par les sondages.
Comment prendre en compte l’état de la sécurité intérieure au regard de l’attractivité de la France ? Un début de réponse a été fourni début février par le réseau des Conseillers du commerce à l’extérieur (CCE – environ 4000 chefs d’entreprises basés en France et dans 149 pays), avec la publication de l’édition 2024 de l’indice d’attractivité du territoire : mesuré à 60 (sur 100), cet indice continuait sa tendance à la baisse entamée en 2020, pour égaler son niveau de 2017. L’un des principaux constats de l’étude était que ce score d’attractivité du territoire était plombé par le niveau d’insécurité.
Une attractivité plombée par l’insécurité, selon le réseau des CCE
En effet, comme l’explique les auteurs de l’étude, « l’une des baisses les plus notables en 2024 concerne la sécurité des personnes (- 11,8 points), (…) le score le plus bas depuis la création de l’indice en 2015 ».
Les différents mouvements sociaux de 2023 (retraites, méga bassines…), tout comme la révision de la posture Vigipirate à l’automne, peuvent expliquer cette évolution. Une tendance confortée par les chiffres de l’insécurité et de la délinquance de 2023, édités en ce début d’année. La quasi-totalité des indicateurs étaient en effet observés à la hausse par rapport à l’année 2022, les plus fortes augmentations concernant les atteintes aux personnes.
Pour les Conseillers du commerce extérieur, ces réponses traduisent aussi « une inquiétude générale, à quelques mois des Jeux olympiques et paralympiques où les enjeux de sécurité et de sûreté des personnes seront au centre des préoccupations ».
Terrorisme et cybersécurité, deux menaces prégnantes pour la sécurité des JOP 2024
L’objet de la table ronde de cette 13e édition du Gala des directeurs sécurité, organisée par l’Agora éponyme, était sans doute d’offrir une réponse argumentée face à ces inquiétudes, en montrant que les diverses menaces ont été prises en compte par les parties prenantes et que le niveau de préparation en vue de l’échéance des JOP est à la hauteur.
Du côté des menaces, « le risque attentat et la menace cyber sont les plus prégnantes » a rappelé Bruno Le Ray – Directeur sécurité au Comité d’organisation des jeux olympiques et paralympiques (Cojop). Il s’est voulu rassurant en affirmant que ces « menaces structurantes étaient prises en compte par les acteurs privés et publics et intégrées dans les dispositifs de sécurité ». D’autre part, la gestion des 250 000 personnes accréditées sur les JOP 2024 se fera via la création d’une plateforme spéciale, où chaque participant devra s’enregistrer.
Pour le groupe ADP, Renaud Duplay – DG adjoint chargé des opérations et responsable du projet JOP – a déclaré qu’il fallait « être au niveau sur la sûreté, la sécurité incendie et la police aux frontières », sans oublier la protection périmétrique et tout en ayant dans le viseur deux nouveaux risques : la cybersécurité et les drones. Cette dernière menace faisant l’objet de l’acquisition d’un dispositif spécifique de détection au sein du groupe ADP.
Renforcement de la sûreté à la RATP
L’ancien Premier ministre et actuel PDG de la RATP, Jean Castex, a rappelé que la sécurité dans les transports était « un enjeu important (…) : il ne peut y avoir de bons transports sans transport sûr ». Considérant l’établissement public comme «une entreprise de première ligne» pour accueillir les quelques 9 millions de visiteurs attendus à l’été 2024, Jean Castex a rappelé qu’elle transportait chaque jour 11 millions de personnes sur les 36 000 km du réseau francilien en temps normal. Il ne devrait donc pas se poser de problèmes capacitaires pour les JOP, si les consignes mises en place par les autorités sont suivies (télétravail et congés privilégiés pour les salariés, marche à pied et vélo conseillés pour les déplacements comme alternatives aux transports en commun). Et si la RATP ne fait pas l’objet d’un mouvement social d’ampleur. Rappelons que le syndicat CGT de l’entreprise a déposé un préavis de grève courant du 5 février au 9 septembre 2024, à propos de revendications salariales. Le chaos du Stade de France, en mai 2022 lors de la finale de la Ligue des Champions, avait trouvé en partie sa source dans une grève mettant à l’arrêt la ligne B du RER.
Le PDG de la RATP a rappelé que ses agents n’auront pas de congés durant la période des JOP. La sûreté des personnes s’appuiera sur les 1000 agents du Groupe de protection et de sécurité des réseaux (GPSR), le service interne de sûreté de la RATP, et la vidéoprotection basée sur 50 000 caméras. Si Jean Castex a évoqué le dispositif de caméras piétons équipant le GPSR, il n’a pas dit un mot sur d’éventuels tests de vidéoprotection algorithmique sur le réseau. Le tout sera coordonné par un PC sécurité qui sera actif 24H/24.
Jean Castex considère les JOP comme une opportunité pour la RATP de « faire monter en gamme la sûreté ». La montée en compétences des agents de sécurité de l’entreprise a été réaffirmée, au travers notamment de la création récente, en octobre 2023, de la filiale « RATP sécurité expertise » : un centre de formation en sécurité-sûreté, agréé par le Cnaps.
Dispositifs de sécurité spécifiques aux aéroports de Paris
Les paramètres de l’équation JOP 2024 ne sont pas tout-à-fait les mêmes pour le groupe ADP. Renaud Duplay déclare être prêt à accueillir non seulement « un grand nombre de visiteurs mais aussi des athlètes capables de faire déplacer des foules massives, comme l’équipe de basket des États-Unis ». Il ajoute : « il faut être prêt à accueillir les sportifs et leurs matériels le jour J, tout en assurant l’afflux des autres visiteurs ».
De fait, l’accueil des personnes accréditées pour les JOP (athlètes, journalistes, accompagnateurs, délégations officielles…) nécessite une organisation spécifique. La gestion des bagages des 178 délégations attendues, ainsi que la mobilité de ces dernières en sortie d’aéroport a fait ainsi l’objet d’attentions particulières. Afin de fluidifier les flux, le nombre de sas automatiques Parafe sera augmenté de 50 %.
Évoquant les 50 ans fêtés par le Groupe ADP en 2024, le responsable d’ADP indique que le projet JOP a impliqué une posture inhabituelle : « les JOP se déroulant sur une période finie, nous préparons de l’éphémère. C’est très différent de notre culture habituelle ».
Une coordination étroite au sein d’un continuum de sécurité sans failles
Tous les intervenants insisteront sur la nécessaire coopération entre les différents services de sécurité impliqués dans les divers dispositifs. « Accueillir les JOP 2024 sur nos aéroports, c’est aussi penser notre participation au continuum de sécurité de cet événement majeur, en collaboration étroite avec les services de l’État et tous nos partenaires », affirme ainsi Renaud Duplay.
Le défi n’est pas mince : une centaine d’entreprises de sécurité privée assumeront la sécurisation des sites, soit « 40 sites de compétition et 100 autres sites de non-compétition » précise Bruno Le Ray du Cojop, sans évoquer la pénurie d’agents de sécurité évoquée un temps par la Cour des comptes. Et de poursuivre : « la sécurité est un sport collectif, chacun sait ce qu’il a à faire. L’équipe est soudée et sera au rendez-vous pour créer, dans le secteur de la sécurité, les conditions du succès de cet événement majeur ».
Christophe Delaye, conseiller sécurité à la Dijop/Diges (Délégation interministérielle aux Jeux olympiques et paralympiques/Grands événements), mentionne la coordination de « 1350 entités indispensables à la livraison de ces Jeux olympiques » par le ministère de l’Intérieur. Mentionnant les craintes des franciliens pour se déplacer et aller travailler, le représentant du gouvernement assure que chacun pourra utiliser l’espace public. Et d’affirmer, comme un mantra teinté d’optimisme face aux incertitudes évoquées plus haut par le réseau CCE et la baisse d’attractivité de la France : « cet événement que l’on prépare depuis de longues années sera un grand succès. Nous pourrons capitaliser pendant des années sur les retombées de ce grand événement international ».
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Les Jeux sous la menace cyber (article extrait de notre dossier “Sûreté des J0 2024 : le grand saut”).
Bernard Jaguenaud – Rédacteur en chef
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