Devoir de vigilance : une nouvelle chambre pour les contentieux émergents
La cour d’appel de Paris renforce son engagement envers le devoir de vigilance et la responsabilité environnementale en créant une nouvelle chambre dédiée aux contentieux émergents.
Le premier président de la cour d’appel de Paris, Jacques Boulard, avait expliqué le 15 janvier 2024, lors de l’audience solennelle de rentrée, les raisons de la création d’une nouvelle chambre dédiée aux contentieux émergents. Il avait alors déclaré : « La cour d’appel de Paris se doit d’être à la hauteur des nouveaux enjeux de prévention des atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi qu’à l’endroit de l’environnement. »
Une chambre en charge des litiges sur le devoir de vigilance
Cette nouvelle chambre 5-12 est en charge des litiges sur le devoir de vigilance et la responsabilité environnementale. Elle traite toutes les affaires nationales fondées sur la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordres. Cette loi a vu le jour après le terrible effondrement de l’immeuble Rana Plaza au Bangladesh le 24 avril 2013 qui a fait 1 134 morts et environ 2 500 blessés. Les victimes étaient employées dans des sociétés de textile travaillant pour des multinationales. L’accident avait alors mis en exergue la responsabilité sociale des entreprises occidentales envers leurs fournisseurs.
Cette loi française impose donc aux multinationales de prévenir les risques en matière d’environnement, de droits humains et de corruption, aussi bien concernant leurs activités propres que celles de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs, que ceux-ci se trouvent sur le territoire national ou non.
Les premières affaires de la chambre 5-12
Le 5 mars 2024, trois premières affaires ont été examinées devant la nouvelle chambre 5-12. Les ONG requérantes dans ces trois dossiers avaient été déboutées par le tribunal judiciaire de Paris pour des questions de procédures et avaient fait appel. Les trois affaires visent :
- TotalEnergie pour ses émissions de gaz à effet de serre non conformes avec les objectifs des Accords de Paris ;
- Suez pour contamination de l’eau potable pendant 10 jours par l’une de ses usines chiliennes, en juillet 2019 ;
- EDF pour un projet d’implantation d’un parc éolien géant au Mexique sans concertation de la population locale.
Les ONG fondent beaucoup d’espoir dans la nouvelle chambre de la cour d’appel de Paris qui se prononcera sur ces trois affaires le 18 juin prochain.
Le devoir de vigilance mis à mal par l’Union européenne
La Commission européenne a publié, le 23 février 2022, un projet de directive sur le devoir de vigilance qui prolonge la loi française, pionnière en la matière.
En décembre 2023, l’Union européenne est parvenue à un accord sur la teneur de cette directive. Il ne restait qu’une dernière étape : son adoption par une majorité qualifiée des États membres. Or, le 28 février 2024, le Conseil européen a rejeté le projet de directive, faute de majorité qualifiée. 14 pays sur 27 s’y sont opposés, dont la France. Celle-ci souhaite une modification des seuils d’applicabilité aux seules entreprises de plus de 5 000 salariés, et non aux plus de 500 salariés, ce qui exempterait 80 % des entreprises concernées, selon Novethic.
La présidence belge propose des adaptations pour parvenir à un accord. Un nouveau vote était prévu pour le 8 mars 2024 mais a finalement été reporté au 15.
Martine Porez – Journaliste
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