Sécurité du travail en hauteur : un marché en pleine ascension
Avec l’augmentation des accidents industriels, des catastrophes naturelles et des réparations sur des bâtiments, l’utilisation des matériels de sécurité du travail en hauteur prend sans cesse de l’ampleur.
Parmi les nombreuses familles de produits appartenant aux équipements de protection individuelle, il en est une qui tire particulièrement bien son épingle du jeu : les matériels de sécurité du travail en hauteur. Ce domaine, qui recouvre les cordes, les harnais, les systèmes d’ancrage, les garde-corps, les dispositifs d’arrêt des chutes, etc., profite d’une conjonction d’événements qui stimulent son développement.
Travail en hauteur : trois segments de marché
La commercialisation d’équipements mieux adaptés permettant des travaux rapides a en effet favorisé des réparations qui n’étaient pas faites jusque récemment comme les joints d’étanchéité sur le toit des immeubles. Par ailleurs, le réchauffement climatique a provoqué une multiplication des interventions à la suite d’éboulements de falaises ou dans les régions montagneuses. Enfin, les accidents industriels ont incité les donneurs d’ordres à prendre davantage de précautions, ce qui passe par des travaux de maintenance parfois périlleux.
« Ce secteur croît de 10 % à 20 % selon les années et a d’ores et déjà franchi la barre du milliard d’euros. »
Luc Boisnard, vice-président de France Travaux sur Cordes.
« C’est un secteur qui croît de 10 % à 20 % selon les années et qui a d’ores et déjà franchi la barre du milliard d’euros. Après la panne d’activité durant les confinements liés à la pandémie – à l’exception des travaux d’urgence qui ont obtenu des dérogations –, la profession a dépassé dès 2021 le niveau atteint en 2019 », souligne Luc Boisnard, vice-président de France Travaux sur Cordes, le syndicat professionnel réunissant des sociétés effectuant des prestations de travail en hauteur.
Depuis la fin des années 1990, la croissance a été surtout portée par le créneau des bâtiments en milieu urbain qui ne nécessitent pas beaucoup d’investissement en matériels de la part des opérateurs, alors que les prix sont en général particulièrement attractifs en raison d’une concurrence vivace.
En revanche, les risques naturels impliquent de gros chantiers avec du matériel lourd pour l’inspection et le forage, y compris des hélicoptères pour la supervision du site pendant les travaux.
Pour sa part, la sécurité en hauteur appliquée aux sites industriels nécessite des certifications pointues (Mase par exemple) qui impliquent des compétences particulières pour les intervenants mobilisés. Comme dans beaucoup de métiers depuis la période Covid, la profession est freinée par une pénurie de personnel, mais le phénomène est ici aggravé par le fait qu’il est nécessaire d’acquérir des connaissances techniques poussées. On ne devient pas cordiste d’emblée au début de sa carrière : on est tout d’abord maçon, plombier ou technicien télécom puis on décide d’apprendre le métier de cordiste. De plus,
Part du matériel antichute
dans le total des ventes d’EPI
Les EPI comprennent également gants et chaussures de sécurité, masques respiratoires, protection auditive et des yeux, vêtements de sécurité, etc.
Source : étude d’En Toute Sécurité.
l’activité est assez saisonnière, tournant au ralenti pendant la période hivernale.
« C’est un métier technique, potentiellement dangereux, hors du commun où l’on obtient un salaire attractif en contrepartie de déplacements nombreux. On travaille sur des chantiers exceptionnels comme des monuments historiques à rénover », souligne le vice-président du syndicat, qui regroupe une quarantaine d’entreprises, plutôt des majors de la profession.
Répartition de l’activité du travail en hauteur en 2023
Source : étude d’En Toute Sécurité.
On recense environ 20000 cordistes en France, mais seulement 6000 salariés permanents. Les 14000 autres travaillent dans des sociétés d’intérim, qui est statistiquement un environnement plus accidentogène. « Cette situation est catastrophique pour la pérennité de la profession, car la population n’est pas stable et pas assez engagée sur les problèmes de sécurité pendant les interventions », affirme Luc Boisnard, qui milite pour une réglementation plus stricte, notamment la création d’une certification délivrée par l’État. Ceci est déjà le cas pour les travaux en milieu hyperbare, c’est-à-dire où la pression est supérieure à la pression atmosphérique, sous l’eau par exemple.
Cette création obligerait les entreprises à augmenter leurs efforts de formation du personnel, ce qui entraînerait assurément un écrémage du nombre d’acteurs.
Une profession très atomisée
La croissance soutenue du marché a en effet attiré de nombreux intervenants, de sorte qu’ils frôlent un total de 800 entreprises. Parmi les ténors, on trouve essentiellement des indépendants, mais aussi quelques filiales de grands groupes, dont le volume d’affaires peut atteindre jusqu’à 70 M€. Certains d’entre eux travaillent à l’international, notamment en cas de catastrophe naturelle, car le savoir-faire français est reconnu. En revanche, on recense peu d’opérateurs étrangers, sauf dans les régions frontalières, notamment proches de l’Italie. La profession abrite principalement une myriade de petits acteurs, essentiellement composée d’artisans employant tout au plus une ou deux personnes avec un volume de ventes tournant autour du million d’euros.
« Cette surpopulation, qui exerce souvent son activité sans les qualifications nécessaires et surtout sur le créneau des réparations urbaines, introduit une distorsion concurrentielle forte », estime le responsable de France Travaux sur Cordes. Aujourd’hui, n’importe qui peut créer une société de travail en hauteur et exercer pour des clients parfois peu regardants comme les syndics de copropriété pour de menues réparations. C’est sur cette catégorie de prestation que la guerre des prix fait rage. Car il est évident que les grands donneurs d’ordres comme EDF ou la SNCF sont extrêmement vigilants et ne lésinent pas pour minimiser les risques. Sans oublier que l’entreprise utilisatrice est co-responsable sur le plan pénal en cas d’accident.
Les accidents industriels ont incité les donneurs d’ordres à prendre davantage de précautions, ce qui passe par des travaux de maintenance parfois périlleux.
Des fabricants en bonne forme
Du côté des fabricants majoritairement regroupés dans le syndicat Synamap, la tendance est également positive, profitant de cette demande en expansion de la part des utilisateurs. Les ventes de matériels antichute représentent environ 600 M€ par an, en croissance de 6 à 7 %.
Delta Plus, leader des EPI en France avec un chiffre d’affaires total de 417 M€ en 2022, a clairement fait de l’antichute un de ses axes de développement, considéré comme intégrant une forte valeur ajoutée : ce domaine a en effet représenté 14 % de son activité globale en 2020 et 21 % en 2022. Dans ce secteur en cours de mondialisation et de concentration accélérées, le groupe a notamment procédé par acquisitions, y compris à l’étranger. Il a ainsi racheté Vertic France en 2017, Vertic Nederland l’année suivante, Odco en 2019, Alsolu en 2021 et l’australien Safety Link en 2022.
« Nos clients nous demandent des solutions complètes, car la compatibilité des équipements est primordiale pour assurer une parfaite sécurité. »
Frédéric Béal, PDG de la société Béal.
Le paysage français des fabricants est nettement plus concentré que chez les fournisseurs de services : environ une vingtaine, dont la plupart alignent une rentabilité confortable. Les utilisateurs devenant plus exigeants, ils s’adaptent en proposant des produits complémentaires. « Nos clients nous demandent des solutions complètes, car la compatibilité des équipements est primordiale pour assurer une parfaite sécurité », souligne Frédéric Béal, PDG de la société éponyme. C’est ainsi que le fabricant de cordes pour les travaux en hauteur a annoncé fin 2023 sa diversification dans divers matériels connexes comme les mousquetons ou des appareils de sécurité pour les cordistes. Si la conception des matériels est presque toujours réalisée en France, la fabrication ne l’est pas systématiquement. Delta Plus qui produit de gros volumes souligne que le processus se fait avec les outils industriels internes – y compris dans ses filiales à l’étranger –, alors que certains acteurs ont recours à la sous-traitance dans des pays à faible coût de main-d’œuvre.
Une fois n’est pas coutume dans l’univers de l’industrie, la France se défend bien dans cette activité pointue.
Article extrait du n° 599 de Face au Risque : « Gérer les risques émergents » (janvier-février 2024).
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