Risques émergents, de quoi parle-t-on ?
Les risques émergents étaient au cœur des 3es Rencontres CNPP/Face au Risque. Plusieurs experts ont expliqué comment anticiper ces risques pour mieux les gérer. Mais auparavant, il est nécessaire d’apprendre à les connaître. Alors, qu’est-ce qu’un risque émergent? Éclairages sur cette notion.
« Le risque émergent est la manifestation nouvelle ou l’accroissement d’un risque connu et déjà référencé. »
Michel Josset, directeur Assurance et Prévention chez Forvia.
« Le risque émergent est la manifestation nouvelle ou l’accroissement d’un risque connu et déjà référencé », avance Michel Josset, directeur Assurance et Prévention chez Forvia et membre de l’Amrae, en préambule des 3es Rencontres CNPP/Face au Risque. Autrement dit, si les risques émergents sont parfois de nouveaux risques, certains risques déjà existants évoluent et deviennent émergents.
Sébastien Samueli, directeur des relations publiques de CNPP et co-animateur des Rencontres, liste six facteurs qui caractérisent les risques émergents.
1
Risques nouveaux
Peuvent être qualifiés d’émergents des risques nouveaux liés à des phénomènes nouveaux. C’est le cas par exemple de la radicalisation en entreprise. L’Institut Montaigne, dans ses baromètres réguliers sur le fait religieux en entreprise, indique en effet que « depuis le début de la décennie 2010, le fait religieux est apparu comme un des enjeux majeurs dont le management des entreprises doit se saisir ».
Le risque nouveau peut aussi être lié à une nouvelle technologie. Les exemples sont nombreux : lithium-ion, hydrogène, nanotechnologies, nanoparticules… Ou il peut être lié à l’absence de données et de connaissances sur ce risque : champs électromagnétiques, Pfas, radon…
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Intensification des risques
Les risques émergents peuvent être déjà des risques existants qui s’intensifient, dont la gravité s’accroît ou qui provoquent de nouvelles vulnérabilités.
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Risques complexes
Les risques émergents sont complexes et ont des conséquences difficiles à prévoir. En outre, ils sont souvent interconnectés entre eux. Ainsi, « le risque climatique est très lié à l’instabilité géopolitique », explique Michel Josset. En effet, un stress hydrique dans une région pourra générer des conflits.
Le risque climatique est également interconnecté à l’énergie. « Le changement climatique impose de modifier la manière dont on produit l’énergie », poursuit le directeur Assurance et Prévention de Forvia.
Autre exemple d’interdépendance entre risques émergents : le cyber-risque et l’instabilité géopolitique. « Des États utilisent la cyberguerre pour déstabiliser d’autres États.»
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Rapide propagation
Autre caractéristique des risques émergents : ils se propagent rapidement. Le cas de la pandémie due au Covid-19 en est un exemple flagrant. En quelques semaines, le virus s’est disséminé au monde entier.
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Impact significatif
Ces risques peuvent aussi avoir un impact potentiellement grave sur la santé et l’environnement. Sébastien Samueli évoque le cas des nanotubes de carbone. Si leurs propriétés sont exceptionnelles, leur toxicité est préoccupante, ainsi que le décrit l’Anses dans plusieurs rapports.
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Incapacité à faire face
Enfin, ces risques émergents impliquent des difficultés à mettre en place des mesures de prévention et des réponses adaptées. « D’où la nécessité d’une sensibilisation accrue des différents acteurs : experts, décideurs mais aussi grand public », insiste Sébastien Samueli.
Les risques émergents sont souvent interconnectés entre eux. Ainsi, le risque climatique peut être lié à l’instabilité géopolitique.
© Destina-AdobeStock.
Zoom sur les risques émergents en matière d’énergie
Damien Roubineau, responsable Nouvelles énergies & Nouvelles mobilités à CNPP, ajoute que certains risques émergents sont des risques existants mais qui changent en termes de vulnérabilité, d’exposition et d’occurrence. C’est le cas, en matière d’énergie, du lithium et de l’hydrogène. L’expert le démontre en s’appuyant sur plusieurs exemples.
1
Vulnérabilité
« Aujourd’hui, personne ne sait si un système d’extinction automatique de type sprinkleur est en capacité de contenir un feu de véhicules électriques. À ce jour, il n’y a pas eu d’essai réalisé sur ce thème », indique-t-il. En conséquence, un immeuble de bureaux ou un établissement recevant du public ayant un parc de stationnement en sous-sol peut être impacté par un feu de véhicules électriques.
De son côté, l’aéroport de Toulouse-Blagnac, précurseur en mobilité douce, possède une station d’hydrogène pour alimenter ses bus qui roulent avec cette énergie. « On imagine bien l’impact que cela peut avoir en cas de dysfonctionnement. Là encore, on a une vulnérabilité qui bouge et donc un risque intrinsèque qui bouge aussi », note Damien Roubineau.
2
Exposition
L’exposition au risque d’accidents liés aux batteries augmente puisque ces batteries se trouvent aujourd’hui dans de multiples objets de consommation courante: ordinateur portable, smartphones, cigarettes électroniques…
C’est notamment le cas des cargos qui transportent des véhicules électriques. « Cet été, l’un d’eux a coulé à la suite d’un départ de feu », confie le responsable Nouvelles énergies & Nouvelles mobilités de CNPP. Ce naufrage au large des Pays-Bas a fait un mort et plusieurs blessés parmi l’équipage. On peut citer également l’incendie du Felicity Ace en mars 2022, celui de l’Höegh Xiamen en juin 2020 ou encore celui du porte-conteneur Cosco Pacific en janvier 2020.
3
Occurrence
L’éventualité de survenue d’un accident dû au développement de l’utilisation de batteries lithium ou de l’hydrogène augmente. Là encore, de nombreux exemples le prouvent parmi lesquels Damien Roubineau cite :
- le 20 novembre 2023, la remorque d’un poids lourd contenant des batteries usagées a pris feu à Saint Jory (Haute-Garonne). 40 pompiers ont été mobilisés pour venir à bout de l’incendie et 10 chauffeurs se sont retrouvés au chômage technique ;
- le 29 avril 2022, un bus électrique Bolloré s’est embrasé à Paris quelques semaines après un autre incendie de bus ;
- le 10 juin 2019, une explosion suivie d’un incendie s’est produite dans une station-service de distribution d’hydrogène en Norvège. L’accident était dû à une fuite d’hydrogène au niveau de l’unité de stockage à haute pression. Le ravitaillement en hydrogène s’est alors arrêté dans tout le pays et les constructeurs de véhicules à hydrogène ont mis en attente la livraison de véhicules neufs.
« Le risque émergent apparaît lorsqu’on assiste à une dissémination du risque à des non spécialistes. Alors, son niveau de maîtrise est bien inférieur que dans les exploitations spécialisées », complète Michel Josset. D’où la nécessité que l’ensemble de la chaîne de valeur comprenne bien où le risque se trouve.
La vulnérabilité de l’aéroport de Toulouse-Blagnac a évolué depuis la création de sa station d’hydrogène qui alimente les bus. © Mike McBey-Flickr-Cc.
Article extrait du n° 599 de Face au Risque : « Gérer les risques émergents » (janvier-février 2024).
Martine Porez – Journaliste
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