Incendie de Lubrizol : des analyses révèlent la pollution des eaux souterraines
Quatre ans après l’incendie de Lubrizol et Normandie Logistique à Rouen (Seine-Maritime), l’Union des victimes de Lubrizol alerte sur une pollution de la nappe phréatique.
Le 26 septembre 2019, l’agglomération rouennaise se réveillait sous un énorme panache de fumée noire. Plus de 9000 tonnes de produits chimiques avaient brûlé dans l’incendie touchant l’usine Lubrizol et le transporteur Normandie Logistique. Quatre ans après, l’inquiétude porte sur la pollution du territoire.
Pollution de la nappe phréatique
Suite à la réception de différents rapports d’analyses fournis par la préfecture en septembre 2023, l’Union des victimes de Lubrizol a alerté, en novembre 2023, sur une contamination de la nappe phréatique par plusieurs polluants.
L’association a procédé à des comparatifs des analyses effectuées sur cinq zones de forages situées autour de la zone incendiée. Les campagnes de prélèvements ont été réalisées en octobre 2020, décembre 2022 et avril 2023.
Des HAP et des Pfas
Deux catégories de polluants ont retenu l’attention de l’association :
- les HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques), reconnus pour certains comme potentiellement cancérogènes. Sur un des piézomètres (forages), au plus proche du site du sinistre, le taux de HAP a été multiplié par 19 en trois ans, relève l’association.
- les Pfas (substances per- et polyfluoroalkylés), également appelées « polluants éternels ». Extrêmement mobiles, persistantes dans l’environnement et bioaccumulables, ces substances sont toxiques et ont des impacts sur le système immunitaire, hormonal et reproductif et sont soupçonnées d’être cancérogènes. L’association relève des augmentations dans les eaux souterraines sur les points de contrôle de la zone sinistrée où la pollution était la plus concentrée.
L’Union des victimes de Lubrizol pointe également la présence de métaux lourds. Mis à part le soufre, le nickel, le cobalt et le zinc, déjà présents en octobre 2020, de l’arsenic, de l’antimoine, du cadmium et du cuivre sont apparus dans les eaux souterraines lors des analyses de décembre 2022.
Atteinte à l’environnement
« Il n’y a, à nos yeux, pas de doute sur l’atteinte à l’environnement. Même si ces mesures sont parfois au-dessous des seuils d’alerte, et même si la préfecture s’empresse de nous notifier que ces eaux ne sont pas consacrées à la consommation humaine, les faits sont là. Les eaux souterraines n’en demeurent pas moins contaminées par les résidus de l’incendie et des eaux d’extinction de celui-ci », alerte l’association dans son communiqué.
Une pollution avérée… mais qui n’a rien d’étonnant
Interrogé par 76actu, qui a révélé ces analyses, l’hydrogéologue Matthieu Fournier, enseignant-chercheur à l’université de Rouen et co-coordinateur du projet Cop Herl, chargé d’étudier les conséquences de l’incendie sur l’environnement et l’Homme, assure que la pollution des eaux souterraines est avérée. Et que le lien entre la présence de ces substances dans la nappe phréatique et l’incendie de Lubrizol et Normandie Logistique ne fait presque aucun doute. « La combustion des huiles moteur produites chez Lubrizol génère des HAP. Quant aux Pfas, on les retrouve dans les mousses d’extinction utilisées par les pompiers », a-t-il expliqué à nos confrères.
Également interrogé par Paris Normandie, il ne relève pourtant rien d’étonnant dans ces résultats. « C’est même plutôt rassurant par rapport à l’ampleur de l’incendie. On savait qu’il y allait avoir de la pollution après, mais au final la contamination n’est pas si énorme que ça. Sauf les cas évoqués, les quantités de polluants sont en baisse et c’est un site qui va rester industriel. L’eau n’est pas destinée à la consommation, il n’y a donc pas de risque sanitaire ou humain. »
Quelles suites ?
L’Union des victimes de Lubrizol attend les résultats de la prochaine campagne d’analyses, qui selon les représentants de Lubrizol, devrait avoir lieu fin 2023. L’association est également toujours en attente d’éventuels résultats d’analyses de suivi des eaux de la darse de la Seine, polluée par les rejets de l’incendie.
La préfecture a de son côté indiqué à Actu76 qu’elle réagirait début décembre. Affaire à suivre donc.
Gaëlle Carcaly – Journaliste
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