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Bois massif et sprinkleur à tous les étages
Conçu en bois massif et apparent, l’immeuble « Breizh » est un bâtiment en cours de construction à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Offrant environ 35 000 m² de bureaux et commerces, l’ensemble bâtimentaire comptera 7 étages pour une hauteur de dernier plancher ne dépassant pas 28 mètres. Les dispositifs de sécurité incendie déployés reposent en grande partie sur du sprinkleur, après des tests probants ayant valeur expérimentale.
À quelques pas du Stade de France, le projet « Breizh » sera constitué à terme de 22 000 m² de bureaux – le futur siège social de GRDF – et de 11 000 m² d’hôtel d’entreprises exploité par le bailleur social RIVP. Construit sur une ancienne friche industrielle, l’ensemble bâtimentaire combinera béton et matériaux biosourcés. Avec plus de 9 000 m³ d’éléments massifs mis en œuvre, le matériau bois sera mis à l’honneur. Promoteur du projet et inscrit dans une démarche « bas carbone » sur tout le cycle de vie d’une construction, le groupe WO2 revendique les labels BBCA (bâtiment bas carbone) et E+C (énergie positive et réduction carbone – délivré par des organismes agréés par l’État) pour le futur siège social de GRDF. Dans l’attente de l’évolution de la réglementation, les concepteurs se sont appuyés sur la doctrine de la préfecture de police de Paris pour concevoir la sécurité incendie des lieux. La livraison de l’ensemble est prévue début 2025.
Un bâtiment novateur
L’ensemble bâtimentaire (lire l’encadré « L’opération Breizh en bref » ci-dessous) s’articule autour d’un premier niveau et de circulations en béton, autour desquels se déploie la superstructure en bois réalisée par des appuis porteurs en poteaux et poutres lamellés-collés en épicéa. Les planchers porteurs sont en CLT (Cross Laminated Timber) d’épicéa. Les qualités de ces deux matériaux bois permettent de réaliser des bâtiments plus hauts ou avec des porte-à-faux conséquents.
Sur le plan environnemental, « le choix du CLT permet une réduction importante de l’empreinte carbone du bâtiment, explique Guillaume Wiel, directeur adjoint Recherche et Développement de WO2. Utiliser le bois en superstructure permet de diviser l’empreinte carbone par deux par rapport à un bâtiment conventionnel en béton. D’autre part, la préfabrication en usine entraîne une réduction des rotations de camions et des nuisances sonores en phase chantier, avec un gain de temps de réalisation du gros œuvre du fait d’une filière sèche. »
« Utiliser le bois en superstructure permet de diviser l’empreinte carbone par deux par rapport à un bâtiment conventionnel en béton. »
Guillaume Wiel, directeur adjoint R & D de WO2.
Outre l’atteinte d’objectifs ambitieux au regard de la RE2020, le bois possède aussi d’autres avantages, comme le rappelle Guillaume Wiel : « Montrer le bois de structure fait partie intégrante des bureaux proposés par WO2. Cela permet aussi d’améliorer la santé et le bien-être des collaborateurs qui travaillent dans un tel environnement. »
Un cadre réglementaire et normatif en évolution
S’émancipant progressivement du résidentiel et de la rénovation pour gagner peu à peu la construction neuve et l’habitat collectif, le matériau bois innove mais souffre de vides réglementaire et normatif. « Aux côtés des acteurs de la filière bois, WO2 participe à la création de référentiels, souligne Guillaume Wiel. Nous mettons ainsi au point des appréciations techniques expérimentales (ATEx) sur des sujets de façade ou d’étanchéité concernant le bois, en réalisant des campagnes d’essais visant à attester la performance d’un bâtiment en bois, aussi bien d’un point de vue acoustique que de sécurité incendie. »
Les premières études du projet Breizh ayant débuté en 2020, les concepteurs se sont appuyés sur la doctrine de la préfecture de police de Paris à propos de la construction des immeubles en matériaux biosourcés et combustibles, publiée en juillet 2021, pour penser la sécurité incendie. Rappelons qu’à côté de la hauteur du dernier niveau de l’édifice, la doctrine tient compte du facteur « bois apparent » dans son appréciation du risque. Il s’agit en effet de prendre en compte la probable participation du bois au développement et à la puissance d’un incendie. Pour les immeubles d’une hauteur comprise entre 18 et 28 mètres comme « Breizh », la doctrine préconise soit la protection passive de l’ensemble des éléments en bois (encapsulage du bois dans un matériau incombustible), soit la protection active au moyen d’un système d’extinction automatique à eau (SEAE) dans l’intégralité des parties du bâtiment comprenant du bois apparent. Le bois apparent constituant l’ADN de WO2, force était de recourir à la protection active.
Sprinkleur et brouillard d’eau à l’essai
Éditées en 2020, les diverses recommandations de France Bois 2024 concernant les bâtiments en bois multi-niveaux construits dans le cadre des JOP (village olympique) mentionnent la nécessité d’obtenir une appréciation de laboratoire agréé pour justifier de la résistance au feu des éléments en CLT. En effet, les méthodes de calcul pour justifier de la résistance du CLT sous incendie normalisé seront intégrées dans la révision de la NF EN 1995-1-2 (Eurocode 5 – actuellement en enquête publique).
D’autre part, W02 se heurte à la difficulté de concevoir une installation « appropriée aux risques » selon la formule consacrée de la doctrine de la BSPP. « Les SEAE sont conçus pour contrôler, voire éteindre des feux de mobilier ou de matières diverses stockées dans des locaux, explique Guillaume Wiel. La norme NF EN 12845 – Installations fixes de lutte contre l’incendie donne peu d’indications sur la prise en compte d’une structure combustible, en sus du mobilier habituellement présent ». Une campagne d’essais est décidée avec le laboratoire Efectis. L’objectif est double, précise Guillaume Wiel : « Primo, vérifier si la présence d’une structure combustible est de nature à majorer la classe de risque, qui dépend a priori du mobilier et non de la structure. Deuxio, comparer deux technologies entre elles : le sprinkleur et le brouillard d’eau haute et basse pression, avec des configurations de pose variées. »
Une attention pour la phase chantier
C’est finalement le sprinkleur qui sera retenu, pour des raisons de place (lire l’encadré “Deux technologies de système d’extinction automatique à eau (SEAE) testées en laboratoire” ci-dessous). Pour des raisons esthétiques, ce sont des buses longue portée « side wall » qui ont été montées afin de ne pas dénaturer les plafonds.
Afin d’anticiper l’évolution du bâtiment, des vannes d’isolement ont été demandées sur le réseau sprinkleur à chaque étage. « Plus on place de vannes sur le réseau, plus on s’expose au risque qu’elles soient fermées par inadvertance, précise Bénédicte Bartholet d’Axima Sécurité Incendie, entité d’Equans France, qui a décroché le lot SEAE du projet « Breizh ». « Ces vannes sont piégées, cadenassées et munies d’une alarme en cas de fermeture ».
« Plus on place de vannes sur le réseau, plus on s’expose au risque qu’elles soient fermées par inadvertance. »
Bénédicte Bartholet, directrice commerciale chez Axima Sécurité Incendie.
Enfin, le récent sinistre de Montfermeil l’a rappelé, une attention toute particulière a été portée à la sécurité incendie en phase chantier : « Une mise à disposition partielle des poteaux incendie assurant la Deci (défense extérieure contre l’incendie) en phase d’exploitation dès le démarrage du montage de la structure bois permet d’assurer la sécurité en phase chantier, détaille Guillaume Wiel. La mise en place de détecteurs de fumées et une procédure de travaux par point chaud ont été également prévues. Enfin, des visites de reconnaissance du chantier ont été organisées avec la caserne de pompiers de Saint-Denis ».
La protection du bois apparent des poteaux et des planchers est assurée par un système d’extinction automatique à eau de type sprinkleur. On distingue ici le réseau d’alimentation (en noir) et les têtes « up » qui protègent le plénum du plafond technique. Les têtes pendantes (protection des espaces sous plafond) et side-wall (protection de l’open-space) seront ajoutées plus tard.
L’opération « Breizh » en bref
Article extrait du n° 597 de Face au Risque : « Construction bois et sécurité incendie » (novembre 2023).
Bernard Jaguenaud – Rédacteur en chef
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