Conception des EPI : le cadre réglementaire

2 novembre 202312 min

La fabrication des équipements de protection individuelle (EPI) est réglementée par le code du travail qui soumet les industriels à de lourdes exigences avant leur mise sur le marché. Nous nous intéressons ici uniquement aux EPI portés ou utilisés par des travailleurs.

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Règles techniques de conception et de mise sur le marché

Définis à l’article R.4311-8 du code du travail, les EPI (équipements de protection individuelle) désignent « des dispositifs ou moyens destinés à être portés ou tenus par une personne en vue de la protéger contre un ou plusieurs risques susceptibles de menacer sa santé ou sa sécurité ».

Leur conception et leur fabrication sont réglementées par le code du travail. Celui-ci interdit d’exposer, de mettre en vente, de vendre, d’importer, de louer, de mettre à disposition ou de céder à quelque titre que ce soit des moyens de protection, dont les EPI, ne satisfaisant pas aux règles techniques du chapitre II et aux procédures de certification du chapitre III (article L.4311-3).

Ces règles techniques incluent notamment les exigences de l’annexe II du code du travail.

L’annexe II fixe les exigences de conception et de fabrication

Les EPI, qu’ils soient neufs ou d’occasion, doivent satisfaire aux règles techniques de conception et de fabrication prévues par l’annexe II du code du travail (lecture combinée des articles R.4312-6 et R.4312-7).

En premier lieu, cette annexe établit des règles générales applicables à tous les EPI. En particulier, ces derniers doivent :

  • être ergonomiques pour que « l’utilisateur puisse déployer normalement l’activité l’exposant à des risques », tout en ayant une protection adaptée d’un niveau aussi élevé que possible ;
  • avoir un niveau de protection qui « est celui au-delà duquel les contraintes résultant du port de l’équipement s’opposeraient à son utilisation effective pendant la durée d’exposition au risque, ou au déploiement normal de l’activité » ;
  • être compatibles avec les gestes à accomplir, les postures à avoir et la perception sensorielle ;
  • être accompagnés d’une notice d’instructions contenant notamment des informations sur le stockage, l’emploi, le nettoyage et l’entretien de l’équipement ainsi que sur les performances obtenues lors d’examens techniques visant à s’assurer des niveaux ou classes de protection des EPI.

Des règles particulières de conception et de fabrication concernent certains EPI. Par exemple ceux qui sont destinés à une utilisation en atmosphère explosible.

Afin de tenir compte de certaines spécificités, cette annexe fixe, en deuxième lieu, des règles supplémentaires communes à plusieurs genres ou types d’EPI que sont ceux notamment :

  • comportant des systèmes de réglage ;
  • enveloppant les parties du corps à protéger ;
  • destinés à une utilisation en atmosphère explosible ;
  • destinés à protéger contre plusieurs risques encourus simultanément.

En dernier lieu, l’annexe définit des règles supplémentaires spécifiques aux risques à prévenir. Elle fixe ainsi des mesures concernant la protection contre les chocs mécaniques, la compression statique d’une partie du corps, les agressions physiques (frottements, piqûres…), les noyades, les effets nuisibles du bruit, la chaleur ou le feu, le froid, les chocs électriques, les rayonnements, les substances ou préparations dangereuses et agents infectieux.

Elle prévoit des mesures spécifiques aux dispositifs de sécurité des équipements de plongée.

Lien entre règles techniques et normes

Comme le précise l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité) dans son document relatif aux règles d’utilisation des EPI (ED 6077, octobre 2013), ces règles techniques sont souvent reprises dans des normes européennes harmonisées.

En conséquence, les EPI sont souvent évalués par rapport à des « normes qui fixent des méthodes d’essai et des exigences de performance ». Certaines normes peuvent attribuer un niveau de performance, c’est le cas des gants de protection par exemple.

Précisons que les EPI conçus et construits conformément aux normes dont les références ont été publiées au Journal officiel de l’Union européenne sont réputés satisfaire aux règles techniques de l’annexe II du code du travail (R.4311-12).

Classification des EPI

Les EPI peuvent appartenir aux catégories I, II ou III, en fonction de la gravité des risques couverts par l’équipement. Cette classification est explicitée par l’annexe I du règlement 2016/425 du 9 mars 2016.

  • La catégorie I inclut les EPI protégeant contre des risques minimaux tels que l’agression mécanique superficielle ;
  • la catégorie III intègre les EPI protégeant contre des risques graves comme « la mort ou les dommages irréversibles pour la santé ». Elle comprend notamment les appareils de protection respiratoire filtrants qui protègent contre les aérosols solides ou liquides ou les gaz dangereux ou radiotoxiques.
  • La catégorie II inclut les EPI protégeant contre des risques autres que ceux appartenant aux catégories I et III.
Crédit: Andrej Pol/AdobeStock

Outre l’examen CE de type, les appareils de protection respiratoire doivent satisfaire à une procédure complémentaire avec intervention d’un organisme notifié.

Procédure de certification de conformité

Avant de mettre ses EPI sur le marché, le fabricant doit respecter certaines procédures de certification.

Le fabricant d’un EPI neuf établit et signe une déclaration CE de conformité prouvant que l’EPI est conforme aux règles techniques de l’annexe II du code du travail et satisfait aux procédures d’évaluation de la conformité applicables (R.4313-1). Il appose un marquage de conformité, constitué par le sigle CE, « de manière visible, lisible et indélébile sur chaque exemplaire d’EPI » (R.4313-3), ou à défaut, sur l’emballage (R.4313-4).

Avant toute mise sur le marché d’un EPI neuf, il constitue un dossier technique relatif aux moyens mis en oeuvre pour en assurer la conformité aux règles techniques applicables (R.4313-6).

Des dispositions similaires sont prévues pour les EPI d’occasion. En effet, le responsable de la mise à disposition d’un EPI d’occasion doit remettre au preneur un certificat de conformité par lequel il atteste que l’EPI est conforme aux règles techniques qui lui sont applicables (R.4313-14).

Les procédures d’évaluation de la conformité

Plusieurs procédures d’évaluation de la conformité des EPI existent. Elles répondent à une logique différente et dépendent de la gravité des risques contre lesquels l’EPI protège.

Comme le précise l’INRS dans son dossier dédié au sujet, les EPI de catégorie I sont soumis à la procédure d’auto-certification CE (R.4313-80). Les EPI de catégorie II sont soumis généralement à l’examen CE de type (R.4313-81) et ceux de catégorie III relèvent de l’examen CE de type complété, « au choix du fabricant, soit par la procédure de système de garantie de qualité CE, soit par la procédure de système d’assurance qualité CE de la production avec surveillance » (R.4312-82) (voir tableau 1).

Il convient de distinguer les procédures communes aux machines et aux EPI, de celles spécifiques aux EPI (voir tableau 2 et tableau 3).

Tableau 1. Procédures de certification applicables en fonction
de la gravité des risques et du degré de complexité des EPI

Procédure de certification Catégorie
d’EPI
Gravité
des risques
Conception
des EPI
Exemples
Auto-certification (déclaration du fabricant, sous sa responsabilité, de la conformité de l’EPI aux règles techniques) I Minimes et facilement identifiables par l’utilisateur Simple Lunettes de soleil, gants de protection contre des solutions détergentes diluées…
Examen CE de type (attestation par un organisme notifié que l’EPI est conforme aux règles techniques) II Casques de protection pour l’industrie, vêtements de haute visibilité…
Examen CE de type + procédure complémentaire avec intervention d’un organisme notifié : système de garantie de qualité CE ou système d’assurance qualité CE de la production avec surveillance III Graves ou mortels Complexes Appareils de protection respiratoire, EPI contre les chutes de hauteur…
Source : INRS, document ED 6077, octobre 2013

Tableau 2. Procédures communes aux machines et EPI

Procédure de contrôle interne de la fabrication (dite autocertification CE) Procédure
« examen CE de type »
C’est « la procédure par laquelle le fabricant s’assure qu’une machine ou un EPI satisfait aux règles techniques pertinentes de l’annexe applicable et établit, sous sa responsabilité, une déclaration de conformité » (R.4313-20).

  • L’EPI doit être de conception simple et protéger contre des risques non graves, facilement repérables par l’utilisateur (EPI de catégorie I).
  • Le fabricant établit pour chaque type de machine ou d’EPI le dossier technique précité (R.4313-22).
C’est la « procédure par laquelle un organisme notifié constate et atteste qu’un modèle de machine ou d’EPI est conforme aux règles techniques le concernant » (R.4313-23).

  • L’EPI appartient ici généralement à la catégorie II (vêtements de haute visibilité par exemple).
  • La procédure est initiée par le fabricant auprès d’un seul organisme notifié pour un modèle de machine ou d’EPI.
  • Concernant l’EPI, l’organisme notifié effectue les examens et essais lui permettant de s’assurer que :
    • le dossier technique est complet.

– Si ce dossier fait référence à des normes mentionnées à l’article L.4311-7 (à savoir des normes dont le respect est réputé satisfaire aux règles techniques applicables ainsi que celles qui peuvent être rendues obligatoires), l’organisme vérifie que le dossier comporte toutes les indications exigées par ces normes.

– S’il ne fait pas référence à de telles normes, l’organisme vérifie que les spécifications techniques utilisées pour l’EPI sont conformes aux règles techniques ;

    • « le modèle d’EPI a été fabriqué conformément aux indications contenues dans le dossier technique et peut être utilisé en sécurité conformément à sa destination ». Pour ce faire, l’organisme réalise les examens et essais appropriés pour s’assurer de la conformité du modèle d’EPI soit :
      • aux normes auxquelles fait référence le dossier technique,
      • aux spécifications techniques utilisées si elles ont été reconnues conformes aux règles techniques applicables à l’EPI (R.4313-30).
  • Si l’organisme conclut que le modèle de machine ou d’EPI respecte les règles techniques le concernant, il établit une attestation d’examen CE de type (R.4313-31). Dans le cas contraire, il en informe le demandeur et les autres organismes notifiés (R.4313-32).

Tableau 3. Procédures spécifiques aux EPI

Système de garantie de qualité CE Système d’assurance qualité CE
de la production avec surveillance
C’est « la procédure par laquelle un organisme notifié atteste que le fabricant a pris toutes mesures nécessaires pour que le procédé de fabrication, y compris l’inspection finale et les essais des EPI, assure l’homogénéité de sa production et la conformité de chaque exemplaire d’EPI soumis à cette procédure avec le modèle ayant fait l’objet de l’attestation d’examen CE de type et avec les règles techniques qui lui sont applicables » (R.4313-57).

  • Pour chaque EPI fabriqué, le fabricant désigne un organisme notifié qui prélève un échantillonnage de l’EPI à des intervalles aléatoires, au moins une fois par an. Il réalise sur cet échantillonnage les essais appropriés.
  • L’organisme notifié transmet au fabricant un rapport d’expertise dans un délai de deux mois suivant celle-ci (R.4313-58).
  • Si le rapport conclut à une absence d’homogénéité de la production ou à l’absence de conformité des échantillons d’EPI examinés avec le modèle décrit dans l’attestation d’examen CE de type et les règles techniques applicables, l’organisme prend les mesures appropriées en fonction des défauts constatés et en informe le ministre chargé du travail (R.4313-59). L’organisme peut, ainsi, notamment augmenter la périodicité des prélèvements d’échantillonnage, demander une modification des procédés de fabrication ou une mise au rebut des lots défectueux. Ces mesures sont supportées financièrement par le fabricant (R.4313-60).
C’est la « procédure par laquelle un fabricant :

  • fait approuver un système d’assurance qualité par un organisme notifié de son choix ;
  • confie à cet organisme le soin de contrôler, par surveillance, qu’il remplit correctement les obligations résultant du système d’assurance qualité approuvé » (R.4313-62).
  • Pour être approuvé, ce système doit garantir que chaque exemplaire d’EPI, soumis à cette procédure, respecte le modèle ayant fait l’objet de l’attestation d’examen CE de type et les règles techniques applicables (R.4313-63).
  • L’organisme procède, ainsi, à toutes les évaluations nécessaires des éléments de ce système (R.4313-67).
  • L’organisme contrôle, par surveillance, que le fabricant respecte ses obligations qui découlent du système d’assurance qualité approuvé (R.4313-69). Il réalise des enquêtes et contrôles pour vérifier que « le fabricant maintient et applique le système d’assurance qualité approuvé ». Il délivre un rapport d’expertise au fabricant et peut procéder à des visites inopinées chez lui (R.4313-71).
  • Si l’organisme conclut à une application défectueuse du système d’assurance qualité approuvé, il peut, soit demander les modifications nécessaires du système, soit acter le retrait de l’approbation (R.4313-72).

Article extrait du n° 596 de Face au Risque : « Plan de continuité d’activité : mode d’emploi » (octobre 2023).

Manon Janvier

Consultante au service Assistance réglementaire de CNPP Conseil & Formation

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