Accident de chariot élévateur
Jurisprudence. La Cour de cassation ne peut se prononcer que sur la bonne application d’une disposition juridique. Elle n’apprécie pas le fait, mais dit le droit. Illustration.
Faute de la salariée
Une victime d’un accident pris en charge au titre de la législation professionnelle a été déboutée de ses demandes en appel, après avoir eu gain de cause en première instance. Elle saisit la Cour de cassation qui décide cependant ce qui suit.
« 1. (…) qu’en l’espèce, il n’était pas contesté par l’employeur que le chariot élévateur, à l’origine de l’accident, était conduit par un salarié non titulaire du Caces, que l’autorisation de conduite délivrée par l’employeur n’était plus valable et que le chariot était dépourvu de rétroviseur ;
qu’il n’était pas non plus contesté par l’employeur qu’aucune signalisation n’existait à l’entrée de la réserve, pour indiquer les dangers d’un tel lieu en l’absence d’EPI (équipement de protection individuelle) ; que l’employeur aurait dû avoir conscience que ces éléments exposaient ses salariés à un risque et aurait dû prendre des mesures pour les préserver du danger ;
que la cour d’appel a cependant énoncé, pour débouter la victime de ses demandes, que l’accident n’aurait pu se produire si la salariée ne s’était pas déplacée dans la réserve, que la victime, hôtesse de caisse, n’avait pas à se rendre dans la réserve, un tel déplacement n’entrant pas dans ses attributions et étant interdit, la salariée ayant par ailleurs suivi plusieurs formations internes à la prévention des risques (…) ;
qu’en statuant ainsi, la cour d’appel s’est prononcée par des motifs impropres à écarter la faute inexcusable de l’employeur à l’origine de l’accident dès lors que la faute éventuelle d’un salarié n’est pas de nature à exonérer l’employeur de sa responsabilité et qu’il suffit que le manquement de l’employeur ait contribué à l’accident pour que la faute inexcusable soit retenue ; que la cour d’appel a ainsi violé l’article L.452-1 du code de la sécurité sociale ; (…)
Des manquements de l’employeur
2. (…) qu’en l’espèce, la victime faisait notamment valoir (…) que contrairement à ce que soutenait l’employeur, la victime ne disposait pas d’un téléphone portable et qu’elle ne pouvait pas accéder au stock à partir de l’ordinateur sur son point de vente ce qui expliquait qu’elle n’avait pas eu d’autre alternative que de se rendre en réserve pour vérifier la disponibilité d’un produit ;
que le compte rendu du CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail), versé aux débats par la victime, relevait pas moins de dix manquements de l’employeur ayant contribué à causer l’accident (…) ;
qu’en s’abstenant de rechercher, ainsi qu’il lui était demandé, s’il ne résultait pas du compte rendu du CHSCT que l’employeur avait commis un certain nombre de manquements ayant contribué à l’accident, l’arrêt se bornant sur ce point à énoncer “rapport d’enquête CHSCT à reprendre ?”, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.452-1 du code de la sécurité sociale ;
3. (…) qu’en l’espèce, la victime sollicitait la confirmation du jugement qui avait notamment constaté que l’employeur ne démontrait pas “l’existence d’instructions générales et d’une signalétique quelconque” relatif à l’interdiction de se rendre en réserve et qu’il n’était pas contesté que la victime avait pu se rendre dans la réserve où elle avait été heurtée par un chariot élévateur qui circulait en marche arrière, ce qui démontrait que l’employeur n’avait pas effectivement rendu impossible l’accès aux réserves par les salariés du magasin ;
qu’en se bornant à se référer à l’existence de formations, notamment le 21 mai 2014, sans relever qu’elle avait trait aux risques spécifiques encourus dans les réserves et sans caractériser que, le jour de l’accident, les processus généraux étaient effectifs et étaient de nature à empêcher l’accident, quand précisément, le rapport du CHSCT démontrait le contraire et notamment, comme l’avaient relevé les juges du fond, l’absence d’existence d’instructions générales et de signalétique interdisant clairement aux hôtesses de caisse, sans équipement de protection individuelle, de se rendre en réserve, ce qu’avait pu faire la victime, la cour d’appel a privé sa décision de motifs, violant l’article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour de cassation
« 4. Sous couvert de griefs non fondés de violation de l’article L.452-1 du code de la sécurité sociale, d’un défaut de base légale au regard de ce texte, et d’un défaut de motifs, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion devant la Cour de cassation l’appréciation souveraine par les juges du fond de la valeur des éléments de fait et de preuve débattus devant eux. 5. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé (…). »
Partant, le pourvoi de la salariée est rejeté.
En résumé
Une hôtesse de caisse a été blessée par un chariot élévateur alors qu’elle se trouvait dans la réserve sans équipement de protection individuelle (EPI).
Cherchant à faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur, ce dernier a argué devant les premiers juges qu’elle avait été formée en interne à la prévention des risques professionnels ainsi qu’à l’exigence du port de chaussures de sécurité lors d’opérations de manutention mécanique. Ces juges ont donné raison à la salariée, mais elle a en revanche été ensuite déboutée en appel. Elle conteste donc devant la Haute Juridiction, le fait que les juges d’appel ont retenu une faute de sa part, pour finalement écarter celle de l’employeur.
En effet, la jurisprudence rappelle régulièrement que la faute de la victime n’exonère celle de l’employeur que si elle a été exclusive et déterminante de l’accident, et non lorsqu’un manquement de l’employeur a contribué à l’accident. Or, le CHSCT avait ici parfaitement relevé « pas moins de dix manquements de l’employeur ayant contribué à causer l’accident ».
Pour autant, la Cour de cassation, compétente pour se prononcer exclusivement sur la bonne application d’une disposition juridique et non sur les faits en litige, refuse ici de procéder à un troisième examen des éléments fautifs de la situation et rejette le pourvoi de la salariée.
Article extrait du n° 596 de Face au Risque : « Plan de continuité d’activité : mode d’emploi » (octobre 2023).
Virginie Perinetti
Avocate au Barreau de Paris depuis 2004
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