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Parking couvert en feu à Aubervilliers : la dalle s’effondre
Les effondrements de dalles béton, le plus souvent végétalisées, sont rares, mais surviennent dans les cas relatés dans note rubrique à la suite de pluies diluviennes ou sous l’effet d’un incendie. Le dernier est survenu dans un parc de stationnement couvert à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), le jeudi 27 avril 2023, épargnant miraculeusement les sapeurs-pompiers qui engageaient le combat.
Un foyer difficile à localiser
C’est peu avant 10 h 30 que les sapeurs-pompiers sont alertés pour un feu de parc de stationnement couvert (PSC). Le foyer non localisé mais semblant occuper le quart ouest est déjà violent et s’étend à travers les boxes grillagés. Le résultat des reconnaissances, engagées à partir des trois escaliers et la rampe d’accès, entraîne une première demande de renforts de quatre engins-pompes.
Une trentaine de minutes après l’arrivée des premiers secours, le foyer n’est toujours pas découvert et deux lances sont en attente. Face à ce feu qui établit un écran de fumée épais entre lui et ceux qui veulent en mesurer l’importance, le dispositif se renforce par des demandes successives de moyens spécifiques aux feux en sous-sol : ventilation, désincarcération, équipes d’exploration longue durée, réserve d’air comprimé, etc.
L’opération promet, au regard de la surface et du nombre supposé de véhicules, d’être longue. Mais alors que deux équipes progressent par le sud et le nord, la dalle s’effondre soudain sur 500 à 600 m² au droit du foyer supposé, libérant des torrents de fumée puis des flammes entre les blocs de béton plongeant dans le brasier. Deux porte-lances engagés à une dizaine de mètres sont atteints par des chutes de matériaux et déclarés en urgences relatives.
La problématique évolue…
Le feu doit maintenant être attaqué par l’extérieur depuis la périphérie, au rez-de-chaussée. Mais pas question de s’engager sur les éléments de dalle en équilibre instable ! Des pans entiers de béton et de terre mêlés s’écroulent, élargissant la zone effondrée à mesure que se couchent les poteaux, pour rapidement occuper la quasi-totalité des 3 000 m², emprisonnant un feu de dizaines de véhicules écrasés.
Vers midi, trois lances grande puissance couvrent la zone de décombres, alors que de nouveaux moyens, dont un groupe mousse-ventilation, sont demandés, augurant une opération de très longue durée. Une heure après, ce sont sept lances, dont une sur robot d’extinction, qui attaquent le feu sur ses quatre faces.
En images, l’intervention des sapeurs-pompiers de la BSPP à Aubervilliers (93), le 27 avril 2023.
Crédit photos : Erwan Thépault/BSPP.
Le dégagement de fumée noire est intense. Il fait disparaître dans ses volutes l’un des deux immeubles R+8, sous le vent. Son évacuation est décidée ainsi que celle du groupe scolaire voisin, et un centre d’accueil des impliqués est activé.
Conjointement, la préfecture diffuse des consignes de confinement aux habitations exposées via les réseaux sociaux. Tout l’après-midi la lutte se poursuit, dominée par les évolutions du drone d’observation.
Onze lances dont deux sur robots d’extinction
Vers 14 h 30, le feu est circonscrit. 132 boxes seraient atteints par le feu. Après avis de l’architecte d’astreinte, une attaque plus « fine » va s’engager en progressant sur la dalle effondrée, notamment avec deux robots.
Mais dans cet enchevêtrement de béton, de terre et de véhicules écrasés, la lutte ciblée contre les multiples foyers est complexe et dangereuse. Une manœuvre mousse est décidée et le top donné vers 19 h. Quatre lances à mousse vont « asphyxier » ce feu retors en un peu
Deux robots d’extinction sont engagés.
plus d’une heure trente. Les émissions de fumée décroissent considérablement et les occupants de la barre R +8 sous le panache peuvent réintégrer leurs appartements en début de soirée.
Le feu peut être déclaré « éteint » avant 22 h. S’en suivra alors une longue phase d’extinction des multiples foyers résiduels. Preuve de la complexité de cette intervention, l’opération sera terminée… le 4 mai, soit sept jours après le début de l’engagement. 74 engins de 30 centres de secours, totalisant près de 250 hommes, ont été engagés plus de deux jours. Deux d’entre eux ont été blessés.
Vers 19h, une attaque à la mousse a été décidée pour asphyxier le feu.
Un parking de 3 000 m² détruit, plus de 130 boxes et plus de 70 véhicules emprisonnés sous la dalle effondrée, plusieurs sapeurs-pompiers échappant de peu au drame…
Un chantier complexe s’étalant sur des semaines ou des mois sera nécessaire pour découper les éléments de dalle et les évacuer, avant d’accéder aux carcasses de véhicules et connaître l’ampleur réelle du préjudice matériel.
La cause du sinistre est inconnue et soumise à enquête judiciaire.
Les pièges des feux de parking couverts
Le 3 juillet dernier, toujours sur le secteur de la 26e compagnie, le sergent Dorian Damelincourt de la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris, perdait sa jeune vie lors d’un autre feu de parc de stationnement couvert, à Saint-Denis cette fois. Preuve de la dangerosité de ces feux mal ventilés, très fumigènes, au potentiel calorifique énorme (pneus, carburant, plastiques et maintenant batteries lithium…) où l’enveloppe de béton entraîne rapidement un véritable effet de four.
Deux kilomètres à peine séparent le feu que nous traitons ici, de celui où est décédé ce sapeur-pompier, survenu un peu plus de 2 mois après, en période de troubles urbains.
Outre le risque lié à la nature du combustible et la configuration des lieux (à Aubervilliers nous n’avons heureusement qu’un seul niveau en sous-sol…), les secours doivent intégrer la recherche éventuelle de personnes… En effet certains de ces parkings voient leurs boxes utilisés ou loués comme lieux de vie clandestins, avec canapé-lit ou matelas, camping-gaz pour les repas, etc.
Certains même, comme celui du quartier de Marcouville à Pontoise (Val-d’Oise) qui a pris feu le 2 juillet 2020, abritent des ateliers de mécanique-auto clandestins avec présence possible de postes de soudure… Ils peuvent servir aussi de points de deal à la fréquentation soutenue, le feu étant un moyen d’expression ciblé… À Aubervilliers, lorsque l’effondrement survient, trois lances sont en manœuvre, certaines engagées sur plus de 10 m entre les escaliers et le foyer principal.
La propagation, lorsque les boxes sont grillagés, est évidemment plus facile que lorsqu’ils sont clos… Le feu passe facilement d’une voiture à l’autre, tout en entravant la progression des pompiers. Certains de ces boxes servent aussi de cave d’appoint…
L’effondrement survenu, le type de feu à combattre change, les flammes s’échappent à l’extérieur et la fumée s’évacue. Le dispositif change et aux lances plus maniables engagées par l’intérieur vont succéder des lances « grande puissance » à gros débit et longue portée pour couvrir ce rectangle de 60 x 50 m. Mais trop de foyers sont emprisonnés sous les blocs de dalle se chevauchant et une action hommes/robot (lances à main et lances-canons sur robot)
Des pans entiers de béton et de terre mêlés se sont écroulés.
va être engagée sur ce champ chaotique après avis de l’architecte d’astreinte.
C’est sous l’action d’un déversement de mousse de près de 2 heures que le feu sera dompté. La maîtrise des foyers résiduels se poursuivra ensuite grâce à quatre lances à main.
Point positif de ce sinistre
Les deux barres d’immeubles encadrant le parking étaient bien séparées de ce dernier. Dans de nombreuses résidences et cités, les immeubles s’élèvent sur le parking, escaliers et ascenseurs plongeant dans ses sous-sols. Le risque de diffusion des fumées ou des flammes est possible via la destruction de conduites en PVC traversant la dalle, la remontée de fumées par des gaines mal recoupées, ou la destruction de joints de dilatation. Les fuites sont multiples… Les locaux du rez-de-chaussée coiffant le parking sont alors à surveiller particulièrement (feu de Marcouville entre autres).
Les effondrements de dalles
L’effondrement de structure compte parmi les risques les plus redoutés par les sapeurs-pompiers, avec l’explosion (la seconde pouvant entraîner la première…).
Parmi les « célèbres » effondrements de dalles, on peut citer celui du Crédit Lyonnais le 5 mai 1996. Les éléments porteurs de la dalle cèdent après plus de 5 heures de feu, entraînant un patio, son jardin et ses arbustes… trois étages plus bas dans les salles de coffres, alors que des centaines d’hommes sont engagés dans le bâtiment. Pas une victime (Face au Risque n° 326, octobre 1996).
A contrario, sept pompiers suisses sont tués en ressortant d’un petit parc de stationnement couvert, après avoir éteint quelques véhicules… Au fil des années, la couche de terre du terrain de jeux avait été augmentée…
Mais l’eau aussi peut entraîner des effondrements de dalles végétalisées :
- effondrement de la dalle végétalisée du supermarché Casino de Nice, après d’intenses pluies et un coup de tractopelle dans un pilier faisant 3 morts le 26 janvier 1994 ;
- effondrement de la dalle d’un parking privé sur plusieurs niveaux dans le IXe arrondissement de Paris en 2006, après un puissant orage sur la capitale.
La défaillance du système de drainage, la charge décuplée de la terre gorgée d’eau… un incendie ou une explosion peuvent faire le reste, comme lors de l’attentat à la camionnette piégée de l’aéroport de Madrid. La dalle de béton végétalisée « coulissant » au travers des poteaux démantelés, le 30 décembre 2006, a fait 2 morts et 52 blessés (Face au Risque n° 431, mars 2007).
Feux de tous les dangers, pénibles à combattre, les feux de PSC, nombreux en région parisienne, font heureusement l’objet d’une tactique d’engagement précise, bâtie sur l’expérience, s’appuyant sur les mesures préventives (compartimentage, désenfumage naturel ou mécanique, détection et parfois extinction automatique), un matériel spécifique, (ventilation grand débit, producteurs de mousse, lances perforantes, robots d’extinction chenillés…) et sur un engagement des binômes de reconnaissance ou d’attaque répondant à des procédures rigoureuses.
René Dosne
Lieutenant-colonel (rc), créateur du croquis opérationnel à la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris
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