Alarme anti-intrusion : le rebond se confirme

22 septembre 20238 min

Aux prémices d’une révolution technologique avec l’émergence des systèmes basés sur l’intelligence artificielle, le marché de l’alarme anti-intrusion est de nouveau en phase ascendante.

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Oubliée l’année 2020 catastrophique ! Elle s’était soldée par une chute historique des ventes d’alarme anti-intrusion de 7,8 % en raison d’une demande tétanisée par la crise sanitaire et les difficultés d’approvisionnement qui ont suivi.

Une année record

Il a en effet seulement fallu une année pour retrouver le niveau d’avant la période Covid, grâce à une croissance de 8,9 %. Et la progression de 5 % enregistrée en 2022 a même permis d’atteindre un niveau d’activité record pour franchir la barre de 1,5 milliard d’euros, selon les statistiques collectées dans l’Atlas d’En Toute Sécurité.

« Le marché est clairement redevenu porteur, mais il se scinde en deux : le segment des particuliers qui est en forte progression, en pleine conquête de nouveaux clients, et celui des professionnels – plus mature – où la croissance est moins forte. Sur ce dernier créneau, les taux d’équipement sont pratiquement de 100 % et la progression des ventes se fait grâce à des prestations de services supplémentaires et au renouvellement d’équipements en portant le choix vers des solutions plus sophistiquées », nous explique Patrick Lanzafame, président du GPMSE, qui regroupe les sociétés d’installation de sécurité électronique et de télésurveillance.

Les ventes sont par exemple en stagnation sur le marché bancaire en raison de la fermeture de nombreuses agences et dans les marchés publics à cause des contraintes budgétaires fortes. En revanche, elles se tiennent bien pour les sites sensibles ou les enseignes de distribution.

Au total, on recense la mise sur le marché de près de 300 000 nouvelles centrales d’alarme chaque année, dont plus des trois quarts dans le secteur résidentiel, qui ne pèse cependant pas beaucoup en valeur face aux grosses configurations sur les sites industriels ou tertiaires.

La baisse de 2020 déjà effacée

(ventes en millions d’euros)

La baisse de 2020 déjà effacée - Source : En Toute Sécurité

« La progression de 5 % enregistrée en 2022 a même permis d’atteindre un niveau d’activité record pour franchir la barre de 1,5 milliard d’euros. »

Davantage de services

La part des services (intégration, installation, maintenance) est largement prépondérante sur le créneau professionnel et moindre chez les particuliers, de sorte qu’ils génèrent 53 % de l’activité en valeur, contre 47 % pour la partie fabrication et distribution des matériels, selon l’étude d’En Toute Sécurité.

Les télésurveilleurs sont des très gros consommateurs de systèmes d’alarme, tant pour les professionnels que pour les particuliers. Sur ce dernier segment de marché, les leaders – à l’instar de Verisure – conçoivent eux-mêmes les centrales afin qu’elles correspondent exactement à leurs attentes.

À noter le rôle important – et croissant – des distributeurs qui cherchent à monter en gamme et à proposer de nouveaux services se rapprochant de l’intégration de systèmes. C’est la stratégie de ténors comme Francofa Eurodis (groupe Rexel), Sonepar, Itesa ou Tevah Systèmes. Ils ont pour clients des grands fabricants internationaux, tels Honeywell ou Chubb, aux côtés de très nombreux installateurs (qui vont des géants de l’électricité comme Spie ou Equans à des spécialistes comme Securitas, Scutum, Barkene et une myriade de petites structures locales). On trouve

Répartition par type de clientèle en 2022

(en valeur)

Répartition par type de clientèle en 2022 - Source : En Toute Sécurité

également un tout petit peloton de concepteurs de logiciels comme ESI (groupe Vitaprotech). Habituellement, cette profession est largement rentable : 85 % des entreprises d’alarme sont bénéficiaires et l’on ne note pratiquement pas de faillites.

Digitalisation

Le monde de la sécurité – et bien évidemment celui de l’alarme – connait une période de digitalisation poussée permettant des services plus larges et plus conviviaux. L’alarme connectée assure un dialogue avec le client – surtout chez les particuliers – qui a désormais la possibilité de piloter son système à distance via son smartphone.

« Les liaisons radio remplacent le câblage. Les systèmes évoluent vers l’intelligence artificielle avec des algorithmes plus sophistiqués et vers la “cloudification”. Ces tendances se manifestent d’ailleurs davantage à l’étranger qu’en France qui accuse un certain retard sur l’application de ces technologies prometteuses », fait remarquer Éric Thord, PDG de Vitaprotech, un des ténors de la sécurité électronique, dont les clients se recrutent surtout parmi les sites sensibles. « Les Jeux olympiques ne devraient pas être un théâtre d’expérimentation, mais un théâtre opérationnel », regrette-t-il.

En fait, le marché est en train de changer de nature : « On assiste à une osmose entre l’alarme, le contrôle d’accès, la vidéosurveillance et la télésurveillance. C’est cet aspect multifonction qui dope les ventes aujourd’hui », analyse Patrick Lanzafame. La liaison entre alarme de sûreté et alarme incendie est une question – autrefois tabou – qui se pose avec plus d’insistance depuis que les technologies permettent une coordination des deux.

Mais un autre rapprochement s’opère entre deux univers qui s’ignoraient jusqu’ici : « La convergence est de plus en plus nette entre surveillance humaine et sécurité électronique », affirme Olivier de Mazières, délégué aux partenariats, aux stratégies et aux industries de la sécurité (DPSIS) qui devient d’ailleurs la Depsa (Direction des entreprises, des partenariats de sécurité et des armes). Cela implique que les agents de sécurité se familiarisent davantage avec les outils technologiques et notamment avec les systèmes d’alarme.

Un marché innovant

Une exigence impérieuse se manifeste depuis quelques mois seulement : prévenir les attaques informatiques contre les systèmes de sécurité électronique. « Le volet cyber est devenu essentiel et va encore prendre de plus en plus d’importance avec le basculement des systèmes vers le tout IP », estime le président de GPMSE, en faisant néanmoins remarquer que les attaques n’ont pas été très nombreuses ni très destructrices dans la sécurité électronique jusqu’à présent.

Un effort de sensibilisation devra également être fait auprès des particuliers pour qu’ils ne négligent plus les codes d’accès de leur centrale, comme cela semble être une dangereuse habitude.

« L’important pour un professionnel de l’alarme est désormais de maîtriser le cloud, ce qui était encore assez inimaginable voici quelques années. »

L’important pour un professionnel de l’alarme est désormais de maîtriser le cloud, ce qui était encore assez inimaginable voici quelques années. « Cela génère beaucoup de préoccupations », souligne Patrick Lanzafame. D’autant que le cloud coûte cher en transmissions de données et que le client tend à porter son choix sur un cloud « souverain » afin d’éliminer les risques d’espionnage de la part d’opérateurs étrangers.

Pour les infrastructures de secours (le back-up), les sociétés de sécurité utilisent le réseau téléphonique sans fil.

« La 6G va arriver très vite et générera la naissance de nouveaux services en termes de réactivité ou de transfert de données », affirme Éric Thord. Cela pourrait par exemple faciliter l’utilisation d’appareils nomades destinés à gérer des alarmes ou du contrôle d’accès.

Intelligence artificielle et alarme

À l’autre bout du spectre, l’alarme pour les particuliers fait également peau neuve. Créée en 2021, la start-up Artifeel a l’ambition de chambouler le marché avec un système d’alarme basé sur l’intelligence artificielle. « À la différence des systèmes actuels qui se déclenchent et alertent en cas de sollicitation, notre alarme est activée en permanence et n’alerte que si la sollicitation est analysée comme étant de nature intrusive, ce qui est déterminé grâce à une intelligence artificielle gérant près d’un demi-million de données. La conception même de cette alarme nous permet de viser des segments de marché qui ne sont pas vraiment adressés jusqu’à présent, notamment les sites non reliés au réseau électrique comme les dépendances de jardin, les mobil-home, les yachts, etc. », explique Alain Staron, son président.

Une initiative qui a séduit le télésurveilleur Sotel, un des leaders du marché, puisqu’il a pris une participation minoritaire dans la jeune entreprise fin 2022. « Le métier de la télésurveillance est en train de disrupter et investir dans une start-up permet de participer à cette mutation », affirme Vincent Andrin, président du directoire de Sotel.

Un millésime 2023 plus mitigé

Les start-up ne sont pas légion dans l’alarme anti-intrusion, relève Patrick Lanzafame : il faut donc en prendre soin, d’autant qu’environ un tiers des jeunes pousses dans la sécurité privée – mais aussi dans la plupart des secteurs économiques – meurent quelques années seulement après leur naissance faute d’un soutien financier suffisant, d’un produit réellement adapté à la demande ou par manque de contrats significatifs.

Autre obstacle : « les start-up vont avoir plus de mal à se financer, car l’argent va être plus cher pour les fonds d’investissement », avertit Éric Thord. Ils vont donc être plus sélectifs et pourraient privilégier d’autres secteurs que la sécurité et notamment l’alarme anti-intrusion.

Pour 2023, les professionnels se montrent prudents : la conjoncture économique générale de la France est morose et l’effet Jeux olympiques sera complètement marginal en termes de commandes. Ils comptent plutôt stimuler la demande par l’innovation… tandis que les émeutes urbaines de la fin juin 2023 nécessiteront la rénovation ou le remplacement de plusieurs milliers de systèmes d’alarme dans les bâtiments publics, les enseignes de distribution, les bureaux de tabac ou les agences bancaires.


Article extrait du n° 594 de Face au Risque : « Éviter les chutes » (juillet-août 2023).

Patrick Haas

Journaliste et directeur d’En Toute Sécurité

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