La santé des femmes au travail est ignorée

15 septembre 20234 min

Dans leur rapport sur la santé des femmes au travail de juin 2023, cinq sénatrices font le constat que les répercussions du travail sur la santé des femmes sont méconnues et minimisées. Elles formulent 23 recommandations pour œuvrer en faveur de l’égalité en matière de santé au travail.

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Les maladies professionnelles sont mal connues

L’un des premiers constats relevé par les cinq sénatrices dans leur rapport sur la santé des femmes au travail est que de nombreuses maladies à caractère professionnel ne sont pas inscrites aux tableaux des maladies professionnelles. Et celles qui le sont, sont mal connues des salariés mais aussi des médecins. En conséquence, elles ne sont pas déclarées.

Par exemple, pour les TMS (troubles musculo-squelettiques) à caractère professionnel, première maladie professionnelle en France qui atteint à 60 % les femmes :

  • 30 % ne correspondent pas à un tableau de maladie professionnelle ;
  • 75 %, bien que correspondant à un tableau de maladie professionnelle, ne sont pas déclarés.

Peu de statistiques de genre

Autre écueil rencontré : la santé des femmes n’est pas étudiée par la Direction générale du travail ou par la Cnam. Ce qui empêche de dresser un diagnostic précis de la santé des femmes au travail. Les sénatrices estiment que c’est la crainte d’être discriminant qui freine « la mise en œuvre de l’évaluation sexuée des risques professionnels ».

Conséquence, c’est la morphologie moyenne de l’homme qui est prise en compte pour la conception des postes de travail et des équipements de protection… Et la prévention et la réparation des risques professionnels sont d’abord pensées pour les hommes.  C’est ainsi que seules 23 % des femmes sont concernées par le compte professionnel de prévention (C2P).

Les risques invisibles

Les femmes sont beaucoup plus « exposées à des risques invisibles et silencieux, liés à une usure physique et psychique » (tâches plus fines mais répétitives). Tandis que « les hommes sont davantage exposés à des dangers visibles et engageant le pronostic vital (accidents, amiante…) », note le rapport.

Ainsi, les femmes sont 3 fois plus atteintes par des souffrances psychiques que les hommes.

Et 20,1% des femmes ont subi au moins un fait de violence (agression, harcèlement) dans le cadre du travail au cours de l’année écoulée contre 15,5% des hommes (enquête Virage, 2015).

La santé sexuelle

L’endométriose, maladie féminine invalidante mais invisible, atteint 10 % des femmes en âge de procréer, selon le ministère de la Santé (2022). Cette maladie entraîne souvent des conséquences discriminantes pour ces femmes.

Les rapporteures encouragent les employeurs à adopter une « culture bienveillante » pour les femmes souffrant de cette pathologie menstruelles incapacitantes. Et elles incitent « les branches à négocier des mesures d’aménagement des conditions de travail (poste de travail, temps et horaires de travail, évolution de carrière) ».

Concernant la grossesse puis la maternité, de nombreuses mesures existent. Néanmoins, des difficultés persistent. En 2021, « plus de 3,2 % des saisines enregistrées par le Défenseur des droits en matière de discriminations avaient pour motif la grossesse », peut-on lire sur le site du Défenseur des droits.

20 % des femmes occupant des emplois ouvriers et de service perdent ou quittent leur emploi en cours de grossesse, avance le rapport.

Différencier n’est pas discriminer

Les cinq sénatrices martèlent qu’il faut penser la santé au féminin.

Pour ce faire, elles préconisent notamment :

  • l’exploitation de données sexuées ;
  • la prise en compte de l’approche genrée dans le prochain plan santé au travail (PST5) ;
  • l’application d’un DUERP genré (document unique d’évaluation des risques professionnels) ;
  • la formation de tous les acteurs de la prévention à une approche genrée ;
  • l’adaptation des mesures de prévention aux conditions de travail des femmes ;
  • le renforcement des sanctions pour les employeurs qui ne respectent pas les obligations d’aménagement de poste après un arrêt de travail de longue durée ;
  • la révision de la liste des critères de pénibilité ;
  • une reconnaissance des cancers du sein et des ovaires en maladie professionnelle facilitée ;
  • une meilleure communication des employeurs auprès des femmes enceintes sur l’ensemble de leurs droits pendant la grossesse ;
  • l’intégration de l’endométriose dans la liste des affections de longue durée (ALD) exonérantes (avec une prise en charge particulière par l’assurance maladie) permettant de supprimer le délai de carence et le bénéfice de la reconnaissance de qualité de travailleur handicapé.

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Martine Porez – Journaliste

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