Incivilités et violences au travail : état des lieux

11 septembre 20237 min

Personnel d’accueil insulté, médecin ou infirmière menacés, agent de sécurité ou sapeur-pompier agressés, salarié pris à partie par un client énervé : tout contact d’un travailleur avec du public implique un risque d’incivilité voire de violence. La preuve avec quelques exemples chiffrés.

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En 2020, 441 000 personnes (710 000 en 2018) âgées de 14 ans ou plus ont déclaré avoir été victimes de violences physiques (hors ménage). Ces violences comprennent :

  • les violences avec contact (coups, gifles, étranglements, empoignades, brûlures, bousculades…) ;
  • les actes dégradants ou particulièrement intimidants tels que les crachats ou les menaces exercées avec une arme ou un objet dangereux utilisé comme une arme.

40 % (22 % entre 2016 et 2018) de ces victimes de violences physiques ont déclaré avoir été agressées dans l’exercice de leur métier.

MENACES

1 516 000 personnes (1 805 000 en 2018) ont déclaré avoir été victimes de menaces hors situation de vol ou de violence et en dehors du ménage.

Deux personnes sur cinq ont été victimes de menaces en exerçant leur métier (42 %), contre 33 % sur la période 2016-2018.

INJURES

4,2 millions de personnes (près de 4,9 millions en 2018) déclarent avoir subi des injures.

Une victime sur quatre (23 %) a déclaré avoir été injuriée alors qu’elle était en train d’exercer son métier (26 % pour la période 2016-2018).

Source : Enquête Cadre de vie et sécurité (CVS) édition 2021 (pour l’année 2020).

ÉTABLISSEMENTS DE SOINS

391 établissements de soins ont déclaré 19 328 signalements d’atteintes aux personnes et aux biens en 2021 : 17 756 atteintes aux personnes et 3 844 aux biens.

Un signalement pouvant concerner plusieurs faits, ils se déclinent en 37 497 faits ou actes de niveaux de gravité différents (33 169 aux personnes et 4 328 aux biens).

Répartition des atteintes aux personnes par type de gravité en 2019, 2020 et 2021

Échelle des niveaux de gravité Nombre de signalements d’atteintes aux personnes
. 2019 2020 2021
1. Insultes, injures 6 613 31 % 5 262 29,9 % 5 695 32,1 %
2. Menaces d’atteinte à l’intégrité physique 3 784 18 % 2 896 16,5 % 3 250 18,3 %
3. Violences physiques 10 379 49 % 8 960 50,9 % 8 288 46,7 %
4. Violences avec arme, etc. 458 2 % 480 2,7 % 523 2,9 %
Total 21 334 100 % 17 598 100 % 17 756 100 %

Source : Ministère chargé de la santé – DGOS – ONVS – Plateforme signalement

Autres données significatives de 2021

  • Les personnels représentent 84 % des victimes d’atteintes aux personnes, les agents de sécurité 4 %.
  • Un patient est l’auteur des violences dans 7 cas sur 10. Les accompagnateurs ou visiteurs dans 1 cas sur 5.
  • Les signalements de violence ont donné lieu à 1 446 plaintes et à 127 mains courantes dont 386 plaintes et 35 mains courantes déposées par les établissements eux-mêmes. 78 % des cas de violences n’ont pas été suivis d’une démarche judiciaire.
  • Toutes victimes confondues, les atteintes aux personnes déclarées à l’ONVS ont généré, en 2021, 4 111 jours d’arrêt de travail sur 1 962 signalements mentionnant les arrêts de travail et 860 jours d’incapacité totale de travail (ITT) sur 1 749 signalements mentionnant l’ITT.

Source : rapport ONVS 2022 sur les années 2020 et 2021.

SAPEURS-POMPIERS

4 287 agressions de sapeurs-pompiers ont été déclarées en 2021. Parmi celles-ci, 3 472 ont fait l’objet d’un dépôt de plainte. Elles sont à l’origine de 845 jours d’arrêt de travail. Lors de ces agressions, 119 véhicules ont été détériorés pour un montant estimé à 70 000 €. Il convient d’y ajouter les 157 véhicules pour lesquels le montant des dégâts n’est pas connu.

Source : DGSCGC – Les statistiques des services d’incendie et de secours (édition 2022).

PÔLE EMPLOI

14 192  C’est le nombre d’incivilités ou agressions signalées par les employés de Pôle Emploi à leur encontre en 2022. Soit 56 par jour ouvré, d’après un document interne consulté par RMC.

Les agressions physiques et verbales sont en baisse par rapport à 2021, mais les agressions comportementales sont en hausse de 13 %. Elles incluent les harcèlements, le chantage, la dégradation mais aussi les intentions suicidaires, en hausse de 30 % par rapport à 2021.

La direction de Pôle Emploi explique cette hausse notamment par le fait qu’il soit demandé à tous les agents de faire remonter chaque incivilité depuis le drame de Valence, où une conseillère avait été tuée en 2021 (lire ci-dessous).

AGENTS DE SÉCURITÉ

1 agent de sécurité sur 10 a été victime d’agression verbale en 2019, 1 sur 20 en 2020. Cette baisse peut certainement s’expliquer par la crise sanitaire.

En 2020, 5 % des agressions ont fait l’objet d’une plainte.

Source : rapport de branche 2021 de la « Prévention-Sécurité » – Données 2020 du GES.

C’est arrivé

Le 5 juillet 2020 à Bayonne (Pyrénées- Atlantiques), un chauffeur de bus procède au contrôle du billet et du port du masque de quatre individus perturbateurs. La situation dégénère : le ton monte, les cinq hommes se retrouvent dehors et deux agresseurs rouent de coups le chauffeur. L’homme de 58 ans est laissé inconscient sur le sol. Arrivé à l’hôpital en état de mort cérébrale, il décédera 5 jours plus tard. Selon France Info, le procès des trois hommes impliqués dans la mort du chauffeur, Philippe Monguillot, aura lieu devant la cour d’assises à Pau en septembre 2023.

Le 26 janvier 2021, une directrice des ressources humaines est retrouvée morte dans sa voiture, garée sur le parking de son entreprise, dans le Haut-Rhin. Elle a été tuée de quatre balles. Le soir même, un autre DRH est agressé à son domicile à une quarantaine de kilomètres. Le tireur loupe sa victime et prend la fuite. Deux jours plus tard, une cadre de Pôle Emploi est tuée par un individu armé sur son lieu de travail à Valence (Drôme). Puis, à quelques kilomètres, une autre DRH est abattue dans son bureau, en Ardèche. Le suspect est interpellé dans la foulée, c’est un ingénieur sans emploi. La cadre de Pôle Emploi travaillait dans l’agence où le tireur était inscrit jusqu’en 2013. Les trois autres cibles étaient impliquées dans ses deux licenciements en 2006 et 2009. Surnommé dans la presse « le tueur de DRH » et reconnu coupable de trois assassinats et d’une tentative d’assassinat, il a été condamné le 28 juin 2023 à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie de la peine de sûreté maximale prévue par la loi : 22 ans. Il a fait appel de cette décision.

Un client mécontent a attaqué au couteau, le 10 juillet 2021, deux vendeurs d’une boutique Bouygues Telecom, dans un centre commercial à Claye-Souilly (Seine-et- Marne). L’une des deux victimes, âgée de 18 ans, a succombé à ses blessures. Le client s’était présenté plus tôt à la boutique pour un différend commercial, demandant un remboursement qu’il n’a pas obtenu. Il est revenu peu de temps après avec un couteau. « L’agresseur a ensuite voulu s’en prendre à une troisième salariée de la boutique mais a été maîtrisé par quatre personnes, parmi lesquelles un agent de la brigade de recherche et d’intervention (BRI) et un surveillant pénitentiaire tous deux en civil et hors service », avait indiqué la procureure de Meaux.

La vidéo de l’agression avait circulé sur les réseaux sociaux, témoignant de la violence de l’attaque. Un agent de sécurité du centre commercial Les Quatre Temps à La Défense (Hauts-de-Seine) s’est fait violemment agresser par un individu le 23 mars 2022. Victime de multiples fractures faciales et d’un traumatisme crânien, il avait été transporté à l’hôpital Foch de Suresnes et plongé dans le coma. S’il peut à nouveau marcher, les expertises ont diagnostiqué une atteinte irréversible des fonctions cognitives et motrices, d’après Le Figaro. L’agression aurait par ailleurs été requalifiée en faits criminels, en l’occurrence « des violences sur une personne exerçant une activité privée de sécurité suivie d’une mutilation ou infirmité permanente en état de récidive légale », d’après le média. Le procès devrait avoir lieu fin 2023 ou début 2024.

Un homme souffrant de troubles psychiatriques a tué une infirmière et blessé une secrétaire médicale du CHU de Reims le 22 mai 2023. Il s’est présenté au service médecine et santé du travail du CHU, alors qu’il n’avait pas rendez-vous, avant de s’introduire dans les vestiaires du personnel où se trouvaient les deux femmes et de les attaquer avec un couteau de cuisine. « Cet événement met une nouvelle fois en lumière la nécessité d’apporter un cadre réglementaire à la gouvernance de la sécurité sûreté en secteur de santé », avait alors réagi sur les réseaux l’Acses, l’association des chargés de sécurité en établissements de soin.


Article extrait du n° 595 de Face au Risque : « Incivilités : quelles réponses ? » (septembre 2023).

Gaëlle Carcaly – Journaliste

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