« Deauville, we have a problem » : Apollo 13 revisitée

25 août 20235 min

C’est sous forme d’un serious game (« jeu sérieux ») que les participants d’un atelier des Rencontres Amrae 2023 ont été plongés dans une cellule de crise avec un objectif, et pas des moindres : ramener sur Terre, sains et saufs, les trois astronautes de la mission Apollo 13, après une avarie majeure. Comme s’ils y étaient ! Qu’ont-ils appris de cette crise ? Qu’auraient-ils décidé à la place de l’astronaute américain Jim Lovell et ses deux collègues à bord de la fusée Saturn V ?

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Méthodologie de décision

Pour transporter dans l’espace la quarantaine de participants à l’atelier « De la terre des risques à la Lune », trois animateurs de choc : Benoît Vraie, responsable des risques et de l’audit interne aux Autoroutes et Tunnel du Mont-Blanc, Raphaël de Vittoris, group crisis manager de Michelin, et Louis Bernard, fondateur de Crisotech, entreprise de conseil et de formation en gestion de crise. Ils se sont appuyés sur la projection d’extraits du film de Ron Howard, sorti en 1995, avec Tom Hanks dans la peau du commandant de la mission.

Face à l’événement, si on ne se l’est pas représenté au préalable, on risque de travailler sur des sujets très durs mais qui ne sont pas prioritaires.

Raphaël de Vittoris
Group crisis manager de Michelin

Raphael de Vittoris, group crisis manager de Michelin

Avant chaque décision cruciale pour la survie des astronautes, les participants devaient indiquer leur choix sur une application mobile. L’intérêt de l’atelier ne résidait pas tant dans les réponses que dans l’analyse des vrais choix et, surtout, de la méthodologie adoptée par les membres de la Nasa.

Dans le film, on les devine en état de panique et de sidération quand la fusée et les astronautes sont victimes d’une panne d’oxygène. « On ne bâtit pas une stratégie de continuité à chaud, c’est mieux de la construire avant. Car face à l’événement, si on ne se l’est pas représenté au préalable, on risque de travailler sur des sujets très durs mais qui ne sont pas prioritaires », a commenté Raphaël de Vittoris.

Le group crisis manager de Michelin venait d’ailleurs de répondre à un appel d’offres de la Nasa avec une roue sans air pour équiper le futur véhicule lunaire. Le groupe clermontois a développé des exercices de simulation de crise, « la voie royale de l’apprentissage », selon son crisis manager.

Atelier serious game - Crédit: Amrae

L’atelier serious game, lors des dernières Rencontres de l’Amrae, jouait à guichets fermés.

Lisser les comportements de stress

Profitant d’une scène du film située dans la salle de crise de la Nasa, où tout le monde parlait en même temps, Benoît Vraie a interprété ce désordre absolu comme l’expression du stress qui s’est emparé des experts dont les décisions engendreraient la vie ou la mort des trois astronautes. Et auraient un impact sur l’image des États-Unis, en pleine guerre froide et conquête de l’espace.

« Il faut s’entraîner pour avoir une stratégie opérationnelle. Le coordinateur de crise doit séquencer les prises de décisions et lisser ainsi les comportements de stress », a expliqué celui qui enseigne le management sous stress à la Sorbonne et en grandes écoles.

Benoit Vraie, responsable risques et audit ATMB, administrateur de l'Amrae

Le moins gradé doit parler en premier. La gestion de crise revient au risk manager.

Benoît Vraie
Responsable des risques et de l’audit

Sa méthode en cellule de crise : un tiers du temps est consacré à la collecte de paroles et d’informations (huit personnes en moyenne pour assurer l’hétérogénéité) « et le moins gradé doit parler en premier », a insisté Benoît Vraie. Un autre tiers correspond au temps de la cohésion du groupe. Le dernier tiers est celui de la décision : le responsable s’exprime alors seul et choisit l’action à mettre en œuvre.

« La gestion de crise revient au risk manager, même si c’est souvent la guerre avec les personnes chargées de la qualité, de la sécurité ou de la sûreté, a décrit Benoît Vraie. Il ne prend pas part à la décision, il n’est pas un expert technique, mais son regard transversal est important en cellule de crise. »

« Chez Airbus, c’est un sachant qui est directeur de crise, ce n’est donc jamais le même, tout dépend du sujet », a témoigné un participant de l’atelier.

Échec réussi

ll n’y a pas de mauvaise crise, le retour d’expérience est le plus important.

Louis Bernard
Fondateur de Crisotech

Le serious game aura duré une heure et demie, il est passé comme une fusée. En définitive, la catastrophe de la mission Apollo 13 s’est transformée en « un échec réussi » : les trois astronautes sont rentrés sains et saufs sur Terre.

« ll n’y a pas de mauvaise crise, le retour d’expérience est le plus important », ont conclu les animateurs de l’atelier. On aurait bien refait le voyage.


Article extrait du n° 594 de Face au Risque : « Éviter les chutes » (juillet-août 2023).

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