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Incendie dans le métropolitain, il y a 120 ans
L’incendie sur la ligne de métro Porte Dauphine-Nation, ouverte quatre mois plus tôt, a tué 84 personnes le 10 août 1903. À l’époque, les voitures étaient en bois, ce qui a contribué au développement du feu, et les dégagements étaient insuffisants.
Les faits
Il est environ 19 h ce lundi 10 août 1903 lorsque la rame n° 43, composée de deux motrices et de six wagons en bois, entre à la station Barbès sur la 2e ligne du métro parisien (Porte Dauphine-Nation).
Le conducteur s’aperçoit que la motrice de tête prend feu par le dessous. Les voyageurs sont priés de descendre tandis que le personnel jette de l’eau sur ce début d’incendie. Le conducteur repart à vide pour gagner le terminus, pensant le feu éteint. Mais celui-ci reprend.
Plusieurs tentatives d’extinction calment le feu et il est décidé que la rame suivante (n° 52), composée d’une motrice et de trois wagons, pousse celle-ci jusqu’à Nation après avoir fait descendre ses passagers.
Les stations Belleville puis Couronnes sont franchies par ce long convoi de 12 voitures sans passagers. Mais l’incendie se développe et, juste avant son entrée dans la station Ménilmontant, un court-circuit arrête le convoi. La motrice s’embrase complètement, les flammes se propagent et la fumée envahit la station Ménilmontant sur le quai de laquelle attendent de nombreux voyageurs.
Ceux qui le peuvent s’enfuient, certains empruntent le tunnel vers la station Père Lachaise.
Ligne 2 Nord (Porte Dauphine-Nation) concernée par l’incendie du 10 août 1903
La fumée remonte le tunnel en direction de la Porte Dauphine, jusqu’à la station Couronnes, où est déjà arrivée la rame suivante (n° 48), pleine de passagers… Une explosion retentit et le conducteur de cette rame enjoint ses passagers à évacuer.
Inconscients du drame qui se noue, beaucoup réclament d’abord le remboursement de leur place… Ce n’est que lorsqu’ils aperçoivent le terrible panache de fumée en provenance du tunnel qu’ils comprennent. Trop tard pour beaucoup d’entre eux…
En outre, vers 19 h 30, l’incendie fait fondre les câbles électriques, plongeant le métro dans le noir et augmentant encore la panique. Une bousculade se produit à la station Couronnes : les voyageurs tentent de gagner les escaliers vers l’unique sortie.
Dans la pénombre, désorientées, de nombreuses personnes se dirigent vers le mauvais côté du quai, qui malheureusement est sans issue, et périssent intoxiquées par les fumées ou écrasées contre le mur.
Les secours
La chaleur est telle que les pompiers ne peuvent descendre dans les stations Couronnes et Ménilmontant. De plus, on craint l’écroulement des voûtes sous l’effet de la fournaise. Ce n’est que le lendemain matin qu’ils parviennent enfin sur les lieux du drame.
À Ménilmontant, ils découvrent 7 corps carbonisés. À Couronnes, ce sont 77 personnes qui sont mortes asphyxiées et que les pompiers retrouvent entassées au bout du quai. On comptabilise aussi de nombreux blessés. Cette tragédie est la plus importante de l’histoire du métro parisien.
Le procès
La Compagnie du chemin de fer métropolitain de Paris (CMP) qui exploite le métro démontre que c’est la non-observation des règles de sécurité par les agents qui a conduit au drame. Ce sont donc quatre de ses employés qui sont inculpés d’homicide involontaire.
Le 17 décembre 1904, le tribunal correctionnel de la Seine leur reconnaît cependant des circonstances atténuantes, attribuant aux victimes une part de responsabilité. Il condamne deux d’entre eux à un mois de prison avec sursis et 2 000 F d’amende, les deux autres prévenus écopant de 3 000 et 2 000 F d’amende.
Ni la CMP, ni la ville de Paris, qui avait assuré la construction du réseau (dont la première ligne avait été inaugurée 3 ans auparavant lors de l’exposition universelle de 1900), ne sont mis en cause. Cependant, la CMP indemnise les victimes. 1 253 000 francs leur sont déjà versés au moment du procès.
Les dysfonctionnements
Ce drame a mis en évidence plusieurs défauts matériels et organisationnels qui ont été corrigés.
Premier écueil : les rames en bois avec des câbles électriques courant sous leur plancher. Le métal a progressivement remplacé le bois.
En 1906, toutes les rames étaient métallisées. D’une façon générale, les équipements ont peu à peu été constitués en matières incombustibles ou ininflammables.
Le circuit électrique d’alors était unique et alimentait aussi bien la traction des rames que l’éclairage. Deux réseaux distincts ont donc été créés.
De plus, ils ont été divisés en plusieurs sections afin de limiter l’impact des pannes. Par ailleurs, l’isolation des câbles électriques a été revue. Dans les tunnels, l’éclairage est devenu obligatoire et dans les stations, des blocs autonomes d’éclairage de sécurité ont été installés.
Les dégagements avaient fait cruellement défaut lors du sinistre, si bien qu’il a été demandé à la CMP de créer une issue de chaque côté des quais. Mais seulement quelques nouvelles sorties ont été réalisées dans les stations existantes compte tenu du coût de cette mesure.
Enfin, des voies de secours ont été prévues dans les nouvelles lignes. Ainsi, en cas de problème avec une rame, le trafic n’est pas interrompu.
Article extrait du n° 594 de Face au Risque : « Éviter les chutes » (juillet-août 2023).
Martine Porez – Journaliste
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