Faute inexcusable et chute de hauteur
Jurisprudence. Un salarié est décédé à la suite d’une chute de hauteur sur un chantier de maintenance. Son employeur a vu sa faute inexcusable reconnue et a contesté cette condamnation civile jusqu’à la Cour de cassation.
Les faits
Monsieur R. a été victime d’un accident mortel consécutif à une chute en étage, pris en charge au titre de la législation professionnelle. Relaxé au pénal, l’employeur saisit jusqu’à la Cour de cassation, s’agissant de la faute inexcusable qui a été retenue, ensuite, à son encontre. C’est dans ces circonstances que la Haute Juridiction décide cependant, ici, que :
« 4. (…) Pour relaxer la société A. du chef d’homicide involontaire, dans le cadre d’une relation de travail, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, [la juridiction a] jugé que rien n’avait permis de déterminer les causes de la chute de M. R, cause de son décès, que, compte tenu du très long délai écoulé entre la mise en service du système de chauffage par la société A. et l’intervention de son salarié pour un simple travail de finitions s’apparentant à une prestation de maintenance ou de service après-vente, le responsable de la société A. était en droit de penser que le chantier était totalement terminé y compris s’agissant de la protection de la trémie de l’escalier et qu’en envoyant seul M.R dans la maison afin d’y effectuer quelques finitions sur le système de chauffage installé depuis plusieurs mois, le responsable de la société A. s’est comporté comme un homme normalement diligent et qu’il ne peut lui être reproché aucun manquement ou négligence (…).
Réponse de la Cour
5. Ayant, d’abord, rappelé que l’arrêt pénal retient que si la cause du décès de M. R a été sa chute depuis l’étage par une trémie non protégée, rien en revanche n’a permis de déterminer les causes de cette chute et qu’un doute subsiste sur les raisons pour lesquelles il a chuté d’un étage de la maison, et ensuite relevé qu’il résulte des constatations de l’inspecteur du travail, des enquêteurs et des photographies, l’absence de garde-corps au niveau de l’escalier d’où la victime est tombée, alors qu’elle ne bénéficiait d’aucun moyen de protection et que le responsable de la société, s’il pouvait penser que le chantier était entièrement terminé, ne s’en est pas assuré et n’a pas vérifié les conditions dans lesquelles le salarié allait intervenir sur le chantier, faisant ainsi ressortir que l’employeur, qui aurait dû avoir conscience du danger auquel a été exposé son salarié, n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver, c’est sans encourir le grief allégué que la cour d’appel a retenu la faute inexcusable de l’employeur. (…). »
Partant, le pourvoi de l’employeur est rejeté.
En résumé
Dans les suites d’une chute mortelle de l’un de ses salariés, envoyé intervenir sur une installation d’un système de chauffage sur un chantier, l’employeur a d’abord, été relaxé du chef d’homicide involontaire au bénéfice de l’indétermination des causes exactes de l’accident.
Cependant, par ailleurs, ce même employeur a vu sa faute inexcusable reconnue et a entendu contester sa condamnation civile en conséquence. Il soutient ainsi qu’il pensait le chantier terminé depuis leur première intervention, des mois plus tôt. Mais, dans la mesure où le salarié a été envoyé sur ce site sans que l’employeur ne le vérifie factuellement, l’imprévisibilité du danger n’est pas retenue. En d’autres termes, l’employeur aurait dû s’assurer de la sécurité sur le chantier, avant de l’y envoyer à nouveau. Partant son pourvoi est rejeté.
Article extrait du n° 594 de Face au Risque : « Éviter les chutes » (juillet-août 2023).
Virginie Perinetti
Avocate au Barreau de Paris depuis 2004
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